Dominique Meeùs
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Mots-clefs : ❦ lamarckisme ❦ malthusianisme ❦ darwinisme ❦ Malthus ❦ lutte pour l’existence, seulement aux stades inférieurs
Un reste de lamarckisme et l’a priori contre tout ce qui pourrait ressembler de près ou de loin à du malthusianisme ont d’abord gêné Engels, qui pourtant a immédiatement apprécié Darwin et le darwinisme et compris leur importance. Il faudrait peut-être tenir compte de la chronologie des fragments retrouvés (ou de son humeur du moment, ou de l’influence de lectures en cours). Ici, il semble assez réservé, pour ne pas dire plus, tandis qu’au chapitre 7 de la première partie de l’Anti-Dühring, il fait un exposé magistral du darwinisme et défend Darwin contre l’accusation que sa théorie reposerait sur celle de Malthus. Tout ce qui suit est donc surprenant. Il faut supposer que ce qui suit est antérieur à ce que nous lisons aujourd’hui dans l’Anti-Dühring.
p. 315 ½Lutte pour l’existence. Avant tout, il est nécessaire de la limiter strictement aux luttes provoquées par la surpopulation dans le monde végétal et animal, luttes qui se produisent effectivement à certains stades dans le règne végétal et aux stades inférieurs dans le règne animal.
Il semble avoir très peur de tout glissement possible vers un darwinisme social, d’où cet arrêt bizarre « aux stades inférieurs ».
Mots-clefs : ❦ évolution, adaptation sans sélection ❦
Mais il est nécessaire d’en séparer rigoureusement les conditions dans lesquelles les espèces se transforment — des espèces anciennes s’éteignent et de nouvelles espèces, plus développées, les remplacent — sans la présence de cette surpopulation : par exemple, lors de la migration d’animaux et de plantes dans des contrées nouvelles, où des conditions nouvelles de climat, de sol, etc., provoquent le changement. Si là les individus qui s’adaptent survivent et, grâce à une adaptation sans cesse croissante, se développent pour former une espèce nouvelle, tandis que les autres individus, plus stables, périssent et finalement s’éteignent en même temps que les formes intermédiaires imparfaites, cela peut se produire — et en fait cela se produit — sans aucun malthusianisme ; et, si jamais celui-ci devait jouer quelque rôle, il ne change rien au p. 316processus, il peut tout au plus l’accélérer. — De même lors du changement progressif des conditions géographiques, climatiques, etc., dans un territoire donné (assèchement de l’Asie centrale par exemple). Il est indifférent que la population animale ou végétale soit à l’étroit ou non ; le processus de développement des organismes par les changements géographiques, climatiques ou autres, se fait dans un cas comme dans l’autre.
Il n’y a aucune possibilité que « des conditions nouvelles » par elles-mêmes, directement « provoquent le changement ». Le changement ayant eu lieu au niveau génétique, les conditions nouvelles peuvent le sanctionner négativement ce qui est la sélection naturelle qu’il appelle « surpopulation » et qu’il rejette. Une « adaptation sans cesse croissante », en dehors de la sélection naturelle, c’est une conception magique. Qu’est-ce que « le processus de développement des organismes par les changements géographiques » en dehors de la sélection ?
Mots-clefs : ❦ Mitchourine ❦ Lyssenko ❦ Haeckel
— Il en va de même dans la sélection naturelle, où le malthusianisme ne joue pas non plus le moindre rôle (*).
C’est aussi pourquoi « l’adaptation et l’hérédité » de Haeckel peuvent assurer tout le processus d’évolution sans qu’on ait besoin de la sélection ni du malthusianisme.
(*) Note de la rédaction : La conception mitchourinienne de l’action modelante du milieu, de l’unité de l’organisme et du milieu, ainsi que les méthodes de culture découvertes par T. D. Lyssenko et basées sur l’absence de concurrence à l’intérieur de l’espèce, sont autant de développements et de confirmations de ces réflexions d’Engels.
La note des éditeurs du livre montre à quelles dérives le flou des conceptions d’Engels peut mener, mais il n’en est évidemment pas responsable.
Ici, il n’aime pas la sélection et il lui oppose Haeckel. Il en dit trop peu. Haeckel est connu comme défenseur du darwinisme.
Mots-clefs : ❦ évolution, régression
Il semble vouloir que l’évolution aille vers le progrès et déplore des « régressions ».
p. 316 ⅓C’est précisément la faute de Darwin de mélanger dans sa « sélection naturelle ou survivance des plus aptes » deux choses absolument étrangères :
1. La sélection par pression de la surpopulation, où il est possible qu’en premier ce soient les plus forts qui survivent, mais qu’ils se révèlent aussi les faibles à bien des égards.
2. La sélection grâce à une faculté d’adaptation plus grande à des conditions transformées, où les survivants sont mieux adaptés à ces conditions ; mais ici, dans l’ensemble, cette adaptation peut signifier aussi bien un progrès qu’une régression (par exemple, l’adaptation à la vie parasitaire est toujours une régression).
Mots-clefs : ❦ Hobbes, guerre de tous contre tous ❦ lutte pour l’existence, transposition sans preuve des théories de Hobbes et de Malthus
p. 317 ⅕Toute la théorie darwinienne de la lutte pour l’existence est tout simplement le transfert, de la société à la nature vivante, de la théorie de Hobbes sur la guerre de tous contre tous et de la théorie économique bourgeoise de la concurrence ainsi que de la théorie de la population de Malthus. Une fois réalisé ce tour de force (dont la légitimité absolue, en particulier en ce qui concerne la doctrine de Malthus, reste très problématique), il est très facile de transférer à nouveau ces théories de l’histoire de la nature à celle de la société ; et il est par trop naïf de prétendre avoir prouvé par là que ces affirmations sont des lois naturelles et éternelles de la société.
Cette critique peut se justifier contre certains vulgarisateurs, pas contre Darwin ni contre « la théorie darwinienne ». Même si Malthus l’a inspiré, Darwin a basé sa théorie sur une étude attentive de la nature, pas sur le transfert de points de vue de philosophes ou d’économistes.
Mots-clefs : ❦ évolution, nécessaire jusqu’à un genre d’êtres pensants
p. p. 318 ⅓… la théorie de l’évolution, selon laquelle, une fois donnée la vie organique, elle doit se développer à travers le développement des générations jusqu’à un genre d’êtres pensants.
Il semble affirmer la nécessité de la pensée, mais il en dit trop peu pour qu’on puisse voir si c’est chez lui un préjugé téléologique, ce qu’on appelle aujourd’hui « principe anthropique » ou une conclusion scientifique.