Dominique Meeùs
Dernière modification le
retour à la page principale du
dossier
Étude du Manifeste du parti communiste
Partir du surplus
L'histoire de toute société jusqu'à nos jours n'a été que l'histoire de luttes de classes.
Homme libre et esclave, patricien et plébéien, baron et serf, maître de jurande et compagnon, en un mot oppresseurs et opprimés, en opposition constante, ont mené une guerre ininterrompue, tantôt ouverte, tantôt dissimulée, une guerre qui finissait toujours soit par une transformation révolutionnaire de la société tout entière, soit par la destruction des deux classes en lutte.
Dans les premières époques historiques, nous constatons presque partout une organisation complète de la société en classes distinctes, une échelle graduée de conditions sociales. Dans la Rome antique, nous trouvons des patriciens, des chevaliers, des plébéiens, des esclaves ; au moyen âge, des seigneurs, des vassaux, des maîtres de corporation, des compagnons, des serfs et, de plus, dans chacune de ces classes, une hiérarchie particulière.
La société bourgeoise moderne, élevée sur les ruines de la société féodale, n'a pas aboli les antagonismes de classes Elle n'a fait que substituer de nouvelles classes, de nouvelles conditions d'oppression, de nouvelles formes de lutte à celles d'autrefois.
Cependant, le caractère distinctif de notre époque, de l'époque de la bourgeoisie, est d'avoir simplifié les antagonismes de classes. La société se divise de plus en deux vastes camps ennemis, en deux grandes classes diamétralement opposées : la bourgeoisie et le prolétariat.
Des serfs du moyen âge naquirent les bourgeois des premières agglomérations urbaines ; de cette population municipale sortirent les premiers éléments de la bourgeoisie.
La découverte de l'Amérique, la circumnavigation de l'Afrique offrirent à la bourgeoisie naissante un nouveau champ d'action. Les marchés des Indes Orientales et de la Chine, la colonisation de l'Amérique, le commerce colonial, la multiplication des moyens d'échange et, en général, des marchandises donnèrent un essor jusqu'alors inconnu au négoce, à la navigation, à l'industrie et assurèrent, en conséquence, un développement rapide à l'élément révolutionnaire de la société féodale en dissolution.
L'ancien mode d'exploitation féodal ou corporatif de l'industrie ne suffisait plus aux besoins qui croissaient sans cesse à mesure que s'ouvraient de nouveaux marchés. La manufacture prit sa place. La moyenne bourgeoisie industrielle supplanta les maîtres de jurande ; la division du travail entre les différentes corporations céda la place à la division du travail au sein de l'atelier même.
Mais les marchés s'agrandissaient sans cesse : la demande croissait toujours. La manufacture, à son tour, devint insuffisante. Alors, la vapeur et la machine révolutionnèrent la production industrielle. La grande industrie moderne supplanta la manufacture ; la moyenne bourgeoisie industrielle céda la place aux millionnaires de l'industrie, aux chefs de véritables armées industrielles, aux bourgeois modernes.
La grande industrie a créé le marché mondial, préparé par la découverte de l'Amérique. Le marché mondial accéléra prodigieusement le développement du commerce, de la navigation, des voies de communication. Ce développement réagit à son tour sur l'extension de l'industrie ; et, au fur et a mesure que l'industrie, le commerce, la navigation, les chemins de fer se développaient, la bourgeoisie grandissait, décuplant ses capitaux et refoulant à l'arrière-plan les classes léguées par le moyen âge.
La bourgeoisie, nous le voyons, est elle-même le produit d'un long développement, d'une série de révolutions dans le mode de production et les moyens de communication.
A chaque étape de l'évolution que parcourait la bourgeoisie correspondait pour elle un progrès politique. Classe opprimée par le despotisme féodal, association armée s'administrant elle-même dans la commune, ici, république urbaine indépendante ; là, tiers état taillable et corvéable de la monarchie, puis, durant la période manufacturière. contrepoids de la noblesse dans la monarchie féodale ou absolue, pierre angulaire des grandes monarchies, la bourgeoisie, depuis l'établissement de la grande industrie et du marché mondial, s'est finalement emparée de la souveraineté politique exclusive dans l'Etat représentatif moderne. Le gouvernement moderne n'est qu'un comité qui gère les affaires communes de la classe bourgeoise tout entière.
Exploitation et vol
Distinguer l'exploitation (surtravail) — qui résulte de la différence entre la valeur de la force de travail et la valeur ajoutée dans le travail — du vol que consiste le paiement d'un salaire inférieur à ce qui correspond à la valeur de la force de travail. Cependant, ces choses se situent à des niveaux d'abstraction différents et ne peuvent pas être calculées. En outre elles ne sont pas accessibles aux acteurs. Dans la pratique, le vol sur les salaires apparaît comme une agravation de l'exploitation et toute exploitation apparaît comme un vol, tant du surtravail que du salaire non payé.
Cette assimilation est visible dans les phrases : « Ainsi, on obtient une région avec un très grand fossé entre ce que la population produit en richesse et ce qu’elle reçoit en retour et on crée ainsi un très haut degré d’exploitation. Il y a l’un qui se crève au travail pour tout juste survivre alors que l’autre baigne dans l’opulence. » (Peter Mertens, « Le volcan n’a pas encore fait éruption, mais il se réveille », Solidaire no 9[1824] du 3 mars 2011, en ligne http://www.ptb.be/nieuws/artikel/peter-mertens-le-volcan-na-pas-encore-fait-eruption-mais-il-se-reveille.html.)