Dominique Meeùs
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La mise en application de la Nep rencontrait la résistance des éléments instables du Parti. Cette résistance se manifestait de deux côtés. D’une part s’élevaient les braillards « de gauche », les avortons politiques du genre Lominadzé, Chattskine et autres, qui « démontraient » que la Nep, c’était l’abandon des conquêtes de la Révolution d’Octobre, le retour au capitalisme, la mort du pouvoir des Soviets. Ces gens-là, par ignorance politique et par méconnaissance des lois du développement économique, ne comprenaient pas la politique du Parti, tombaient dans la panique et semaient autour d’eux la démoralisation. D’autre part, on avait les francs capitulards, genre Trotski, Radek, Zinoviev, Sokolnikov, Kaménev, Chlianikov, Boukharine, Rykov, d’autres encore, qui ne croyaient pas à la possibilité du développement socialiste de notre pays ; ils s’inclinaient devant la « puissance » du capitalisme et, visant à affermir les positions du capitalisme dans le pays des Soviets, réclamaient que des concessions importantes fussent faites au capital privé, tant à l’intérieur du pays qu’au dehors ; ils demandaient que fussent livrés au capital privé une série de postes de commandement du pouvoir soviétique dans l’économie nationale sous la forme de concessions ou de sociétés mixtes par actions, auxquelles participerait le capital privé.
Les uns comme les autres étaient étrangers au marxisme, au léninisme.
Le Parti dénonça et isola les premiers et les seconds. Il infligea une riposte décisive aux paniquards et aux capitulards.
Une telle résistance à la politique du Parti rappelait une fois de plus la nécessité de l’épurer de ses éléments instables. C’est dans ces conditions que le Comité central accomplit un important travail de renforcement du Parti, en organisant son épuration en 1921. L’épuration se fit avec la participation des sans-parti, dans des réunions publiques. Lénine avait recommandé de chasser du Parti « … les filous, les communistes bureaucratisés, malhonnêtes, mous, et les menchéviks qui ont “repeint façade” mais qui, dans l’âme, sont restés des menchéviks ». (Lénine, Œuvres choisies, t. II, p. 908.)
Au total, on exclut par l’épuration jusqu’à 170 000 personnes, soit environ 25 % de tout l’effectif du Parti.
p. 287L’épuration fortifia considérablement le Parti, en améliora la composition sociale, renforça la confiance des masses à son égard, éleva son autorité. La cohésion et l’esprit de discipline augmentèrent.
La première année de la nouvelle politique économique prouva la justesse de cette politique. Le passage à la Nep avait sensiblement fortifié l’alliance des ouvriers et des paysans sur une base nouvelle. La puissance et la solidité de la dictature du prolétariat s’étaient accrues. Le banditisme des koulaks avait été presque entièrement liquidé. Les paysans moyens, depuis la suppression du système des prélèvements, aidaient le pouvoir soviétique à lutter contre les bandes koulaks. Le pouvoir des Soviets conservait en mains tous les postes de commandement de l’économie nationale : la grande industrie, les transports, les banques, la terre, le commerce intérieur, le commerce extérieur. Le Parti avait opéré un tournant sur le front économique. L’agriculture fit bientôt des progrès. L’industrie et les transports enregistrèrent leurs premiers succès. On assista à un essor économique encore très lent, mais certain. Les ouvriers et les paysans se rendirent compte que le Parti était dans la bonne voie.
En mars 1922 se réunit le XIe congrès du Parti. Il comptait 522 délégués avec voix délibérative, représentant 532 000 membres du Parti, c’est-à-dire moins qu’au congrès précédent. Il y avait 165 délégués avec voix consultative. Cette diminution du nombre des adhérents s’expliquait par l’épuration qui avait commencé dans les rangs du Parti.
