Dominique Meeùs
Dernière modification le
retour
à la table des matières —
à l’index des notions —
au dossier marxisme
À la suite du XIVe congrès, le Parti déploya la lutte pour l’application de l’orientation générale du pouvoir soviétique vers l’industrialisation socialiste du pays.
Dans la période de rétablissement, la tâche avait consisté à ranimer tout d’abord l’agriculture, à en recevoir des matières premières, des produits agricoles et à mettre en branle, à rétablir l’industrie, à restaurer les usines et les fabriques existantes.
Le pouvoir des Soviets s’était acquitté de cette tâche avec plus ou moins de facilité.
Mais dans la période de rétablissement on se heurta à trois graves défauts.
Premièrement, on avait affaire alors à de vieilles usines et de vieilles fabriques, à une technique ancienne et arriérée et qui, bientôt, pouvaient devenir inutilisables. La tâche consistait à les rééquiper sur la base d’une technique moderne.
Deuxièmement, dans la période de rétablissement, on avait affaire à une industrie dont la base était trop étroite ; parmi les usines et les fabriques existantes, il manquait des dizaines et des centaines d’usines de constructions mécaniques, qui étaient absolument nécessaires au pays et qu’il fallait construire, attendu qu’une industrie dépourvue d’usines de ce genre ne peut être regardée comme une industrie véritable. La tâche consistait à créer ces usines et à les pourvoir d’un outillage moderne.
Troisièmement, dans la période de rétablissement, on se préoccupait surtout de l’industrie légère, qui fut alors développée et mise en train. Mais par suite, le développement de l’industrie légère elle-même devait se heurter à la faiblesse de l’industrie lourde, sans parler des autres besoins du pays qui ne pouvaient être p. 311satisfaits qu’avec une industrie lourde évoluée. La tâche consistait maintenant à aiguiller l’effort sur l’industrie lourde.
Autant de problèmes nouveaux, que la politique d’industrialisation socialiste devait résoudre.
Il fallait créer de toutes pièces une série d’industries qui n’existaient pas dans la Russie tsariste : édifier des usines neuves de constructions mécaniques, de machines-outils, d’automobiles, de produits chimiques, des usines métallurgiques ; monter notre propre fabrication de moteurs et d’outillage pour centrales électriques ; augmenter l’extraction de minerais et de charbon, puisqu’on avait besoin de tout cela pour faire triompher le socialisme en U.R.S.S.
Il fallait créer une nouvelle industrie de la défense : construire des usines neuves d’artillerie, d’obus, d’aviation, de tanks, de mitrailleuses, puisque dans les conditions de l’encerclement capitaliste, l’intérêt de la défense de l’U.R.S.S. le commandait ainsi.
Il fallait bâtir des usines de tracteurs, de machines agricoles modernes et mettre leur production au service de l’agriculture, afin de permettre aux millions de petites exploitations paysannes individuelles de passer à la grande production collectivisée, puisque l’intérêt de la victoire du socialisme à la campagne le commandait ainsi.
Et tout cela, c’est la politique d’industrialisation qui devait le donner ; c’était là l’objet de l’industrialisation socialiste du pays.
On conçoit que des grands travaux d’une telle ampleur nécessitaient des milliards de roubles. Il était impossible de compter sur des emprunts extérieurs, les pays capitalistes nous ayant refusé ces emprunts. Il ne fallait compter que sur nos propres ressources, sans attendre d’aide du dehors. Or, à ce moment, notre pays n’était pas encore riche.
C’était là, maintenant, une des principales difficultés.
Généralement, les pays capitalistes ont monté leur industrie lourde avec des ressources tirées du dehors : en spoliant les colonies, en imposant des contributions aux peuples vaincus, en contractant des emprunts extérieurs. Par principe, le pays des Soviets, pour son industrialisation, ne pouvait recourir à ce sordide moyen de se procurer des fonds qu’est le pillage des peuples coloniaux ou vaincus. L’U.R.S.S. ne pouvait recourir aux emprunts extérieurs pour la simple raison que les pays capitalistes les lui refusaient. Il fallait chercher les ressources nécessaires à l’intérieur du pays.
