Dominique Meeùs
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Contenus pour le cours d’introduction au marxisme des 26 et 28 janvier 2011 à l’ESACT, Conservatoire de Liège

Dominique Meeùs (www.d-meeus.be) de l’Institut d’études marxistes (Inem, marx.be/).

L’original du présent document est en d-meeus.be/marxisme/liege2011/contenu.html. (Cours sur deux après-midi de 14 à 18 h, avec une pause, donc quatre séances.)

Pour la première journée, plus économique, on peut se référer à deux ouvrages disponibles en ligne : Manuel d’économie politique, Éditions sociales, Paris, 1956, (https://d-meeus.be/marxisme/manuel/) et Louis Ségal, Principes d’économie politique, Éditions sociales internationales, Paris, 1936 (https://d-meeus.be/marxisme/ecopolSegal.html). J’ai aussi une ébauche de cours personnel d’économie politique (https://d-meeus.be/marxisme/cours/). Sur certains points ci-dessous, je donne directement des renvois à ces sources.

Pour la deuxième journée, plus historique et politique, il y a bien sûr le Manifeste du parti communiste de Marx et Engels, nombreuses éditions, aussi en ligne. Sur la révolution d’Octobre, Histoire du parti communiste bolchévik de l’U.R.S.S., Éditions en langues étrangères, Moscou, 1949. Sur l’histoire de la Chine, L’histoire du parti communiste chinois, Éditions en langues étrangères, Beijing, 1994.

Première séance, mercredi 26, A — Capitalisme

Surplus

Approche classique : ce qui reste à une société, au-delà de sa subsistance ordinaire

Vie privée : « mettre de côté » ; société : on pourrait dire reproduction simple (travailler pour continuer à vivre comme on est habitué à le faire, sans plus) et reproduction élargie (reproduction simple + surplus). Nouveaux outils, routes, canaux, pyramides d’Égypte, Notre-Dame de Paris.

Là-dedans apparaissent deux choses :

1

– Ségal, https://d-meeus.be/marxisme/ecopolSegal01.html#chap01par4contra

Approche du point de vue des travailleurs : ce qui reste, de tout le travail fourni dans la société, après que les travailleurs aient assuré leur subsistance ordinaire

Dans la différenciation sociale il y a principalement la différence entre ceux qui travaillent et ceux qui vivent du travail des autres. Il serait plus juste de concevoir le surplus par rapport au seul peuple travailleur. Le peuple travailleur consacre un certain temps à la reproduction simple de ses moyens d’existence (y compris des jeunes et des vieux des familles des travailleurs). Le reste du temps, il entretient les notables qui ne travaillent pas et il crée des monuments durables et les bases du développement futur. Longtemps, cette composante de développement est très réduite et le développement est très lent. Cependant, il y a toujours eu un surplus (même au-delà de la consommation des parasites sociaux), puisque nous sommes là pour le dire dans les conditions d’aujourd’hui, plus à l’âge de la pierre.

Valeur

Valeur temps de travail2, voir le tableau de l’échange.

La loi de la valeur

Sur le marché, les producteurs échangent des valeurs égales. Dans une société marchande, la valeur commande toutes les relations économiques et en particulier détermine ce qui sera produit (affectation des forces productives)3.

La « loi de l’offre et de la demande »

Ce n’est pas une loi fondamentale, c’est une des manifestations de la loi de la valeur. Cela joue au niveau des prix et pas de la valeur. Si l’offre est excessive ou insuffisante par rapport à la valeur, le prix descend ou monte par rapport au prix qui correspond à la valeur. L’offre est alors corrigée (parce que cette production rapporte moins ou plus) ce qui tend à rapprocher le prix de celui qui correspond à la valeur (jusqu’à une nouvelle inadéquation de l’offre).