Au congrès, le Parti dressa le bilan de la première année de la nouvelle politique économique, bilan qui permit à Lénine de déclarer :
Nous avons reculé pendant un an. Nous devons maintenant dire au nom du Parti : Assez ! Le but que visait le recul est atteint. Cette période se termine ou est terminée. Maintenant un autre objectif s’impose : regrouper les forces.
Lénine indiquait que la Nep signifiait une lutte acharnée, une lutte à mort entre le capitalisme et le socialisme. « Qui l’emportera ? » voilà comment se pose la question. Pour vaincre, il faut assurer l’alliance de la classe ouvrière et de la paysannerie de l’industrie socialiste et de l’économie paysanne, en développant par tous les moyens les échanges entre la ville et la campagne. Pour cela, il est nécessaire d’apprendre à bien gérer p. 288notre économie, d’apprendre à faire le commerce sous des formes cultivées.
Le commerce, en cette période, apparaissait comme le maillon essentiel dans la chaîne des problèmes qui se posaient au Parti. Avant d’avoir résolu ce problème, on ne pouvait développer les échanges entre la ville et la campagne, on ne pouvait renforcer l’alliance économique des ouvriers et des paysans, on ne pouvait relever l’agriculture, tirer l’industrie de la ruine.
Le commerce soviétique, à ce moment, était encore très faible. Très faible l’appareil commercial. Les communistes n’avaient pas encore les habitudes du commerce ; ils n’avaient pas encore appris à reconnaître l’ennemi, le nepman1 ; ils n’avaient pas encore appris à le combattre. Les commerçants privés, — les nepmans, — mettaient à profit la faiblesse du commerce soviétique et accaparaient le commerce des tissus et autres marchandises d’usage courant. Le problème de l’organisation du commerce de l’État et du commerce coopératif prenait une importance considérable.
À la suite du XIe congrès, l’activité économique redoubla de vigueur. On mit heureusement fin aux conséquences de la mauvaise récolte qui avait frappé le pays. L’économie paysanne se redressa rapidement. Les chemins de fer fonctionnèrent mieux. On vit se multiplier le nombre des fabriques et des usines qui reprenaient le travail.
En octobre 1922, la République soviétique célébra une grande victoire : l’Armée rouge et les partisans d’Extrême-Orient avaient libéré de l’intervention japonaise Vladivostok, le dernier secteur de la terre soviétique qui se trouvait encore entre les mains de l’envahisseur.
Maintenant que tout le territoire du pays était libéré de l’intervention et que les tâches de la construction socialiste et de la défense exigeaient que fût encore renforcée l’alliance des peuples du pays des Soviets, une question se posait : grouper encore plus étroitement les Républiques soviétiques en une seule union, en un seul État. Il s’agissait de réunir toutes les forces populaires en vue de construire le socialisme. Il s’agissait d’organiser une défense vigoureuse du pays. Il s’agissait d’assurer le développement harmonieux et complet de toutes les nationalités de notre patrie. Et c’est pourquoi il fallait rapprocher encore davantage, entre eux, tous les peuples du pays des Soviets.
p. 289En décembre 1922 se tint le Ier congrès de Soviets de l’U.R.S.S. À ce congrès, sur la proposition de Lénine et de Staline fut réalisée l’union librement consentie des peuples soviétiques en un seul État : l’Union des Républiques socialistes soviétiques (U.R.S.S.). Au début firent partie de l’U.R.S.S. : la République socialiste fédérative de Russie (RSFSR), la République socialiste fédérative de Transcaucasie (RSFST), la République socialiste soviétique d’Ukraine (RSSU) et la République socialiste soviétique de Biélorussie (RSSB). À quelque temps de là se constituèrent en Asie centrale trois Républiques soviétiques fédérées indépendantes : la République d’Ouzbékie, la république de Turkménie et la république de Tadjikie. Maintenant, toutes ces Républiques sont également rentrées dans l’Union des États soviétiques, dans l’U.R.S.S., sur la base du libre consentement et de l’égalité en droits, chacune d’elles conservant le droit de sortir librement de l’Union soviétique.
