Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
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La valeur de la marchandise est créée par le travail dans le processus de production, mais elle ne peut se manifester que si l’on compare une marchandise à une autre dans le processus d’échange, c’est-à-dire dans la valeur d’échange.
La forme la plus simple de la valeur est l’expression de la valeur d’une marchandise en une autre marchandise : par exemple, une hache = 20 kilogrammes de grain. Examinons cette forme.
Ici la valeur de la hache est exprimée en grain. Le grain sert de moyen d’expression matériel de la valeur de la hache. La valeur de la hache ne peut s’exprimer dans la valeur d’usage du grain que parce que la production du grain, de même que la production de la hache, a nécessité du travail. Derrière l’égalité des marchandises se cache l’égalité du travail dépensé à leur production. La marchandise (dans notre cas la hache) exprimant sa valeur en une autre marchandise se présente sous la forme relative de la valeur. La marchandise (dans notre exemple le grain), dont la valeur d’usage sert de moyen d’expression de la valeur d’une autre marchandise, se présente p. 81sous une forme équivalente. Le grain est l’équivalent d’une autre marchandise : la hache. La valeur d’usage d’aine marchandise : le grain, devient ainsi la forme d’expression de la valeur d’une autre marchandise : la hache.
À l’origine l’échange, qui apparaît déjà dans la société primitive, présentait un caractère fortuit et s’effectuait sous forme d’échange direct d’un produit contre un autre. À cette phase du développement des échanges correspond la forme simple ou accidentelle de la valeur :
Une hache = 20 kilogrammes de grain.
Avec la forme simple de la valeur, la valeur de la hache ne peut être exprimée que dans la valeur d’usage d’une marchandise, le grain dans notre exemple.
Avec l’apparition de la première grande division sociale du travail, la séparation des tribus de pasteurs de l’ensemble des tribus, l’échange devient plus régulier. Certaines tribus, celles des éleveurs, par exemple, commencent à produire un excédent de produits d’élevage, qu’elles échangent contre les produits agricoles ou artisanaux qui leur manquent. À ce degré d’évolution des échanges correspond une forme totale ou développée de la valeur. Interviennent alors dans les échanges non plus deux, mais toute une série de marchandises :
Ici la valeur de la marchandise reçoit son expression dans la valeur d’usage non pas d’une seule, mais de beaucoup de marchandises, qui jouent le rôle d’équivalent, En même temps les rapports quantitatifs, dans lesquels s’effectue l’échange, prennent un caractère plus constant. À ce degré toutefois se conserve encore l’échange direct d’une marchandise contre une autre.
Avec le développement de la division sociale du travail et de la production marchande, la forme d’échange direct d’une marchandise contre une autre devient insuffisante. On voit surgir, dans le processus de l’échange, des difficultés dues à l’accroissement des contradictions de la production marchande, des contradictions entre travail privé et travail social, entre la valeur d’usage et la valeur d’une marchandise. De plus en plus souvent apparaît une situation dans laquelle, par exemple, le possesseur d’une paire de bottes a besoin d’une hache, mais la valeur d’usage des bottes fait obstacle à l’échange, car le possesseur de la hache a besoin non de bottes, mais de grain : la transaction ne peut avoir lieu entre ces deux possesseurs de marchandises. Alors le possesseur de bottes échange sa marchandise contre la marchandise qui est plus souvent demandée en échange, et que tout le monde accepte volontiers, par exemple un mouton, et il échange contre ce mouton la p. 82hache qui lui est nécessaire. Quant au possesseur de la hache, une fois qu’il a reçu en échange de sa hache un mouton, il échange celui-ci contre du grain. C’est ainsi que sont résolues les contradictions de l’échange direct. L’échange direct d’une marchandise contre une autre disparaît progressivement. De la masse des marchandises, il s’en dégage une, par exemple le bétail, contre laquelle on commence à échanger toutes les marchandises. À ce degré de développement de l’échange correspond la forme générale de la valeur :
La forme générale de la valeur se caractérise par Je fait que toutes les marchandises commencent à s’échanger contre une marchandise qui joue le rôle d’équivalent général. Cependant, dans cette phase, le rôle d’équivalent général n’a pas encore été réservé à une seule marchandise. Selon les lieux, ce rôle est rempli par des marchandises différentes. Là, c’est le bétail ; ici, ce sont les fourrures ; ailleurs encore, c’est le sel, etc.
L’accroissement des forces productives, l’apparition des outils de métal et de la deuxième grande division sociale du travail, la séparation de l’artisanat et de l’agriculture, amènent le développement de la production marchande et l’élargissement du marché. L’abondance de marchandises d’espèces différentes, jouant le rôle d’équivalent général, entre en contradiction avec les besoins croissants du marché, qui exige l’adoption d’un équivalent unique.
Lorsque le rôle d’équivalent général se fut attaché à une seule marchandise, on a vu surgir la forme monnaie de la valeur. Divers métaux ont joué le rôle de monnaie, mais en fin de compte, il a été réservé aux métaux précieux, l’or et l’argent. L’argent et l’or présentent au plus haut degré toutes les qualités qui rendent les métaux propres à jouer le rôle de monnaie : ils sont homogènes, divisibles, inaltérables et ont une grande valeur sous un poids et un volume faibles. C’est pourquoi la fonction de la monnaie échut aux métaux précieux, et finalement à l’or.
La forme monnaie de la valeur peut être représentée de la façon suivante :
Avec la forme monnaie, la valeur de toutes les marchandises s’exprime dans la valeur d’usage d’une seule marchandise, qui est devenue équivalent général.
Ainsi la monnaie a fait son apparition à la suite d’un long processus de développement de l’échange et des formes de la p. 83valeur. Avec l’apparition de la monnaie s’effectue la division du monde des marchandises selon deux pôles : à un pôle restent les marchandises courantes ; à l’autre se trouve la marchandise qui joue le rôle de monnaie. Désormais toutes les marchandises commencent à exprimer leur valeur en marchandise-monnaie. Par conséquent, la monnaie, contrairement à toutes les autres marchandises, joue le rôle d’incarnation générale de la valeur, d’équivalent général. La monnaie a la faculté de pouvoir être échangée directement contre toutes les marchandises, et ainsi de servir de moyen de satisfaction de tous les besoins des possesseurs de marchandises, tandis que toutes les autres marchandises ne sont à même de satisfaire qu’une espèce de besoins particuliers, par exemple les besoins en pain, en vêtements, etc…
Par conséquent, la monnaie est une marchandise qui sert d’équivalent général pour toutes les marchandises ; elle incarne le travail social et exprime les rapports de production entre les producteurs de marchandises.