Dominique Meeùs
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Les marchandises s’échangent contre de l’argent, elles ont un prix, on dit que l’argent rapporte, et cetera. Il faut aller plus loin dans l’explication. On va voir que toutes les richesses matérielles sont le fruit du travail et on définit un concept de valeur qui se cache derrière le prix.
Manuel, pp. 76-79, La marchandise et ses propriétés. Le double caractère du travail incorporé dans la marchandise.
Le dernier alinéa de la page 76 (« Les valeurs d’usage… ») y compris les deux premières lignes de la page 77.
Remarque. Il peut y avoir des échanges directs (je te donne A et tu me donne B en échange). À notre époque, ce sont le plus souvent des échanges indirects (je vends A pour de l’argent C et, avec l’argent C de cette vente, j’achète B). Nous considérons ici tous ces échanges bien que nous n’étudierons la monnaie que plus tard.
Pourquoi est-ce qu’on échange des marchandises ? Échange-t-on n’importe quoi contre n’importe quoi (par exemple des pains contre un gigot d’agneau) ? Échange-t-on n’importe quelle quantité contre n’importe quelle quantité (plutôt quinze pains contre un gigot d’agneau ou un pain contre quinze gigots d’agneau) ?
Cherchez les raisons pour lesquelles l’échange ne se ferait pas.
On échange n’importe quoi contre n’importe quoi, pourvu que ce soit différent (autre valeur d’usage). On n’échange pas du pain contre un pain identique (de même qualité). On produit des marchandises pour le marché pour, en les échangeant, se procurer autre chose.
Évidemment pas dans n’importe quelle quantité : pas un pain (mais bien des centaines) contre un ordinateur. Voir tableau ci-dessous.
Des marchandises différentes par leur valeur d’usage s’échangent dans un certain rapport. Toutes les valeurs d’usage, malgré leur différence, se valent si on en offre la bonne quantité, si on les échange dans une certaine proportion. Un ordinateur et une voiture n’ont rien à voir entre eux du point de vue de l’usage mais on peut cependant échanger trente ordinateurs contre une auto (et pas trente autos contre un ordinateur !) Il y a donc tout un système de proportions (à un moment donné) dans lesquelles les différentes marchandises s’échangent : si on échange 30 ordinateurs contre une auto et 20 autos contre une maison, on peut aussi échanger 600 ordinateurs contre une maison. Mais comme un ordinateur s’échange aussi contre 200 pains, on peut échanger une voiture contre 6 000 pains et une maison contre 120 000 pains.
Un ordinateur s’échange contre |
200 pains | ||
Une auto s’échange contre |
6 000 pains | 30 ordinateurs | |
Une maison s’échange contre |
120 000 pains | 600 ordinateurs | 20 autos |
La valeur d’échange d’une marchandise (par exemple une auto) est relative à d’autres (par exemple des pains et des ordinateurs) qui fonctionnent comme équivalent.
Manuel, pp. 76-79, La marchandise et ses propriétés. Le double caractère du travail incorporé dans la marchandise.
Les deux premiers alinéas de la page 77 (« Les différentes marchandises… » jusque « manifestation de sa valeur »).
Qu’est-ce que des marchandises différentes (pas la même valeur d’usage) ont quand-même en commun ?
Être le produit du travail.
Quelle était ou est votre conception personnelle de la valeur
des marchandises :
Le travail plus autre chose : « Ne faut-il pas tenir compte aussi des équipements, des matières premières… et pas seulement du travail ? » Introduire ici la notion de travail passé avec les illustrations des Figure 4, Figure 5, Figure 6 et Figure 7.
La notion de travail passé est essentielle pour arriver à l’objectif : « toute richesse est travail (à partir des ressources naturelles) ».
Est-ce que la rareté intervient dans la valeur des marchandises ?
Voir à propos de Bruegel, la discussion de chose reproductible. Une chose rare n’est, par définition, pas une chose au sens du marché, c’est à dire une chose que n’importe quel producteur peut décider de produire s’il en a les moyens.
Que veut dire la phrase : « … la valeur d’échange d’une marchandise est la forme de manifestation de sa valeur » qui termine cet alinéa ?
Insister sur la démarche d’abstraction : on constate empiriquement, dans la vie de tous les jours une relative stabilité des proportions de l’échange — la valeur d’échange ; on gratte pour voir ce que cela cache, ce qu’il y a en-dessous — on arrive à la valeur. Quand on aura une mesure de la valeur (le temps), on pourra retrouver à partir de la valeur les valeurs d’échange. Double mouvement :
Valeur d’échange -> abstraction : on creuse, on va au-delà des apparences -> on arrive à la valeur.