Créer l’Union des Républiques socialistes soviétiques, c’était renforcer le pouvoir des Soviets ; c’était, pour la politique léniniste stalinienne du Parti bolchévik, remporter une grande victoire dans la question nationale.
En novembre 1922, Lénine prit la parole à l’Assemblée plénière du Soviet de Moscou. Dressant le bilan des cinq années d’existence du pouvoir des Soviets, Lénine dit sa conviction ferme que « de la Russie de la Nep sortirait la Russie socialiste ». Ce fut son dernier discours devant le pays. En automne 1922, un grand malheur frappa le Parti : Lénine tomba gravement malade. Tout le parti, tous les travailleurs ressentirent la maladie de Lénine comme une grande douleur personnelle. Tous vivaient dans l’angoisse, craignant pour les jours de Lénine tant aimé. Mais, même pendant sa maladie, Lénine continuait son travail. Alors qu’il était déjà gravement atteint, il écrivit une série d’articles de grande portée. C’étaient ses derniers articles ; il y dressait le bilan du travail accompli et y traçait un plan pour construire le socialisme dans notre pays en entraînant la paysannerie à cette œuvre : pour l’y associer, Lénine présenta son plan de coopération dans le cadre du plan général qu’il donnait.
C’était la coopération en général, et la coopération agricole en particulier, qui constituait aux yeux de Lénine le moyen accessible et compréhensible aux millions de paysans qui permettrait de passer des petites exploitations individuelles aux grandes associations de production, aux kolkhoz. Lénine indiquait que le développement de l’agriculture de notre pays devait passer par la p. 290participation des paysans à la construction socialiste sous la forme de la coopération, par une introduction graduelle des principes du collectivisme dans l’agriculture, d’abord dans le domaine de l’écoulement des produits agricoles, puis dans celui de leur production. Lénine indiquait que, quand on a la dictature du prolétariat et l’alliance de la classe ouvrière avec la paysannerie, quand on a la direction assurée au prolétariat, à l’égard de la paysannerie, quand on dispose d’une industrie socialiste, la coopération de production judicieusement organisée et englobant des millions de paysans constitue le moyen qui permet de construire dans notre pays la société socialiste intégrale.
En avril 1923 se tint le XIIe congrès du Parti. Ce fut le premier congrès depuis la prise du pouvoir par les bolchéviks, auquel Lénine ne put assister. Le congrès réunit 408 délégués avec voix délibérative, représentant 386 000 membres du Parti, c’est-à-dire moins qu’au congrès précédent. C’était le résultat de l’épuration qui se poursuivait et qui avait entraîné l’exclusion d’une portion considérable d’adhérents. Les délégués avec voix consultative étaient au nombre de 417.
Dans ses décisions, le XIIe congrès du Parti tint compte de toutes les indications que Lénine avait données dans ses derniers articles et ses dernières lettres.
Le congrès infligea une riposte vigoureuse à tous ceux qui concevaient la Nep comme un abandon des positions socialistes, comme une reddition de nos positions au capitalisme, à ceux qui proposaient de se laisser asservir par le capitalisme. Ces propositions furent faites au congrès par Radek et Krassine, partisans de Trotski. Ils proposèrent de rendre à la merci des capitalistes étrangers, de leur livrer sous forme de concessions les industries qui offraient un intérêt vital pour l’État soviétique. Il proposèrent de payer les dettes contractées par le gouvernement tsariste et annulées par la Révolution d’Octobre. Ces propositions de capitulation furent stigmatisées par le Parti comme une trahison. Le Parti ne se refusa pas à utiliser la politique des contrats de concession, mais il l’accepta seulement pour des branches d’industries déterminées et dans des proportions avantageuses à l’État soviétique.