2

Manuel, https://d-meeus.be/marxisme/manuel/chap04sect02.html et https://d-meeus.be/marxisme/manuel/chap04sect03.html
– Ségal, https://d-meeus.be/marxisme/ecopolSegal02.html#chap02par1
– Mon cours d’économie, https://d-meeus.be/marxisme/cours/valeur.html#valeur
– Mon cours de philosophie marxiste, à propos de l’abstraction, https://d-meeus.be/marxisme/philo/cours3.html#valeur

3

Manuel, https://d-meeus.be/marxisme/manuel/chap04sect07.html
– Ségal, https://d-meeus.be/marxisme/ecopolSegal02.html#chap02par4loi
– Mon cours d’économie, https://d-meeus.be/marxisme/cours/monnaie.html#Loi

Exploitation

Partir du tableau du caractère social et interconnecté de la production. On pourrait ajouter en paroles en amont les routes, les canaux, les ports… en aval le téléphone mobile (chose que je peux sortir de ma poche plus facilement que ma voiture). Passer au tableau comparant la valeur de la journée de travail et la valeur de la force de travail4. C’est la forme capitaliste du surplus. Les « bons comptes font les bons amis », c’est un contrat, à ce stade et dans l’esprit de l’ordre capitaliste, dans le droit bourgeois, ce n’est pas du vol. (Contrairement au passé, dans ce système plus efficace, le surplus devient très important, potentiellement illimité sauf les contradictions.)

4

Manuel, https://d-meeus.be/marxisme/manuel/chap07sect04.html
– Ségal, https://d-meeus.be/marxisme/ecopolSegal04.html#chap04par2
– Mon cours d’économie, https://d-meeus.be/marxisme/cours/plusvalue.html#Production

La loi de la recherche du profit

Le moteur de l’économie n’est pas le bien public (fournir à l’humanité ce dont elle a besoin pour survivre), mais la recherche du plus grand profit. La loi fondamentale du capitalisme, c’est la production de plus-value5 et, en raison de la concurrence, il n’est pas permis de se contenter d’un profit « raisonnable », modéré.

5

Manuel, https://d-meeus.be/marxisme/manuel/chap07sect04.html

Lutte de classes

(Jusqu’à ce point, l’exposé est surtout didactique et le débat doit porter surtout sur la compréhension des notions. Ce qui suit sur les contradictions n’est pas moins scientifique, mais ouvre le débat, plus politique, de l’impossibilité d’une troisième voie.)

Lutte de classes. En situation de concurrence (on est en régime de « libre entreprise », de « marché libre »), les capitalistes ne peuvent pas se contenter des « bons comptes » qui font les bons amis (sans parler de la baisse tendancielle du taux de profit), ils mènent donc en permanence une guerre plus ou moins ouverte et plus ou moins aiguë contre les travailleurs : diminution de salaire, allongement de la journée de travail. Dans cette guerre, ils volent et ils mentent (à l’occasion, ils tuent), mais ce n’est pas parce qu’ils sont menteurs ou voleurs dans l’âme ; c’est assurément immoral, mais le problème n’est pas là ; c’est un problème économique, ils n’ont pas le choix.

Diminution du salaire direct dans l’entreprise

On demande des sacrifices pour « sauver l’entreprise ».

Fermeture d’entreprise et reprise à un salaire diminué

Beaucoup de pilotes de la Sabena volent de nouveau, mais à des conditions beaucoup plus défavorables

Diminution du salaire indirect

Diminution des « cotisations patronales », augmentation de l’intervention personnelle en soins de santé et médicaments.

Globalement, baisse de la part des salaires dans le revenu national

Voir les statistiques.

Anarchie

Autre dimension de la concurrence, anarchie. Encore le tableau du caractère social, capacités excédentaires dans l’industrie automobile, destructions d’outils dans la sidérurgie (exemple de Charleroi dans la référence ci-dessous au cours d’économie). Contradiction entre le caractère social de la production et le caractère privé de la propriété et de la décision6.

6

Manuel, https://d-meeus.be/marxisme/manuel/chap16sect04.html
– Ségal, https://d-meeus.be/marxisme/ecopolSegal01.html#chap01par4contra
– Ségal, https://d-meeus.be/marxisme/ecopolSegal04.html#chap04par1
– Mon cours d’économie, https://d-meeus.be/marxisme/cours/contrad.html#Anarchie

Crise

Crise de surproduction7. Diminution de la part des salaires dans les revenus de la société. Trop de capitaux, placements financiers, bulles, krach…

7

Manuel, https://d-meeus.be/marxisme/manuel/chap17sect01.html
– Ségal, https://d-meeus.be/marxisme/ecopolSegal10.html#chap10par1
– Mon cours d’économie, https://d-meeus.be/marxisme/cours/contrad.html#surproduction

(Il y a moins à dire sur le socialisme. Si on est à court de temps, on peut terminer cette séance à l’exploitation et faire passer tout ce qui est lutte de classes et autres contradictions à la séance suivante. C’est une bonne entrée en matière pour le socialisme.)