Et on les trouva ! L’U.R.S.S. possédait des sources d’accumulation inconnues des États capitalistes. L’État soviétique avait à p. 312sa disposition toutes les fabriques et toutes les usines, toutes les terres que la Révolution socialiste d’Octobre avait enlevées aux capitalistes et aux grands propriétaires fonciers, les transports, les banques, le commerce extérieur et le commerce intérieur. Les bénéfices retirés des fabriques et des usines de l’État, des transports, du commerce, des banques, n’étaient plus absorbés par la classe parasitaire des capitalistes : ils étaient employés au développement de l’industrie.
Le pouvoir des Soviet avait annulé les dettes tsaristes, dont les intérêts seuls coûtaient au peuple des centaines de millions de roubles-or par an. En supprimant la propriété seigneuriale de la terre, le pouvoir des Soviets avait libéré la paysannerie des annuités qu’elle payait en fermage aux grands propriétaires fonciers dans la proportion d’environ 500 millions de roubles-or. Libérée de cette charge, la paysannerie pouvait aider l’État à édifier une nouvelle, une puissante industrie. Les paysans avaient un intérêt vital à recevoir des tracteurs et des machines agricoles.
Toutes ces sources de revenus dont disposait l’État soviétique pouvaient fournir des centaines de millions et des milliards de roubles pour créer l’industrie lourde. Ce qu’il fallait, c’était conduire cette affaire en maître ménager de son bien et établir la plus stricte économie dans les dépenses, rationaliser la production, diminuer les prix de revient, supprimer les frais improductifs, etc.
Ainsi fit le pouvoir des Soviets.
Grâce au régime d’économie, des ressources plus importantes d’année en année s’accumulèrent pour les grands travaux d’édification. On put procéder à la création d’entreprises géantes comme la centrale hydroélectrique du Dniepr, le chemin de fer Turkestan-Sibérie, l’usine de tracteurs de Stalingrad, les usines de machines-outils, l’usine d’automobiles « AMO », actuellement « ZIS » [Usine Staline], etc.
Si en 1926-1927, on avait investi dans l’industrie près d’un milliard de roubles, trois ans plus tard cette somme s’élevait déjà à 5 milliards de roubles environ.
L’industrialisation progressait.
Les pays capitalistes voyaient dans l’affermissement de l’économie socialiste de l’U.R.S.S. une menace pour l’existence du système capitaliste. Aussi, les gouvernements impérialistes prirent-ils toutes les mesures possibles pour exercer une nouvelle pression sur l’U.R.S.S., semer la confusion, ruiner ou du moins entraver l’industrialisation de ce pays.
p. 313En mai 1927, les conservateurs anglais (les « die-hards ») installés au gouvernement organisaient un raid de provocation au siège de l’ « Arcos » (Société soviétique pour le commerce avec l’Angleterre). Le 26 mai 1927, le gouvernement conservateur annonçait la rupture des relations diplomatiques et commerciales de l’Angleterre avec l’U.R.S.S.
Le 7 juin 1927, à Varsovie, un garde blanc ruse naturalisé Polonais assassinait le camarade Voïkov, ambassadeur de l’U.R.S.S.
En même temps, en territoire soviétique, des espions et des agents de diversion anglais jetaient des bombes dans le club du Parti à Léningrad. Trente personnes furent blessées, dont quelques-unes grièvement.
En été 1927, des raids furent accomplis, presque simultanément, sur les ambassades et les représentations commerciales soviétiques de Berlin, Pékin, Shangaï, Tien-Tsin.
D’où un supplément de difficultés pour le pouvoir des Soviets.
Mais l’U.R.S.S. ne céda pas à la pression et repoussa aisément les provocations des impérialistes et de leurs agents.