Dès avant le congrès, Boukharine et Sokolnikov avaient proposé de supprimer le monopole du commerce extérieur. Cette proposition était également due à leur façon de comprendre la Nep comme une reddition de nos positions au capitalisme. Lénine stigmatisa à ce moment Boukharine qu’il qualifia de défenseur des p. 291spéculateurs, des nepmans, des koulaks. Le XIIe congrès du Parti repoussa résolument ces attaques contre le monopole intangible du commerce extérieur.
Il battit également Trotski, qui tentait d’imposer au Parti une politique néfaste à l’égard de la paysannerie. Le congrès indiqua qu’on ne pouvait pas oublier un fait comme la prédominance de la petite exploitation paysanne dans le pays. Il souligna que le développement de l’industrie, — y compris celui de l’industrie lourde, — ne devait pas aller à l’encontre des intérêts des masses paysannes, mais en alliance avec elles, au profit de la population travailleuse toute entière. Ces décisions étaient dirigées contre Trotski qui entendait monter l’industrie en exploitant l’économie paysanne et désavouait en fait la politique d’alliance du prolétariat avec la paysannerie.
Trotski proposait en même temps que l’on fermât des entreprises aussi grandes, aussi importantes pour la défense que les usines Poutilov, celles de Briansk et autres, lesquelles, à ce qu’il disait, ne rapportaient pas. Le congrès, indigné, repoussa ses propositions.
Conformément à une proposition écrite que Lénine lui avait adressée, le XIIe congrès constitua un organisme unifié : la Commission centrale de contrôle et l’Inspection ouvrière et paysanne. Une tâche lourde de responsabilité incombait à cet organisme : veiller à l’unité de notre Parti, renforcer la discipline dans le Parti et dans l’État, perfectionner par tous les moyens l’appareil de l’État soviétique.
Le congrès accorda une attention sérieuse à la question nationale. Le rapporteur de cette question était le camarade Staline. Il souligna l’importance internationale de notre politique dans la question nationale. Les peuples opprimés d’Occident et d’Orient voient dans l’Union soviétique un parfait exemple de la façon dont il convient de résoudre la question nationale et de supprimer l’oppression des nationalités. Le camarade Staline affirma la nécessité de travailler énergiquement à faire disparaître l’inégalité économique et culturelle entre les peuples de l’Union soviétique. Il appela l’ensemble du Parti à lutter résolument contre les déviations dans la question nationale : le chauvinisme grand-russe et le nationalisme local bourgeois.
Le congrès démasqua les tenants des déviations nationalistes et leur politique à prétentions impérialistes à l’égard des minorités nationales. En ce temps-là s’élevaient contre le Parti les nationalistes géorgiens, Mdivani et autres. Ils étaient contre la création d’une fédération transcaucasienne, contre le raffermissement p. 292des liens d’amitié entre les peuples de Transcaucasie. Ils se comportaient envers les autres nationalités de Géorgie comme de vrais chauvins impérialistes. Ils expulsaient de Tiflis tous les non-Géorgiens, les Arméniens surtout ; ils avaient édicté une loi aux termes de laquelle toute Géorgienne qui se mariait avec un non-Géorgien, perdait la citoyenneté géorgienne. Les nationalistes géorgiens étaient soutenus par Trotski, Radek, Boukharine, Skrypnik, Rakovski.
Peu après le congrès, on convoqua une conférence des militants des Républiques nationales pour étudier spécialement la question nationale. C’est là que fut démasqué le groupe des nationalistes bourgeois tatars : Soultan-Galiev et autres, de même que le groupe des nationalistes ouzbeks : Faïzoulla Khodjaev et autres.
Le XIIe congrès du Parti dressa le bilan des deux années de nouvelle politique économique. Ce bilan inspirait l’optimisme et la certitude dans la victoire finale.
Notre Parti est resté soudé, cohérent ; il a su opérer un tournant prodigieux, et il va de l’avant, drapeaux largement déployés,
déclara au congrès le camarade Staline.