Deuxième séance, mercredi 26, B — Socialisme

Communisme

(Il y a moins à dire sur le socialisme. Si on est à court de temps, on peut terminer à l’exploitation la séance précédente sur le capitalisme et commencer cette séance-ci par tout ce qui est lutte de classes et autres contradictions. C’est une bonne entrée en matière pour le communisme et le socialisme.)

S’il y a contradiction entre le caractère social de la production et le caractère privé de la propriété et de la décision, il n’y a pas dix solutions : la propriété aussi doit devenir collective. Cette réponse aux contradictions du capitalisme, s’appelle communisme. (On appelle socialisme la phase de transition, quand, ayant pris le pouvoir, le prolétariat édifie la société nouvelle qui tend au communisme.)

C’est comme une généralisation du service public et de l’entreprise publique. À l’intérieur d’une entreprise, il n’y a pas d’anarchie et de blocage pour cause de caractère insolvable de la demande. Les différentes étapes du processus de production ne doivent pas s’acheter et se vendre. C’est la même chose dans une grande entreprise complexe intégrée verticalement (long processus à l’intérieur de la même entreprise). Si toute l’économie est une seule immense entreprise polyvalente de propriété publique, on échappe aux contradictions du capitalisme (et on a besoin d’ingénieurs, de managers, etc., mais plus de capitalistes).

Ce que je veux dire ici par service public, ce n’est pas du capitalisme d’État. De toute manière, service public, c’est une image pour introduire la notion. Sous le capitalisme, l’État est l’organe du pouvoir de la bourgeoisie. Le communisme, c’est une société où l’appareil de production est la propriété collective des travailleurs. Comme tout le monde travaille, il n’y a plus qu’une seule classe, donc plus de division de classe. On ne travaille plus pour un patron, on travaille, collectivement, pour soi-même. Il n’y a donc plus vraiment d’État au sens habituel, il n’y a plus qu’une administration de l’économie.

Si l’appareil de production est suffisamment efficace, le travail est assez léger pour n’être plus une grande contrainte et il n’est plus nécessaire de rationner la répartition des biens. L’autorité change de caractère. Ce n’est plus un pouvoir d’État qui défend les intérêts d’une classe dominante, c’est une administration ne fait qu’assurer le minimum de coordination indispensable à la vie en société.

Inutile de dire que c’est un objectif lointain, bien qu’en rien déraisonnable (voir le poème de Brecht8) quand on voit les progrès de la science et de la technique et ce qu’on pourrait en tirer en les utilisant à bon escient.

8

« Éloge du communisme » (Bertolt Brecht dans La mère) : Au fait, qu’est-ce qu’on a contre le communisme ? Il est raisonnable, tout le monde le comprend. Il est facile ; tu n’es pas un exploiteur, tu peux le comprendre, il est bon pour toi, renseigne-toi sur lui. Les imbéciles l’appellent stupide, les sales l’appellent sale. Il est contre la saleté et la stupidité. Les exploiteurs l’appellent un crime, mais nous savons qu’il est la fin du crime. Il n’est pas folie mais la fin de la folie. Il n’est pas le chaos mais l’ordre. Il est simple, mais difficile à faire.
(« Lob des Kommunismus » : Was spricht eigentlich gegen den Kommunismus? Er ist vernünftig, jeder versteht ihn. Er ist leicht. Du bist doch kein Ausbeuter; du kannst ihn begreifen, er ist gut für dich, erkundige dich nach ihm. Die Dummköpfe nennen ihn dumm, und die Schmutzigen nennen ihn schmutzig. Er ist gegen den Schmutz und gegen die Dummheit. Die Ausbeuter nennen ihn ein Verbrechen, aber wir wissen, er ist das Ende der Verbrechen. Er ist keine Tollheit, sondern das Ende der Tollheit. Er ist nicht das Chaos, sondern die Ordnung. Er ist das Einfache, das schwer zu machen ist.) (http://www.theclassicalshop.net/pdf/CHAN%209820.pdf).

