Dominique Meeùs
Dernière modification le
retour à la page des classiques du marxisme
Publié le 28 juin 1906.
Œuvres, tome 11, pp 65‑69.
Réforme ou révolution ? Ou bien rechercher (les opportunistes) le plus petit commun dénominateur des forces réformistes : « choisir entre la réaction et l’extrême-droite des forces qui s’opposent à cette réaction » (p. 67, ¾). Cinq lignes plus bas : « Nous […] ne proposons que les mots d’ordre visant à des réformes qui servent indiscutablement les intérêts de la lutte révolutionnaire et augmentent indiscutablement l’indépendance, la conscience et la combativité du prolétariat. »
C’est la pression révolutionnaire qui fait aboutir les réformes : « En maintenant intégralement nos anciens mots d’ordre révolutionnaires, nous renforçons la lutte effective et par conséquent les chances de réformes. » (p. 68, ¾).
Écrit le 12 (25) août 1906. Publié le 21 août 1906.
Œuvres, tome 11, pp 139‑147.
Nous avons défendu le boycott dans une situation politique déterminée. Il faut maintenant réviser la question. Les opportunistes imitent en toutes circonstances les méthodes de la social-démocratie allemande dans une période particulière. Nous nous basons sur une évaluation de la situation politique concrète.
On a eu raison de boycotter la Douma de Boulyguine. On a eu raison de boycotter la Douma de Witte[1].
Mais la réunion et la dissolution de la Douma ont apporté des enseignements nouveaux, ont créé les conditions de démasquer la politique des cadets aux yeux des paysans. Dans le cas d’une nouvelle Douma, il faut participer aux élections, tout en continuant à réclamer une assemblée constituante révolutionnaire.
Écrit de février à octobre 1908 et publié en mai 1909.
Œuvres, tome 14, pp 13‑375.
p. 15 Préface à la première édition
p. 18 Préface à la deuxième édition
p. 19 En guise d’introduction. Comment certains « marxistes » réfutaient le matérialisme en 1908 et certains idéalistes en 1710
Toutes les idées « modernes » de Mach et des autres étaient déjà dans Berkeley, qui a publié en 1710 son Treatise concerning the Principles of Human Knowledge, où il nie le monde extérieur. Pour Berkeley, ce qui est en jeu c’est l’athéisme. Lénine cite Berkeley :
p. 26, bas
L’athée, lui, a besoin de ce fantôme d’un nom vide de sens [matière ou substance matérielle] pour fonder son athéisme.
Pour Berkeley, les idées viennent de Dieu. C’est ce qui distingue le réel du fictif. Lénine cite Berkeley sur les idées imaginées par l’homme, opposées aux idées sur le monde :
p. 29, ½
elles sont pâles, débiles, instables en comparaison de celles que nous percevons par nos sens. Ces dernières imprimées en nous suivant certaines règles ou lois de la nature, témoignent d’une intelligence plus puissante et plus sage que l’intelligence humaine.
L’idéalisme de Berkeley est encore, en ce sens, objectif.
p. 30, haut
Expliquant les « idées » par l’action de la divinité sur l’esprit humain, Berkeley se rapproche ainsi de l’idéalisme objectif : le monde n’est plus ma représentation, mais l’effet d’une cause divine suprème, créatrice tant des « lois de la nature » que des lois d’après lesquelles on distingue les idées « plus réelles » des idées qui le sont moins, etc.
Engels (p. 30, ¾) classe Hume et Kant comme agnostiques. Diderot (p. 33, ¾) critique Berkeley.
38 Chapitre premier. La théorie de la connaissance de l’empiriocriticisme et du matérialisme dialectique
38 1. Les sensations et les complexes de sensations
Mach : « La chose est […] un symbole mental pour un complexe de sensations d’une stabilité relative. Ce ne sont pas les choses (les corps), mais bien […] (ce que nous appelons d’habitude des sensations) qui sont les véritables éléments du monde[2]. » Il s’oppose au matérialisme philosophique pour lequel les sensations sont le reflet des choses. Cependant, il admet que les sensations sont liées à des processus dans le cerveau (p. 42, ⅝). Avenarius part de la même position[3].
51 2. La « découverte des éléments du monde »
Mach et Avenarius sont contradictoires et éclectiques. Mach tombe dans le réalisme naïf quand il ne se surveille pas. (Exemple du gaz parfait, p. 64.)
