Dominique Meeùs
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Table of contents
Mots-clefs : ❦ mathématique : science des grandeurs ❦ axiome, détermination omise de la définition ❦ axiome, démontrable dialectiquement ❦ axiome, acquis par hérédité
Les rares déterminations de la pensée dont les mathématiques aient besoin comme points de départ sont ce qu’on appelle les axiomes mathématiques. Les mathématiques sont la science des grandeurs ; elles partent du concept de grandeur. Elles en donnent une définition boiteuse et y ajoutent ensuite de l’extérieur, sous forme d’axiomes, les autres déterminations élémentaires de la grandeur qui ne sont pas contenues dans la définition, ce qui fait apparaître les axiomes comme non démontrés et, naturellement aussi, non démontrables mathématiquement. L’analyse de la grandeur ferait apparaître toutes ces déterminations axiomatiques comme des déterminations nécessaires de la grandeur. Spencer à raison dans ce sens que l’évidence, manifeste pour nous, de ces axiomes est acquise par hérédité. Ils sont démontrables dialectiquement dans la mesure où ils ne sont pas de pures tautologies.
La définition complète de « grandeur » (unique objet, selon Engels, de la science mathématique) devrait comporter un certain nombre de déterminations. Les mathématiciens, beaucoup plus bêtes que lui (ou bien serait-ce qu’ils veulent garder des atouts dans leur manche ?), ont la mauvaise idée de n’en donner qu’une partie, et en sont donc réduits à amener après coup comme axiomes les déterminations dont leur définition manque. Comme les axiomes sont en réalité des déterminations oubliées de la définition, ils ne peuvent être mathématiquement démontrés. Cependant, ils pourraient l’être « dialectiquement ». Engels ne semble pas très bien comprendre le statut des axiomes en mathématiques, ni des définitions d’ailleurs. Par ailleurs, on se demande ce que peut être une « démonstration dialectique ».
Quant à l’évidence des axiomes, je serais tenté de croire qu’elle est acquise par la pratique, plutôt que par hérédité, et transmise par la culture. S’agissant de Spencer, il ne s’agit pas d’héritage culturel, mais d’hérédité biologique. Ce qu’Engels affirme ici en approuvant Spencer, c’est la transmission par hérédité biologique de caractères culturels acquis par la pratique ! Il faudrait voir ce que Spencer aurait dit d’idées héréditaires. C’est peut-être lié à la récapitulation.
Cela fait penser un peu à certaines dérives de Freud, entre autres à propos du « meurtre du père ».
Mots-clefs : ❦ pensée théorique ❦ loi générale du mouvement et du développement de la nature, de la société et de la pensée ❦ identité des lois de la nature et de la société, et de la pensée
(*) De l’Anti-Dühring, pagination des Éditions sociales.p. 272 ½Á propos des pages 67-69 (*) : Accord de la pensée et de l’être. L’infini en mathématiques.
Le fait que notre pensée subjective et le monde objectif sont soumis aux mêmes lois et que, par suite, tous deux, dans leurs résultats, ne peuvent pas en fin de compte se contredire, mais doivent forcément s’accorder, domine absolument notre pensée théorique dans sa totalité. Il est sa condition inconsciente et inconditionnelle. En raison de son caractère essentiellement métaphysique, le matérialisme du 18e siècle n’a étudié cette condition que dans son contenu. (*) Il n’y a rien dans l’entendement qui n’ait été dans les sens.Il s’est borné à démontrer que le contenu de toute pensée et savoir doit procéder de l’expérience sensible et il a rétabli le principe : nihil est in intellectu, quod non fuerit in sensu (*). p. 273C’est seulement la philosophie moderne idéaliste, mais en même temps dialectique, et surtout Hegel, qui l’a étudié également dans sa forme. Malgré les constructions et les fantaisies arbitraires sans nombre que nous rencontrons ici ; malgré la forme idéaliste, mise sur la tête, que prend le résultat de cette philosophie : l’unité de la pensée et de l’être, il est indéniable qu’elle a démontré, dans une foule de cas et dans les domaines les plus divers, l’analogie des processus de la pensée avec les processus de la nature et de l’histoire et inversement, et la validité de lois identiques pour tous ces processus. D’autre part, la science moderne de la nature a élargi le principe de l’origine empirique de tout contenu de pensée d’une manière qui jette par-dessus bord la vieille étroitesse et la vieille formulation métaphysiques de ce principe. En reconnaissant l’hérédité des qualités acquises, la science élargit le sujet de l’expérience de l’individu au genre ; ce n’est plus nécessairement l’individu singulier qui doit avoir fait l’expérience, son expérience singulière peut, dans une certaine mesure, être remplacée par les résultats des expériences d’une série de ses ancêtres. Si chez nous, par exemple, les axiomes mathématiques paraissent à tout enfant de huit ans être évidents et faire l’économie de la preuve expérimentale, c’est là uniquement le résultat de l’ « hérédité accumulée ». Ils seraient difficiles à faire admettre par démonstration à un Boschiman ou à un Nègre australien.
Dans le présent ouvrage [l’Anti-Dühring], la dialectique a été conçue comme la science des lois les plus universelles de tout mouvement. Cela inclut que ses lois doivent être valables aussi bien pour le mouvement dans la nature et dans l’histoire humaine que pour le mouvement de la pensée. Une telle loi peut être reconnue dans deux de ces trois sphères et même dans toutes trois, sans que ce routinier de métaphysicien se rende compte que c’est une seule et même loi qu’il a reconnue.
L’identité des lois du monde et de celles de la connaissance est l’obsession, malheureuse, d’Engels. Il méprise les « routiniers » matérialistes du 18e. Il ne réalise pas que c’est lui l’esprit borné et métaphysique avec sa conception enfantine, symbolique, mécanique et peu dialectique des liens entre le monde et la pensée. Oui notre pensée a des liens étroits avec le monde. Oui nous sommes capables de connaître le monde. Mais les liens entre la pensée et le monde sont infiniment plus subtils que l’identité des lois et le reflet.
Nous apprenons, ô miracle, que la philosophie idéaliste « a démontré, dans une foule de cas et dans les domaines les plus divers, l’analogie des processus de la pensée avec les processus de la nature et de l’histoire ». Jamais « une foule de cas » ne constitue une démonstration. Ce n’est pas une grande perte pour l’analogie parce qu’il me semble qu’une analogie a plus besoin d’être illustrée que démontrée. Mais il ne s’agit pas seulement d’ « analogie des processus », par un coup de baguette magique cela devient « la validité de lois identiques ». Il semble que pour Engels, des cas, des analogies, une démonstration, la validité de lois, c’est tout un.
La dialectique est définie ici comme « la science des lois les plus universelles de tout mouvement ».
Au fond Engels n’est pas un philosophe (on savait déjà qu’il n’était pas un scientifique) mais un avocat. Pour lui rien ne doit encore être établi, tout est acquis, il ne reste qu’à en persuader le lecteur qui en douterait en le matraquant avec des phrases approximatives et des effets de manche. Quand il soutient une bonne cause, on le lit avec plaisir et intérêt. Quand il défend des erreurs, il est pénible et sa suffisance est odieuse. On est gêné pour lui.