Socialisme

Cela ne se fait pas en un jour. Le socialisme, dans son principe, n’est pas autre chose que le communisme, mais c’est un communisme immature et incomplet. Historiquement la collectivisation ne s’achève pas le premier jour. Il y a donc nécessairement une période où il reste de la production privée et il peut y avoir en outre dans des situations particulières des raisons de choisir pour le développement de continuer un certain temps à faire appel à l’initiative et à des capitaux privés.

Loi de la satisfaction des besoins

Économie des choses plutôt qu’économie de l’argent. Le but (1re loi du socialisme) est de satisfaire les besoins des gens. (Le but des capitalistes, c’est, ayant de l’argent, faire toujours plus d’argent.) La loi fondamentale du socialisme, c’est : « Assurer au maximum la satisfaction des besoins matériels et culturels sans cesse croissants de toute la société, en développant et en perfectionnant sans cesse la production socialiste sur la base d’une technique supérieure9. »

9

– Mon cours d’économie, https://d-meeus.be/marxisme/cours/contrad.html#fondamentale
Manuel, https://d-meeus.be/marxisme/manuel/chap23sect05.html
Manuel, https://d-meeus.be/marxisme/manuel/chap29sect02.html

Loi du développement harmonieux

Cela impose (2e loi du socialisme) de respecter des équilibres fondamentaux entre les différentes branches de l’économie (on revient au tableau du caractère social de la production). « Le socialisme ne saurait se concevoir sans un développement harmonieux de l’économie nationale, assurant un usage rationnel, dans un esprit d’épargne, du travail et de ses résultats10. »

10

– Mon cours d’économie, https://d-meeus.be/marxisme/cours/contrad.html#harmonieux
Manuel, https://d-meeus.be/marxisme/manuel/chap30sect01.html

Loi de la planification

Comment réaliser en pratique le développement harmonieux de l’économie ? Le moyen (3e loi du socialisme) de réaliser ça, c’est la planification11.

11

– Mon cours d’économie, https://d-meeus.be/marxisme/cours/contrad.html#planification
Manuel, https://d-meeus.be/marxisme/manuel/chap30sect03.html

Troisième séance, vendredi 28, A — La révolution d’Octobre

Histoire des luttes de classes

Retour à la présentation du surplus. Sauf à un niveau tout à fait primitif, non seulement il y a un surplus, mais il est imposé par une classe dirigeante qui se l’approprie. Il y a changement et progrès des techniques, mais des rapports sociaux figés bloquent ce progrès et cette contradiction donne lieu à des changements radicaux dans l’histoire. La civilisation se développe dans deux grands États totalitaires, la Mésopotamie et l’Égypte, autour des grands fleuves. En Grèce, petits États qui sont des clubs de propriétaires de terre (et d’esclaves), avec lutte de classes pour savoir si seuls les très gros propriétaires commandent (oligarchie, aristocratie), ou bien tous les propriétaires (démocratie). (Les étrangers, dits métèques, et les esclaves n’ont rien à dire.) Un club de propriétaires du même genre, à Rome, conquiert l’Italie puis le monde méditerranéen et l’Europe en faisant beaucoup d’esclaves, mais ce système étouffe le progrès, devient ingérable et s’étouffe lui-même. Dans les ruines de l’Empire, d’anciens officiers de l’armée romaine et des chefs envahisseurs s’érigent en seigneurs et asservissent les paysans, mais les serfs ne sont pas des esclaves.

Il y a un lent progrès technique qui permet à certains d’accumuler du capital et de l’investir dans la production. (Il y a toujours eu du capital, mais plutôt dans le commerce et dans la banque. Ce qui est nouveau et qui constitue vraiment le capitalisme, c’est de l’investir dans la production.) Le capitalisme se développe mal s’il dépend de l’arbitraire du roi. En Angleterre (milieu du 16e) puis en France (1789-1870), la bourgeoisie s’empare du pouvoir.

Prolétariat

Caractère de classe de la révolution, le prolétariat, le parti du prolétariat. Sur l’évolution récente de la classe ouvrière, Peter Mertens, La classe ouvrière à l’ère des entreprises transnationales, Études marxistes no 72, 2005.