66 3. La coordination de principe et le « réalisme naïf »
Mach et Avenarius prétendent trouver une troisième voie entre idéalisme et matérialisme, une philosophie originale compatible avec le réalisme naïf. Mais leur système se ramène toujours à l’idéalisme subjectif.
En réalité, le « réalisme naïf » est issu de l'expérience, de la pratique, et fonde le matérialisme :
p. 69
Le « réalisme naïf » de tout homme sain d’esprit, qui ne sort pas d’une maison d’aliénés ou de l’école des philosophes idéalistes, consiste à admettre l’existence des choses, du milieu, du monde indépendamment de notre sensation, de notre conscience, de notre Moi et de l’homme en général. L’expérience même (au sens humain du mot, et non au sens machiste du mot), qui a créé en nous la ferme conviction qu’il existe, indépendamment de nous, d’autres hommes, et non de simples complexes de mes sensations de haut, de bas, de jaune, de solide, etc., c’est cette expérience qui crée notre conviction que les choses, le monde, le milieu, existent indépendamment de nous. Nos sensations, notre conscience ne sont que l’image du monde extérieur, et l’on conçoit que la représentation ne peut exister sans ce qu’e1le représente, tandis que la chose représentée peut exister indépendamment de ce qui la représente. La conviction « naïve » de l’humanité, le matérialisme la met consciemment à la base de sa théorie de la connaissance.
75 4. La nature existait-elle avant l’homme ?
87 5. L’homme pense-t-il avec le cerveau ?
94 6. Du solipsisme de Mach et d’Avenarius
99 Chapitre II. La théorie de la connaissance de l’empiriocriticisme et du matérialisme dialectique
99 1. La « chose en soi » ou V. Tchernov réfute F. Engels
Tchernov essaie d’opposer Marx à Engels (p. 100, ½). Dans sa conception de la « chose en soi », Engels critique Hume et Kant (p. 103, ¾). Contre Kant qui nous refuse l’accès aux « choses en soi », Engels objecte que l’industrie (p. 102, ⅜) nous permet d’en fabriquer ! Entre la chose et nous, Kant intercale le phénomène[4]. Pour Engels (p. 104, ¼), la chose en soi existe indépendamment du sujet qui la pense et le phénomène n’est pas d’une autre nature que la chose. Notre connaissance progresse. Marx (p. 105, ¾) ajoute la dimension de l’action.
108 2. Du « transcencus », ou V. Bazarov « accommode » Engels
Mach et Avenarius prétendent dépasser l’opposition idéalisme/matérialisme. En fait ils hésitent entre l’idéalisme subjectif de Berkeley et l’agnosticisme de Hume en jouant sur les mots mais sans rien apporter de nouveau, d’original.
119 3. L. Feuerbach et J. Dietzgen sur la chose en soi
124 4. Y a-t-il une vérité objective ?
134 5. De la vérité absolue et relative, ou de l’éclectisme d’Engels découvert par A. Bogdanov
Lénine se réfère à Engels qui aborde au chapitre 9 de la première partie de l'Anti-Dühring la question de la vérité absolue. Pour Engels, la pensée est deux fois limitée parce qu'elle se réalise chez des individus dont les capacités sont limitées et qu'elle est entachée d'ignorance et d'erreurs. En ce sens, la vérité est relative. Tous les disciples de Mach sont relativistes. Mais ils ne sont pas dialectiques, il font de la relativité un absolu tandis que, dans une perspective dialectique, la conquête de la vérité n'est pas limitée si on considère son caractère collectif et dans la durée. Suivant Engels, Lénine conclut :
p. 139
il n'y a pas, pour le matérialisme dialectique, de ligne de démarcation infranchissable entre la vérité relative et la vérité absolue.
141 6. Le critère de la pratique dans la théorie de la connaissance
148 Chapitre III. La théorie de la connaissance de l’empiriocriticisme et du matérialisme dialectique
148 1. Qu’est-ce que la matière ? Qu’est-ce que l’expérience ?
p. 150, haut
Tous les philosophes que nous avons cités substituent, les uns délibérément, les autres avec des simagrées, à la tendance philosophique fondamentale du matérialisme (de l’existence à la pensée, de la matière à la sensation) la tendance opposée de l’idéalisme. Leur négation de la matière n’est que la très ancienne solution des problèmes de la théorie de la connaissance par la négation de la source extérieure, objective de nos sensations, de la réalité objective qui correspond à nos sensations. L’admission de la tendance philosophique niée par les idéalistes et les agnostiques trouve, au contraire, son expression dans les définitions : la matière est ce qui, agissant sur nos organes des sens, produit les sensations ; la matière est une réalité objective qui nous est donnée dans les sensations, etc.