Valeur -> retour au concret : elle explique (permet de calculer) -> on retrouve la valeur d’échange.
Les marchandises s’échangent dans une proportion donnée, nécessaire, qui n’est pas arbitraire. Cette valeur d’échange suppose que ces marchandises, bien que tout à fait différentes, ont donc quand même quelque chose en commun : une même valeur, qui n’est pas leur valeur d’usage puisque celle-ci est différente. Cette valeur d’échange est la manifestation de quelque chose qu’il y a derrière, mais quoi ? Elles ont seulement de cette même valeur une quantité différente.
Si on fait abstraction de leur valeur d’usage, il ne reste des marchandises que d’être le produit d’un travail (à partir de ressources naturelles — on va développer ce point). La valeur d’une marchandise c’est, en gros, le mal qu’on s’est donné pour la produire (mesuré en temps).
La production demande non seulement du travail mais aussi des matières premières et des équipements (« c’est grâce à notre capital, l’argent que nous avons investi dans l’achat de ces moyens de production », diront les capitalistes). Pour les matières premières, on part bien sûr de ressources naturelles.
Pour parler de tout cela, il faut utiliser les mêmes mots, sinon on ne sait pas de quoi on parle. Nous allons nous en tenir à l’usage établi par Marx (sur base de l’économie politique classique) et les marxistes.
C’est la production. Procès, chez Marx, correspond plutôt à processus dans la langue d’aujourd’hui.
Activité de l’homme, énergie humaine dépensée dans le processus.
Ce que l’on transforme dans le procès de production.
Matière brute (ressource naturelle) | ||
Matière première | principale | |
auxiliaire | incorporée au produit (teinture) | |
consommée par l’instrument (lubrifiant, force motrice) | ||
consommée en marge du procès de travail (éclairage, chauffage) |
On analyse ici le procès de travail. Pour l’analyse de la société, on introduira un concept de forces productives qui reprend ce qui précède.
Ce qui sort du procès de production. Bien de consommation ou matière première pour un autre processus.
Dans le procès de travail, du travail agit sur l’objet du travail avec des moyens de travail pour donner un produit. Mais ces moyens de production, objet de travail (sauf les ressources naturelles) et moyens de travail, étaient eux-mêmes des produits de procès de travail antérieurs. Donc, en définitive, le produit peut-être entièrement ramené à du travail (et des ressources naturelles).
Moyens (bâtiment, outils, machines, matières) | Travail | ||||||
|
Travail | ||||||
|
Travail | ||||||
|
Travail |
L’argent que le capitaliste se vante d’avoir amené (sous forme de moyens de production) comme élément indispensable du procès de travail, eh bien, ce n’est encore que du travail, seulement, c’est du travail passé. Ces moyens, c’est bien le capitaliste qui les apporte grâce à son argent (on verra d’où il vient) mais ce n’est pas l’argent qui les a produits, c’est du travail (à partir des ressources que nous donne la nature).
Sans le travail passé, pas de moyen de production. Sans le travail présent, les moyens de production, ce n’est qu’un tas de ferraille qui ne sert à rien. Supposez un monde où tous les moyens de production seraient détruits. Il ne resterait qu’à tout recommencer à zéro avec le travail. Supposez un monde où tous les hommes et les femmes seraient détruits. Ne comptez pas sur les moyens de production, même les robots, pour continuer à produire tout seuls ! C’est le travail présent qui fait revivre le travail passé.
Il ne faut pas oublier que les ressources naturelles sont rarement utilisables sans travail. Le bois, il faut le couper. Le coton, il faut le cultiver et le récolter, puis le transformer. Le charbon, il faut aller le chercher sous terre. L’oxygène de l’air est un des rares exemples de ressource naturelle qui peut (parfois) servir telle quelle.
L’argent, ça rapporte, si on le place à intérêt, si on joue en bourse (et si on ne perd pas). Mais l’argent n’est intéressant que si on peut l’échanger contre des biens, lesquels sont le fruit du travail à partir de ressources naturelles. Ainsi toute richesse n’est, en dernière analyse, que ressources naturelles et travail.