Féodalité, démocratie bourgeoise

La Russie est encore féodale, malgré l’abolition du servage en 1861. Le gouvernement est celui du tsar et les parlements, lorsqu’il y en a eu, étaient d’abord purement consultatifs, ensuite dissous s’ils contestaient trop. Le capitalisme se développe économiquement mais n’a pas le pouvoir politique. C’est un premier cap à passer : pour passer du capitalisme au socialisme, il faudrait d’abord qu’une révolution bourgeoise instaure le pouvoir des capitalistes. (Comparer à la France, à l’Angleterre.)

Parti

Le parti du prolétariat se trouve donc devant une double tâche, ou deux étapes : renverser le régime féodal, en alliance avec les paysans (la bourgeoisie a peur de la révolution)12 ; ensuite lutter pour passer au socialisme. C’est pour cela qu’en Russie, le parti communiste s’est appelé d’abord Parti ouvrier social-démocrate de Russie. Le premier congrès de 1898 fonde surtout un parti sur papier. C’est au deuxième congrès (1903) que le parti commence vraiment, avec un programme clair (et d’emblée les divergences qui conduiront à la séparation des bolchéviques et des menchéviques).

12

– Notes de lecture de Lénine, chercher « révolution démocratique » dans l’index : https://d-meeus.be/marxisme/classiques/TEIindex.html

Révolution de 1905

Manifestation réprimée dans le sang en janvier 1905. Révolte sur le cuirassé Potemkine en juin. Soviets en octobre. Insurrection à Moscou en décembre. Malgré une répression sanglante, le mouvement continue en 1906 mais le tsar reprend les choses en mains. Divers parlements, défaitisme des menchéviques

Parti bolchévique

En 1912, les bolchéviques reprennent en mains le parti qui s’appelle alors P.O.S.D.R. (b). Il se démarquent des menchéviques, mais aussi de la social-démocratie européenne. C’est donc une étape nouvelle dans l’organisation politique du prolétariat.

Révolution d’Octobre

Révolution de Février, gouvernement provisoire et soviets

Révolution démocratique, révolution socialiste. Février 1917, le pouvoir est ébranlé. Gouvernement provisoire qui hésite entre un nouveau tsar et la république. Le prolétariat s’organise en soviets. Il y a donc dualité de pouvoir gouvernement/soviets. Dans les soviets, l’influence menchévique est majoritaire. Agitation populaire, répression, menaces et tentatives de coups d’État contre-révolutionnaires militaires. Cela clarifie la situation pour le prolétariat et les bolchéviques deviennent majoritaires dans les soviets. (Un an après, en Allemagne, en 1918, la révolution échouera, entre autres par manque là-bas d’un parti de type bolchévique.)

Révolution d’Octobre, le pouvoir aux soviets

En octobre 1917, les bolchéviques décident de la prise de pouvoir par les soviets. Le nouveau gouvernement arrête la guerre (traité de paix avec l’Allemagne en février 1918).

Une révolution double, ouvrière et paysanne

Le gouvernement provisoire n’a rien réglé pour les paysans. Les paysans ne peuvent pas être mobilisés d’emblée dans un projet socialiste, mais on ne peut pas non plus faire la révolution contre eux. D’où un double programme :

Agression anglo-française et guerre civile 1918-1920

En octobre 1917, la révolution a été peu sanglante parce qu’elle a rencontré peu de résistance. Mais en 1918, les Anglais et les Français attaquent la jeune république et cela encourage la résistance à l’intérieur des classes (féodaux et bourgeois) qui ont perdu le pouvoir. Malgré le traité de paix, les Allemands soutiennent en sous-main le sabotage de la révolution. Le Japon est intervenu de son côté. Cependant, fin 1920 la victoire de la révolution était acquise. (L’U.R.S.S. est fondée en 1922.)

Bref aperçu des périodes de 1917 à aujourd’hui

La reconstruction, 1921-1929

Après six ans de guerre (1914-1920), il a fallu assouplir les mesures de temps de guerre et relancer l’économie. La NEP (nouvelle politique économique) comporte certaines concessions à l’entreprise privée, surtout dans l’agriculture.

