Dominique Meeùs
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Malgré l’écrasement de Koltchak et de Dénikine, et bien que le pays des Soviets étendît de plus en plus ses dimensions en libérant des blancs et des envahisseurs le territoire du Nord, le Turkestan, la Sibérie, le Don, l’Ukraine, etc. ; bien que l’Entente eût été obligée de lever le blocus de la Russie, les États de l’Entente se refusaient néanmoins à accepter l’idée que le pouvoir des Soviets s’était montré imbattable et qu’il demeurait victorieux. Aussi décidèrent-ils de tenter une nouvelle intervention contre lui. Cette fois, les envahisseurs vont utiliser d’une part Pilsudski, nationaliste contre-révolutionnaire bourgeois, chef effectif de l’État polonais, et d’autre part le général Wrangel, qui avait rassemblé en Crimée les débris de l’armée de Dénikine et de là, menaçait le bassin du Donetz, l’Ukraine.
Selon le mot de Lénine, la Pologne des hobereaux et Wrangel étaient comme les deux mains de l’impérialisme international, qui tentaient d’étrangler le pays des Soviets.
Les polonais avaient leur plan : s’emparer de l’Ukraine soviétique rive-droite du Dniepr, s’emparer de la Biélorussie soviétique, rétablir dans ces régions le pouvoir des hobereaux polonais, étendre les limites de l’État polonais « d’une mer à l’autre », de Dantzig à Odessa, et pour le concours que leur prêtait Wrangel, aider celui-ci à battre l’Armée rouge et à rétablir dans la Russie soviétique le pouvoir des grands propriétaires fonciers et des capitalistes.
Ce plan fût approuvé par les États de l’Entente.
p. 267Les tentatives du gouvernement soviétique pour engager des négociations avec la Pologne en vue de maintenir la paix et de conjurer la guerre ne donnèrent aucun résultat. Pilsudski ne voulait pas entendre parler de paix. Il voulait la guerre. Il comptait que l’Armée rouge, fatiguée des batailles livrées à Koltchak et à Dénikine, ne résisterait pas à l’attaque des troupes polonaises.
La courte trêve prit fin.
En avril 1920, les troupes de la Pologne envahissaient l’Ukraine soviétique et s’emparaient de Kiev. Dans le même temps, Wrangel prenait l’offensive, menaçant le bassin du Donetz.
En riposte à l’attaque de l’armée polonaise, les armées rouges du front sud atteignirent dans leur élan les portes de Lvov en Galicie, tandis que l’armée du front ouest approchait de Varsovie. L’armée des hobereaux polonais allait être battue à plate couture.
Mais les louches agissements de Trotski et de ses partisans au Grand Quartier Général de l’Armée rouge compromirent nos succès. Par la faute de Trotski et de Toukhatchevski, l’offensive des armées rouges sur le front ouest, en direction de Varsovie, s’effectuait d’une façon absolument inorganisée : on ne laissait pas aux troupes le temps de se fortifier sur les positions conquises ; on fit prendre une avance excessive aux unités de tête, qui se trouvèrent sans munitions et sans réserves, celles-ci étant restées trop loin derrière ; la ligne de front avait été allongée sans fin, ce qui en facilitait la percée. C’est ainsi qu’un faible contingent de troupes polonaises ayant enfoncé notre front ouest dans un des secteurs, nos troupes dépourvues de munitions durent opérer un recul. En ce qui concerne les armées du front sud, qui étaient déjà devant Lvov et refoulaient les polonais, le triste « président du conseil militaire révolutionnaire » Trotski leur interdit de prendre Lvov et leur enjoignit de dépêcher loin vers le nord-est, soi-disant pour appuyer le front ouest, l’armée de cavalerie, c’est-à-dire la force principale du front sud : il était cependant facile de comprendre que la prise de Lvov était le seul — et le meilleur — soutien possible à procurer au front ouest ! Tandis que le retrait de l’armée de cavalerie du front sud et son départ de la zone de Lvov signifiait en fait le repli de nos armées, sur le front sud également. C’est ainsi que Trotski, par un ordre de trahison, imposa à nos armées du front sud une retraite incompréhensible pour elles et dénuée de fondement, à la grande joie des hobereaux polonais.
p. 268C’était bien une aide directe, non pas à notre front ouest, mais aux hobereaux polonais et à l’Entente.
Quelques jours plus tard, l’offensive des armées polonaises était arrêtée ; nos troupes s’apprêtaient à une nouvelle contre-offensive. Mais la Pologne, manquant de forces pour continuer la guerre et alarmée par la perspective d’une contre-attaque des rouges dut renoncer à se prétentions sur l’Ukraine rive-droite et la Biélorussie ; elle préféra conclure la paix avec la Russie. Le 20 octobre 1920, à Riga, un traité de paix était signé avec la Pologne, en vertu duquel la Pologne conservait la Galicie et une partie de la Biélorussie.
Quand elle eût signé la paix avec la Pologne, la république soviétique décida d’en finir avec Wrangel. Celui-ci avait reçu des Français et des Anglais, des armes modernes, des autos blindés, des chars d’assaut, des avions, des équipements. Il disposait d’unités de choc, principalement composées d’officiers blancs. Mais Wrangel n’avait pas réussi à rassembler des forces quelque peu importantes de paysans et de cosaques autour des troupes de débarquement qu’il avait fait descendre dans le Kouban et la région du Don. Cependant, Wrangel, qui touchait de près au bassin du Donetz, menaçait notre région houillère. La situation du pouvoir des Soviets se compliquait encore du fait qu’à cette époque l’Armée rouge était recrue de fatigue. Les soldats rouges étaient obligés d’avancer dans des conditions extrêmement difficiles, en marchant contre les troupes de Wrangel et en écrasant en même temps les bandes d’anarchistes-makhnovistes [partisans de Makhno], qui aidaient Wrangel. Mais bien que celui-ci eût l’avantage de la technique de son côté et bien que l’Armée rouge ne disposait pas de chars d’assaut, elle refoula Wrangel jusque dans la presqu’île de Crimée. En novembre 1920, les troupes rouges s’emparaient des positions fortifiées de Pérékop, pénétraient en Crimée, écrasant les troupes de Wrangel et libérant la Crimée des gardes blancs et des envahisseurs. La Crimée devint soviétique.
C’est l’effondrement des plans impérialistes polonais et l’écrasement de Wrangel qui ferment la période de l’intervention militaire.
Fin 1920 avait commencé la libération de la Transcaucasie du joug des nationalistes bourgeois moussavatistes en Azerbaïdjan, national-mencheviks en Géorgie, dachnaks en Arménie. Le pouvoir des Soviets triompha en Azerbaïdjan, en Arménie et en Géorgie.
Cela ne signifiait pas encore la fin complète de l’intervention. L’intervention japonaise en Extrême-Orient se poursuivit jusqu’en p. 2691922. En outre, il y eût de nouvelles tentatives d’organiser l’intervention (ataman Sémionov et baron Ungern à l’est, intervention des gardes blancs de Finlande en Carélie, en 1921). Mais les principaux ennemis du pays des Soviets, les forces essentielles de l’intervention, avaient été écrasés fin 1920.
La guerre des envahisseurs étrangers et des gardes blancs russes contre les Soviets s’était terminée par la victoire des Soviets.
La République soviétique avait sauvegardé l’indépendance de son État, sa libre existence.
C’était la fin de l’intervention militaire étrangère de la guerre civile.
C’était la victoire historique du pouvoir des soviets.