Une usine d’automobiles se trouve dans un bâtiment fait de briques et de béton avec des poutrelles d’acier et des fenêtres en verre. On y trouve des machines, essentiellement en acier ; des kilomètres de fils électriques en cuivre isolés par des matières plastiques ; des tuyaux en cuivre, en fer ou en plastique… On produit les voitures à partir de tôle d’acier et autres produits semi-finis (par exemple les sièges fabriqués chez des sous-traitants, du matériel électrique et cetera). Les briques viennent de briqueteries qui se sont procuré de l’argile. Les poutrelles viennent de laminoirs qui ont acheté l’acier à des usines sidérurgiques qui, elles-mêmes, avaient acheté le minerai de fer et le charbon à des sociétés minières. Le tissu des sièges est fait de fibres textiles en partie naturelles, venant de l’agriculture, en partie artificielles, venant de l’industrie chimique qui utilise le pétrole comme matière première. Beaucoup de ces choses ont été transportées en camion. (Donc pour construire les camions et les autos d’aujourd’hui, on a aussi besoin des camions d’hier. L’industrie automobile est cliente d’elle-même.)
On voit donc que dans tout produit, il y a non seulement du travail présent et du travail passé, mais aussi du travail passé de nombreux secteurs de la société. Si vous prenez une auto, une seule, elle a été faite par certains ouvriers d’une certaine usine. Supposons, pour fixer les idées, qu’il y avait 3 000 ouvriers. Tous n’ont pas travaillé à cette voiture-là particulièrement. Peut-être qu’il n’y en a que dix, ou quelques dizaines qui y ont touché. Mais pensez à tout ce que cette auto contient d’acier, d’aluminium, de caoutchouc, de plastique, de textile, de peinture, de pièces diverses, électriques entre autres, qui ont été produites par toutes sortes de gens à partir d’autres matières premières, plus les équipements, tout cela à dû être transporté, dans le transport, on a consommé du pétrole, on a dû construire des routes. Finalement, combien de gens ont travaillé à cette seule voiture ? Je n’en sais rien. On avait d’abord pensé quelques dizaines. Maintenant, si vous me dites cent mille, je crains que ce ne soit finalement trop peu. Si quelqu’un m’assure que c’est cent millions ou plus, je ne serais pas étonné. (En fait, la question n’a peut-être pas de réponse.)
C’est typique du capitalisme. Au moyen âge, un outil de fabrication artisanale était peut-être le fruit du travail de quelques dizaines de personnes d’une région pas tellement étendue (on aurait peut-être pu écrire leurs noms), et par conséquent aussi la production agricole faite avec de tels outils.
C’est le caractère social de la production capitaliste. Ce caractère social s’étend en nombre (par exemple : cent millions de personnes pour une seule auto), dans le temps (ces travailleurs n’ont pas tous travaillé en même temps, il faut compter du travail passé) et dans l’espace (ils viennent de la terre entière). Si on ne voit pas cela, si on n’a pas cela constamment présent à l’esprit, on ne peut rien comprendre au capitalisme et, en particulier, on ne peut pas comprendre une des raisons pour lesquelles il ne peut et ne pourra jamais fonctionner correctement et pourquoi on peut et on doit le remplacer par le socialisme.
Manuel, pp. 76-79, La marchandise et ses propriétés. Le double caractère du travail incorporé dans la marchandise.
À partir du dernier alinéa de la page 77 (« La marchandise revêt un double caractère… ») jusque et y compris la citation de Marx en petits caractères page 78.
Les valeurs d’usage différentes sont le produit de travaux
différents. Comment peut-on considérer le travail comme une chose commune aux
différentes marchandises et qui constitue leur valeur ?
Manuel, pp. 76-79, La marchandise et ses propriétés. Le double caractère du travail incorporé dans la marchandise.
Premier alinéa de la page 79 (« Le travail abstrait… »).
Pourquoi le travail abstrait n’apparait-il pas dans l’économie
naturelle et bien dans l’économie marchande?
La substance de la valeur, ce n’est pas tel ou tel travail typique d’une fabrication donnée (travail concret), mais ce qui est commun à tout travail, une dépense de force humaine (travail abstrait). La valeur, c’est, essentiellement, « la peine et le mal » qu’on s’est donné pour produire, l’effort que cela a coûté, « une dépense de force humaine » (mesuré en temps). La valeur d’échange (le fait que la marchandise s’échange contre d’autres dans telle et telle proportion) en résulte et pas le contraire.
L’opposition travail concret/travail abstrait correspond au double caractère de la marchandise, à l’opposition valeur d’usage/valeur d’échange. Le travail abstrait est un concept historique, il n’a de sens que dans une production marchande. Le travail concret doit devenir marchandise et travail abstrait pour savoir si c’est du travail social : il est reconnu comme utile par la société si la marchandise est vendue. Dans une économie non marchande, le travail concret est directement social. Dans une économie marchande, le travail concret ne devient social que comme sous la forme de travail abstrait, comme marchandise lorsqu’elle est échangée.