La collectivisation agricole

Dans la période 1921-1929, un développement inégal a enrichi les paysans riches et appauvri les paysans pauvres. Les paysans pauvres produisent juste de quoi vivre. Le reste de la société dépend pour se nourrir du surplus que les paysans riches mettent sur le marché. Il s’en suit que la révolution est dans une certaine mesure l’otage des paysans riches. L’industrie décolle mais son développement est freiné par le retard de l’agriculture. On décide donc dès 1927 d’organiser les paysans pauvres en coopératives pour relever leur efficacité et élever ainsi à la fois le niveau de vie des paysans pauvres et la nourriture disponible pour le reste de la société. Le mouvement de collectivisation agricole s’intensifie de 1930 à 1934.

Développement général, 1930-1941

L’U.R.S.S. a retrouvé vers la fin des années 20 un niveau de développement du même ordre de grandeur que celui de 1914. En 1941, elle était devenue, en une douzaine d’années, une grande puissance industrielle assez forte pour résister à l’attaque de l’Allemagne nazie et qui a porté l’essentiel de l’effort de guerre des Alliés.

Dans cette période, il y a eu aussi une véritable révolution culturelle : alphabétisation d’une population (surtout paysanne) qui l’était peu, cours du soir artistiques et techniques, enseignement. Formation en une génération d’innombrables ouvriers qualifiés, techniciens, ingénieurs, médecins, savants en tout genre…

Deuxième guerre mondiale, 1941-1945 et reconstruction

L’U.R.S.S. a connu de grandes destruction. Elle a eu environ 25 millions de morts, civils et militaires. Elle a apporté une contribution majeure à la victoire contre le nazisme.

La lutte entre deux lignes

Malgré la séparation d’avec les menchéviques en 1912, il y a toujours eu une lutte complexe des révolutionnaires conséquents à l’intérieur du parti bolchévique lui-même, d’une part contre des dérives « gauchistes », d’autre part et surtout contre une orientation réformiste, défaitiste, attentiste… ceux qui sont pour la révolution en paroles mais qui ont eu peur de la faire en 1917, ceux qui pensent qu’après la victoire de la révolution, le capitalisme n’est plus un danger, que les problèmes vont s’arranger tout seuls à la longue… Ce courant devient prépondérant à la tête du parti et de l’État avec la nomination de Krouchtchev comme secrétaire général du parti en 1953.

Cette orientation entraîne après quelques années un conflit puis une rupture avec le Parti communiste chinois. Après la Seconde Guerre mondiale, l’U.R.S.S. n’est plus seule, il y a de nombreux pays socialistes. Depuis 1920 ou 1921, il y a aussi de nombreux partis communistes dans le monde, dans la plupart des pays. (L’aile gauche des grands partis socialistes a tiré les leçons du modèle de parti bolchévique de 1912, du succès de 1917 et de l’échec de 1918 en Allemagne. Elle s’organise de manière autonome en parti communiste.) Dans la querelle sino-soviétique, le camp socialiste se divise en deux, autour de Moscou ou de Pékin. La plupart des partis communistes restés du côté de Moscou adoptent aussi des positions de plus en plus réformistes, de moins en moins révolutionnaires. Ceux de l’autre côté qualifient ça de « révisionnisme » dans la mesure où il s’agit de l’abandon de certaines idées fondamentales du marxisme.

La suite logique de cette victoire du courant de droite est l’abandon du socialisme en 1989 en U.R.S.S. et dans beaucoup d’autres pays. En dehors du camp socialiste, certains partis communistes réformistes n’y résistent pas, comme en Italie où le PCI disparaît.

Quatrième séance, vendredi 28, B — La révolution chinoise

Semi-colonie

L’empire chinois était trop faible pour résister à l’envahissement par les puissances occidentales, à partir du milieu du 19e siècle. Il était toujours formellement indépendant, mais les puissances ont extorqué le droit de contrôle de ports, du commerce, des communications, de certaines parties des villes (« les concessions »)… La Chine est toujours restée formellement indépendante, n’a jamais été colonie de personne, mais on parle de semi-colonie.