On a donc ici plusieurs déterminations du matérialisme (de l’existence à la pensée, de la matière à la sensation) et de la matière (ce qui, agissant sur nos organes des sens, produit les sensations ; une réalité objective qui nous est donnée dans les sensations).
p. 151, ⅓
dans quelle énorme absurdité tombent les disciples de Mach, quand ils exigent des matérialistes une définition de la matière qui ne se réduise pas à répéter que la matière, la nature, l’être, le physique est la donnée première, tandis que l’esprit, la conscience, les sensations, le psychique est la donnée seconde.
Il estime que pour définir, il faut se baser sur quelque chose de plus général. Si rien n’est plus général que la matière, l’exigence de définition est absurde. Mais je me demande, si la détermination de la matière comme réalité objective suffit à faire la différence entre matérialisme et réalisme.
155 2. L’erreur de Plekhanov concernant le concept de l’ « expérience »
158 3. De la causalité et de la nécessité dans la nature
174 4. Le « principe de l’économie de la pensée » et le problème de l’ « unité du monde »
180 5. L’espace et le temps
194 6. Liberté et nécessité
201 Chapitre IV. Les philosophes idéalistes, frères d’armes et successeurs de l’empiriocriticisme
201 1. Le kantisme critique de gauche et de droite
212 2. Comment l’ « empiriosymboliste » Iouchkevitch s’est moqué de l’ « empiriocriticiste » Tchernov
216 3. Les immanents, frères d’armes de Mach et d’Avenarius
225 4. Dans quel sens évolue l’empiriocriticisme ?
234 5. L’ « empiriomonisme » de A. Bogdanov
241 6. La « théorie des symboles » (ou des hiéroglyphes) et la critique de Helmholtz
248 7. De la double critique de Dühring
253 8. Comment J. Dietzgen put-il plaire aux philosophes réactionnaires ?
260 Chapitre V. La révolution moderne dans les sciences de la nature et l’idéalisme philosophique
262 1. La crise de la physique contemporaine
269 2. « La matière disparaît »
Pas de panique, la matière comme concept philosophique, c’est le monde objectif. De ce point de vue, matière, mouvement ou énergie en physique, c’est du pareil au même.
276 3. Le mouvement est-il concevable sans matière ?
285 4. Les deux tendances de la physique contemporaine et le spiritualisme anglais
294 5. Les deux tendances de la physique contemporaine et l’idéalisme allemand
303 6. Les deux tendances de la physique contemporaine et le fidéisme français
311 7. Un « physicien idéaliste » russe
315 8. Essence et valeur de l’idéalisme physique
327 Chapitre VI. L’empiriocriticisme et le matérialisme historique
327 1. L’excursion des empiriocriticistes allemands dans le domaine des sciences sociales
335 2. Comment Bogdanov corrige et « développe » Marx
344 3. Les « Principes de la philosophie sociale » de Souvorov
349 4. Les partis en philosophie et les philosophes acéphales
361 5. Ernst Haeckel et Ernst Mach
371 Conclusion
373 Supplément au § 1 du chapitre IV. De quel côté N. Tchernychevski abordait-il la critique du kantisme ?
Prolétari, 13 (26) mai 1909.
Œuvres, tome 15, pp 432-444.