Il n’y eut pas moins de difficultés suscitées au Parti et à l’État soviétique par le travail de sape des trotskistes et autres membres de l’opposition. Le camarade Staline disait alors, non sans raison, que contre le pouvoir des Soviets « il se crée quelque chose comme un front unique allant de Chamberlain à Trotski ». Malgré les décisions du XIVe congrès du Parti et le loyalisme proclamé par l’opposition, ses membres n’avaient pas déposé les armes. Bien au contraire : ils renforçaient encore leur travail de sape et de division.
En été 1926, les trotskistes et les zinoviévistes forment un bloc de lutte contre le Parti, rassemblent autour de ce bloc les débris de tous les groupes d’opposition battus et jettent les fondements de leur parti clandestin antiléniniste par une violation flagrante des statuts du Parti et des décisions de ses congrès, qui interdisent les fractions. Le Comité central du Parti lance un avertissement : si ce bloc hostile au Parti, qui rappelle le fameux bloc d’Août menchévik, n’est pas dissous, les choses peuvent mal tourner pour ses partisans. Mais les partisans du bloc persistent.
En automne de la même année, à la veille de la XVe conférence du Parti, ils font une tentative — lors des réunions du Parti tenues dans les usines de Moscou, de Léningrad et d’autres villes — pour imposer au Parti une nouvelle discussion. Ils présentent leur plate-forme, la copie de l’habituelle plate-forme menchévico-trotskiste et antiléniniste. Les membres du Parti infligent à p. 314l’opposition une rude réplique et, par endroits, les chassent tout simplement des réunions. Le Comité central donne aux partisans du bloc un nouvel avertissement, en déclarant que le Parti ne tolèrera pas davantage leur travail de sape.
L’opposition adresse au Comité central une déclaration signée de Trotski, Zinoviev, Kaménev et Sokolnikov, dans laquelle elle désavoue son travail de fraction et promet d’observer à l’avenir une attitude de loyauté. Néanmoins, le bloc subsiste en fait et ses partisans poursuivent leur travail clandestin contre le Parti. Ils continuent d’œuvrer au rassemblement d’un parti antiléniniste, montent une imprimerie illégale, fixent des cotisations pour leurs partisans, procèdent à la diffusion de leur plate-forme.
Devant cette conduite des trotskistes et des zinoviévistes, la XVe conférence du Parti (novembre 1926) et l’Assemblée plénière élargie du Comité exécutif de l’Internationale communiste (décembre 1926) posent la question du bloc trotskiste-zinoviéviste et flétrissent dans leurs décisions les partisans du bloc, qu’elles qualifient de scissionnistes ayant glissé dans leur plate-forme vers les positions menchéviques.
Mais ce fut encore une leçon perdue pour les partisans du bloc. En 1927, au moment où les conservateurs anglais rompent les relations diplomatiques et commerciales avec l’U.R.S.S., le bloc accentue ses attaques contre le Parti. Il confectionne une nouvelle plate-forme antiléniniste dite « plate-forme des 83 » et se met en devoir de la diffuser parmi les membres du Parti, en exigeant du Comité central qu’il ouvre une nouvelle discussion générale.
De toutes les plate-formes d’opposition, c’est peut-être celle-ci qui fut la plus mensongère, la plus pharisaïque.
En paroles, c’est-à-dire dans leur plate-forme, les trotskistes et les zinoviévistes n’étaient pas contre la mise en pratique des décisions du Parti et ils se prononçaient pour une attitude de loyauté ; en fait, ils violaient de la façon la plus grossière les décisions du Parti, bafouant tout loyalisme à l’égard du Parti et de son Comité central.
En paroles, c’est-à-dire dans leur plate-forme, ils n’étaient pas contre l’unité du Parti et ils se prononçaient contre la scission ; en fait, ils violaient de la façon la plus grossière l’unité du Parti, suivaient une ligne de scission et possédaient déjà leur propre parti illégal antiléniniste, qui avait tout ce qu’il fallait pour devenir un parti antisoviétique, contre-révolutionnaire.