République

Le docteur Sun Yat-sen et son parti, le Guomindang (ancienne orthographe Kuomintang) renversent le régime impérial dans la révolution de 1911, pour établir la République de Chine, une démocratie bourgeoise sur le modèle européen. Cependant le pouvoir républicain était faible. La Chine était dans l’ensemble aux mains de petits seigneurs locaux qui se faisaient la guerre entre eux et « prélevaient des impôts » sur la population. Ceux de la région de Pékin se sont emparés du gouvernement et n’ont rien changé à la domination des puissances étrangères. Cela a entraîné un mécontentement populaire avec en 1919 un soulèvement des étudiants (le mouvement du 4 Mai) suivis par les ouvriers.

Parti communiste

En 1921, quelques groupes communistes se sont rencontrés pour fonder le Parti communiste chinois. En Chine en 1921, on n’est plus sous l’empire comme en 1898 en Russie, mais comme la révolution bourgeoise n’est pas vraiment aboutie, il y a aussi une double mission historique (inscrite dans le programme en 1922), la démocratie et le socialisme.

Alliance du Parti communiste et du Guomindang, et trahison du Guomindang en 1927

Le Parti communiste chinois s’unit au Guomindang dans une lutte armée commune contre les seigneurs de guerre pour établir vraiment une république moderne et reconquérir l’indépendance du pays. La lutte contre les seigneurs de guerre a eu un certain succès jusqu’en 1927 et le gouvernement légal est aux mains du Guomindang.

Cependant, dans le Guomindang un courant de droite, avec à sa tête Jiang Jieshi (Tchang Kaï-chek), prend la direction de ce parti. En 1927, Tchang Kaï-chek s’entend avec les occidentaux à Shanghaï pour réprimer les luttes ouvrières. Il ouvre le feu sur des ouvriers qui manifestent et en tue quelques centaines. Il fait arrêter et exécuter plus de 2 000 personnes soupçonnées d’être communistes (penser à Pinochet).

Le Parti communiste chinois se maintient alors clandestinement dans les villes, avec de grandes difficultés, et crée des « régions libérées » dans l’intérieur du pays, avec la propre armée, l’Armée rouge.

Guerre contre le Japon, 1931-1945

En 1931, le Japon attaque la Chine et l’envahit en partie.

Longue Marche, 1934-1936

Cependant le gouvernement du Guomindang trouvait plus important de continuer à éliminer les communistes en attaquant les régions libérées que de résister à l’invasion japonaise. L’Armée rouge a alors échappé à l’encerclement par la Longue Marche (1934-1936) qui l’a amenée dans le Nord-Est.

Politique de front uni

Dès la fin 1935, le Parti communiste chinois avance l’idée d’une union nationale contre l’invasion japonaise. Il s’en est suivi une période complexe où tantôt le gouvernement chinois (Guomindang) accepte un accord de front uni et le respecte plus ou moins ; tantôt plutôt que de défendre le pays contre l’envahisseur, il préfère attaquer les communistes, parfois même en concertation avec les Japonais. Cela divise dans une certaine mesure le Guomindang. Certains officiers patriotes de l’armée gouvernementale n’acceptent pas la compromission avec l’ennemi et préfèrent collaborer avec l’Armée rouge dans la défense de la patrie. L’Armée rouge joue un rôle très important dans la libération du pays et cela gagne au Parti communiste la sympathie d’une grande partie de la population.

Guerre civile 1945-1949

Une fois la guerre terminée, les deux camps se trouvent face à face : le camp de l’alliance du prolétariat et de la paysannerie sous la direction du Parti communiste ; le camp de la maffia des quatre grandes familles autour de Tchang Kaï-chek, qui contrôle le Guomindang et le gouvernement. Comme l’Armée rouge s’est renforcée pendant la guerre contre le Japon, c’est l’affrontement entre deux grandes armées, dont l’Armée rouge sort victorieuse, grâce au soutien du peuple et malgré le soutien des États-Unis à l’autre camp.

République populaire de Chine 1949

La République populaire de Chine est proclamée en octobre 1949. La mafia qui contrôle le Guomindang, et ceux qui veulent les suivre, se réfugient sur l’île chinoise de Taïwan et y établissent une sorte de gouvernement en exil.