P. 435-437.
Le marxisme est un matérialisme. À ce titre il est aussi implacablement hostile à la religion que le matérialisme des encyclopédistes du 18e siècle ou le matérialisme de Feuerbach. Voilà qui est indéniable. Mais le matérialisme dialectique de Marx et d’Engels va plus loin que les encyclopédistes et Feuerbach en ce qu’il applique la philosophie matérialiste au domaine de l’histoire, au domaine des sciences sociales. Nous devons combattre la religion ; c’est l’a b c de tout le matérialisme et, partant, du marxisme. Mais le marxisme n’est pas un matérialisme qui s’en tient à l’a b c. Le marxisme va plus loin. Il dit : il faut savoir lutter contre la religion ; or, pour cela, il faut expliquer d’une façon matérialiste la source de la foi et de la religion des masses. On ne doit pas confiner la lutte contre la religion dans une prédication idéologique abstraite ; on ne doit pas l’y réduire ; il faut lier cette lutte à la pratique concrète du mouvement de classe visant à faire disparaître les racines sociales de la religion. Pourquoi la religion se maintient‑elle dans les couches arriérées du prolétariat des villes, dans les vastes couches du semi-prolétariat, ainsi que dans la masse des paysans ? Par suite de l’ignorance du peuple, répond le progressiste bourgeois, le radical ou le matérialiste bourgeois. Et donc, à bas la religion, vive l’athéisme, la diffusion des idées athées est notre tâche principale. Les marxistes disent : c’est faux. Ce point de vue traduit l’idée superficielle, étroitement bourgeoise d’une action de la culture par elle-même. Un tel point de vue n’explique pas assez complètement, n’explique pas dans un sens matérialiste, mais dans un sens idéaliste, les racines de la religion. Dans les pays capitalistes actuels, ces racines sont surtout sociales. La situation sociale défavorisée des masses travailleuses, leur apparente impuissance totale devant les forces aveugles du capitalisme, qui causent, chaque jour et à toute heure, mille fois plus de souffrances horribles, de plus sauvages tourments aux humbles travailleurs, que les événements exceptionnels tels que guerres, tremblements de terre, etc., c’est là qu’il faut rechercher aujourd’hui les racines les plus profondes de la religion. « La peur a créé les dieux. » La peur devant la force aveugle du capital, aveugle parce que ne pouvant être prévue des masses populaires, qui, à chaque instant de la vie du prolétaire et du petit patron, menace de lui apporter et lui apporte la ruine « subite », « inattendue », « accidentelle », qui cause sa perte, qui en fait un mendiant, un déclassé, une prostituée, le réduit à mourir de faim, voilà les racines de la religion moderne que le matérialiste doit avoir en vue, avant tout et par‑dessus tout, s’il ne veut pas demeurer un matérialiste primaire. Aucun livre de vulgarisation n’expurgera la religion des masses abruties par le bagne capitaliste, assujetties aux forces destructrices aveugles du capitalisme, aussi longtemps que ces masses n’auront pas appris à lutter de façon cohérente, organisée, systématique et consciente contre ces racines de la religion, contre le règne du capital sous toutes ses formes.
Est‑ce à dire que le livre de vulgarisation contre la religion soit nuisible ou inutile ? Non. La conclusion qui s’impose est tout autre. C’est que la propagande athée de la social-démocratie doit être subordonnée à sa tâche fondamentale, à savoir : au développement de la lutte de classe des masses exploitées contre les exploiteurs.
[1] Mais dans La maladie infantile du communisme (tome 31), Lénine reconnaît que c’était une erreur : « L’expérience russe nous offre une application réussie et juste (en 1905), une autre application erronée (en 1906) du boycottage par les bolchéviks. » (p. 58.)
[2] E. Mach, Die Mechanik in ihrer Entwicklung Historisch-kritisch dargestellt, 3. Auflage, Leipzig , 1897, p. 473. Déjà en 1871 : Die Geschichte und die Wurzel des Satzes von des Erhaltung der Arbeit. Vortrag gehalten in der K. Böhm. Gesellschaft des Wissenschaften am 15. Nov., 1871, Prag , 1872, pp 57‑58.
[3] La philosophie, conception du monde d’après le principe du moindre effort (Prolégomènes à la critique de l’expérience pure), 1876.
[4] Qu’entend-on par là ? Je risque la définition suivante : ce que la chose en soi nous donne à voir ou, plus kantien, ce que nos sens ou les formes a priori de notre sensibilité nous permettent de voir de la chose ; dans un cas comme dans l’autre, ce qui dans la chose est à notre portée. Il y aurait donc : la chose en soi – le phénomène (ce qui de la chose en soi est à notre portée) – les impressions sensibles (qui portent sur le seul phénomène puisque la chose ne nous est pas entièrement accessible) – l’intuition de la chose (l’image mentale que nous avons de la chose en fin de compte).
[5] Sa « définition » est ad hoc mais de toute manière, le sens des mots dans le langage courant ne commande pas les concepts théoriques ou les notions liées à un contexte déterminé.
[6] Exemple prototypique : Angleterre.
[7] Plus dans le sens d’absorption que d’alliance ?
[8] Italiques de Lénine.
[9] « Voir ma brochure de 1905 Deux tactiques… », mentionnée ci-dessus.
[10] Rapprocher de la discussion sur la nécessité de la lutte pour les droits démocratiques au point 6 d’« Une caricature ».
[11] On peut dire, sauf l’anachronisme, que Kautsky accuse Lénine de titisme.
[12] Et qui annonce De Man.