En paroles, c’est-à-dire dans leur plate-forme, ils étaient pour la politique d’industrialisation, ils accusaient même le Comité central p. 315de ne pas conduire l’industrialisation à un rythme suffisamment rapide ; en fait, ils déblatéraient contre la décision du Parti sur la victoire du socialisme en U.R.S.S. ; ils dénigraient la politique d’industrialisation socialiste, exigeaient qu’une série d’usines et de fabriques fussent données en concession aux étrangers, mettaient leurs principaux espoirs sur les concessionnaires capitalistes étrangers en U.R.S.S.
En paroles, c’est-à-dire dans leur plate-forme, ils étaient pour le mouvement de collectivisation, ils accusaient même le Comité central de ne pas conduire la collectivisation à un rythme suffisamment rapide ; en fait, ils dénigraient la politique d’intégration des paysans à la construction socialiste ; ils prêchaient que des « conflits insolubles » se produiraient inévitablement entre la classe ouvrière et la paysannerie, et ils mettaient leurs espoirs sur les « fermiers civilisés » de la campagne, c’est-à-dire sur les exploitations koulaks.
Cette plate-forme était la plus hypocrite de toutes les plate-formes hypocrites de l’opposition.
Elle visait à tromper le Parti.
Le Comité central refusa d’ouvrir immédiatement la discussion, en déclarant à l’opposition qu’elle ne pourrait être instituée que dans les délais statutaires, c’est-à-dire deux mois avant le congrès du Parti.
En octobre 1927, c’est-à-dire deux mois avant le XVe congrès, le Comité central du Parti ouvrit la discussion générale. La bataille commença. Les résultats de la discussion furent plus que lamentables pour le bloc trotskiste-zinoviéviste. 724 000 membres du Parti votèrent pour la politique du Comité central. Pour le bloc des trotskistes et des zinoviévistes, 4 000, c’est-à-dire moins de 1 %. Le bloc de lutte contre le Parti était battu à plate couture. Dans son immense majorité, le Parti repoussait d’un seul cœur la plate-forme du bloc.
Telle était la volonté nettement exprimée par le Parti, à l’opinion duquel les partisans du bloc avaient eux-mêmes appelé.
Mais ce fut encore une leçon perdue pour les partisans du bloc. Au lieu de se soumettre à la volonté du Parti, ils décidèrent d’y faire échec. Avant même la clôture de la discussion, voyant que leur honteux échec était inévitable, ils avaient décidé de recourir à des formes de lutte plus aiguës contre le Parti et le gouvernement soviétique, à savoir d’organiser une manifestation publique de protestation à Moscou et Léningrad le 7 novembre, jour anniversaire de la Révolution d’Octobre, alors que tout le p. 316peuple travailleur d’U.R.S.S. défile en d’imposantes démonstrations révolutionnaires. Les trotskistes et les zinoviévistes entendaient ainsi organiser une manifestation parallèle. Comme il fallait s’y attendre, les partisans du bloc ne purent faire descendre dans la rue que la poignée lamentable de leurs rares thuriféraires. Ceux-ci, meneurs en tête, furent refoulés, rejetés par la manifestation du peuple entier.
Dès lors, on ne pouvait plus douter que trotskistes et zinoviévistes avaient roulé dans le marais antisoviétique. Si dans la discussion générale au sein du Parti, ils en avaient appelé à ce dernier contre le Comité central, maintenant, par leur piteuse manifestation, ils en appelaient aux classes ennemies contre le Parti et l’État soviétique. Parce qu’ils s’étaient assignés pour but de saper le Parti bolchévik, ils devaient inévitablement en venir à vouloir la ruine de l’État soviétique, le Parti bolchévik et l’État étant inséparables au pays des Soviets. C’est ainsi que les meneurs du bloc trotskiste-zinoviéviste se placèrent hors du Parti, puisqu’il n’était plus possible de tolérer dans ses rangs des hommes qui avaient roulé dans le bourbier antisoviétique.
Le 14 novembre 1927, l’Assemblée commune du Comité central et de la Commission centrale de contrôle exclut du Parti Trotski et Zinoviev.