Bref aperçu de l’évolution de la Chine de la victoire de la révolution en 1949 à aujourd’hui

Démocratie populaire, 1949-1956

Le Parti communiste considère que la Chine n’est pas assez développée pour passer au socialisme. Cependant on ne peut pas compter sur la bourgeoisie pour achever la révolution bourgeoise démocratique qui en Chine n’a jamais abouti. C’est donc l’alliance du prolétariat et des paysans qui prend le pouvoir et qui contrôle le développement du capitalisme. Les capitalistes petits et moyens qui ont préféré ne pas suivre la maffia des quatre familles et leur suite font des affaires dans le cadre que la République populaire définit. Dans leur fuite, les gros capitalistes ont abandonné les gros secteurs que l’État nationalise. L’État contrôle ainsi l’essentiel des communications, de l’énergie, des matières premières fondamentales, du grand commerce, du commerce extérieur. L’État passe des commandes et achète une grande partie de la production des entreprises capitalistes.

Dans cette période, il y a un mouvement d’organisation coopérative à la campagne et de reprise graduelle de l’industrie capitaliste par l’État (par l’entrée de l’État dans le capital).

Passage au socialisme en 1956. Grand bond en avant, communes populaires

Le processus de reprise de l’industrie et de socialisation de l’agriculture est achevé pour l’essentiel en 1956. À partir de ce moment, on est dans le développement du socialisme. En 1958 on veut accélérer le développement en lançant un mouvement pour un « grand bond en avant » et dans les campagnes, les coopératives de village sont fusionnées dans des communes populaires plus grandes qui sont à la fois coopérative agricole et administration municipale de l’État. Plus grandes, les communes sont aussi en mesure de développer certaines activités industrielles. Ce « bond en avant » donne certains résultats positifs mais comporte certains projets irréalistes avec de mauvais résultats.

Révolution culturelle 1966-1976

Mao Zedong, président du Parti communiste chinois, s’inquiète de l’évolution de l’Union soviétique et s’inquiète des signes de révisionnisme dans son propre parti. Il lance un mouvement de critique, d’abord sur le front de la culture. C’est un appel à la société dans son ensemble à critiquer les orientations révisionnistes qui se font jour dans certains milieux dans le parti et cela dépasse rapidement le seul terrain de la culture. (Mais en Chine, on a continué tout au long à parler de « Grande Révolution culturelle prolétarienne ».) Dans ce climat, se sont exprimés des rêves utopistes de réaliser immédiatement certains aspects de l’idéal communiste, comme l’effacement de la différence entre travail manuel et intellectuel ou entre ville et campagne. Cela a soulevé un énorme enthousiasme dans une partie de la jeunesse chinoise et dans la jeunesse du monde entier. Cela a certainement eu une grande importance dans le mouvement de contestation de la jeunesse en Europe et en Amérique à la fin des années 60 et dans les années 70.

Il en est sorti de terribles luttes de clans dans et en dehors du parti. Chaque clan prétend détenir la vérité et la pureté révolutionnaire et condamne les autres. On en viendra parfois aux mains, parfois avec des armes et il y a eu des morts. Il y a eu des mesures d’interdiction professionnelle, d’éloignement à la campagne, de rééducation. Tout le pays a été profondément désorganisé. Cependant des cadres responsables ont maintenu le pays sur les rails et malgré que l’économie a été certainement affectée, le pays a continué à se développer pendant cette période.

Politique d’utilisation du capitalisme dans la société socialiste

Après la période gauchiste de la révolution culturelle, on est au contraire passé à l’idée d’utiliser le capitalisme, sous contrôle, pour développer le socialisme, un peu comme dans la NEP des années 20 en U.R.S.S. ou dans la période de capitalisme contrôlé de 1949 à 1956 en Chine même. Le point de départ de cette conception est que la Chine est encore au sortir de la révolution culturelle un pays très pauvre et peu développé. Un tel pays ne peut donc dégager qu’un petit surplus et le développement ne peut donc être que très lent. Le recours au capitalisme et surtout aux capitaux étrangers a un double but :

Bien que le capitalisme soit très développé et très visible dans le nouveau visage de la Chine, il reste un gros secteur d’économie socialiste qui, comme en 1949-1956, contrôle les secteurs clefs. Ce contrôle des secteurs clefs et la capacité de la Chine de prendre un certain nombre de décisions importantes (sur le niveau de vie de la population, sur l’environnement…) permet de conclure que dans la situation actuelle, malgré le grand développement du capitalisme, la Chine est essentiellement un pays socialiste et non un pays capitaliste.

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