Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
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p. 58La société féodale se composait de deux classes principales : les féodaux et les paysans. Elle
comportait une division en classes qui plaçait l’immense majorité, la paysannerie serve, sous la dépendance complète d’une infime minorité : les seigneurs féodaux possesseurs de la terre.
La classe féodale n’était pas homogène. Les petits féodaux payaient tribut aux grands, les aidaient dans la guerre, mais bénéficiaient en revanche de leur protection. Le protecteur s’appelait suzerain, le protégé vassal. Les suzerains étaient à leur tour les vassaux de seigneurs plus puissants. C’est ainsi que se forma la hiérarchie féodale.
Classe dominante, les propriétaires fonciers féodaux étaient à la tête de l’État. Ils formaient une couche sociale : la noblesse. Au sommet de l’échelle sociale, les nobles jouissaient de privilèges politiques et économiques étendus.
Le clergé (séculier et régulier) était, lui aussi, un gros propriétaire foncier. Il possédait de vastes territoires sur lesquels vivait une nombreuse population dépendante et serve, et formait, comme la noblesse, une couche sociale dominante.
La hiérarchie féodale reposait sur la large base que constituait la paysannerie. Les paysans devaient obéissance au seigneur et se trouvaient placés sous la juridiction suprême du premier féodal : le roi. La paysannerie était une couche sociale dépourvue de tout droit politique. Les seigneurs pouvaient vendre leurs serfs, et ils usaient largement de ce droit. Ils infligeaient aux paysans des châtiments corporels. Lénine a appelé le servage l’ « esclavage de l’homme attaché à la glèbe ». Le serf était presque aussi férocement exploité que l’Antiquité. Il pouvait toutefois travailler une partie de son temps sur son lopin de terre, il pouvait jusqu’à un certain point être son propre maître.
La contradiction de classe entre féodaux et paysans serfs domine l’histoire de la société féodale. La lutte de la paysannerie exploitée contre les seigneurs s’est poursuivie durant toute la féodalité ; elle devint particulièrement aiguë à la fin de cette époque, quand l’exploitation des serfs se fut aggravée à l’extrême.
Dans les villes qui s’étaient affranchies de la dépendance féodale, le pouvoir appartenait aux riches citadins : marchands, usuriers, propriétaires de terrains et d’immeubles. Les artisans des corporations, qui formaient la grande masse de la population des villes, étaient souvent en lutte contre l’aristocratie urbaine pour obtenir le droit de participer conjointement avec elle à l’administration de la cité. Les petits artisans et les p. 59compagnons luttaient contre l’exploitation que leur faisaient subir les maîtres de métier et les marchands.
À la fin de l’époque féodale, une différenciation déjà très poussée s’était opérée parmi la population des villes. Il y avait, d’un côté, les riches marchands et les maîtres de métier ; de l’autre, la masse des compagnons et des apprentis, des pauvres gens. Les couches inférieures de la population luttaient contre l’aristocratie urbaine et les seigneurs coalisés. Leur lutte rejoignait celle des paysans serfs contre l’exploitation féodale.
Le pouvoir suprême était censé appartenir aux rois (en Russie, aux grands princes, puis aux tsars). Mais hors de leurs domaines, le pouvoir des rois était infime au début de l’époque féodale, souvent même purement nominal. Toute l’Europe était divisée en une foule d’États grands et petits. Les grands feudataires étaient maîtres absolus sur leurs terres. Ils édictaient les lois, en assuraient l’exécution, rendaient la justice, possédaient une armée, se livraient à des incursions contre leurs voisins ; ils ne se faisaient pas faute non plus de piller sur les grands chemins. Beaucoup d’entre eux battaient monnaie. Les féodaux moins puissants jouissaient aussi de droits très étendus sur leurs sujets et cherchaient à s’aligner en tout sur les grands seigneurs.
Avec le temps, les rapports féodaux finirent par constituer un écheveau extrêmement embrouillé de droits et de devoirs. Les désaccords et les conflits étaient continuels entre seigneurs. Ils étaient d’ordinaire tranchés par la force, au cours de guerres intestines.