Friedrich Engels, Dialectique de la nature, retour à la table des matières
Causa finalis — la matière et le mouvement qui lui est inhérent. Cette matière n’est pas une abstraction. Déjà sur le soleil les divers corps sont dissociés et ne se différencient pas dans leur action. Mais, dans la sphère gazeuse de la nébuleuse, tous les corps, bien qu’existant séparément, se fondent en pure matière en tant que telle, n’agissant que comme matière et non selon leurs propriétés spécifiques 1.
(D’ailleurs, chez Hegel déjà, l’opposition entre causa efficiens et causa finalis est levée dans l’action réciproque.) 2
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Matière primitive 3 :
La conception que la matière existe à l’origine et n’a pas de forme en soi est très ancienne et nous la trouvons déjà chez les Grecs, d’abord sous la forme mythique du Chaos, qui est représenté comme l’informe fondement du monde existant. (Hegel : Encyclopédie, I, p. 258.)
Nous retrouvons ce Chaos chez Laplace : chez lui, la nébuleuse, qui n’a plus qu’un commencement de forme, s’en rapproche. Ensuite vient la différenciation.
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On admet communément que la pesanteur est la détermination la plus générale de la matérialité, c’est-à-dire que l’attraction est une propriété nécessaire de la matière, mais non la répulsion. Mais attraction et répulsion sont aussi inséparables l’une de l’autre que positif et négatif et, par suite, sur la base de la dialectique elle-même, on peut prédire d’avance que la théorie vraie de la matière doit assigner à la répulsion une place tout aussi importante qu’à l’attraction, qu’une théorie de la matière reposant sur la seule attraction est fausse, insuffisante, loin de compte. En fait, il y a assez de phénomènes qui l’indiquent à l’avance. Déjà à cause de la lumière on ne peut se passer de l’éther. L’éther est-il matériel ? De toute façon, s’il est, il doit être matériel, il doit être englobé dans le concept de matière. Mais il n’a pas de pesanteur. On admet que les queues de comètes sont matérielles. Elles manifestent une énorme répulsion. La chaleur dans le gaz produit de la répulsion, etc. 4.
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Attraction et gravitation 5. Toute la théorie de la gravitation repose sur l’affirmation que l’attraction est l’essence de la matière. Cela est nécessairement faux. Là où il y a attraction, il faut qu’elle soit complétée par la répulsion. C’est pourquoi Hegel déjà remarquait très justement que l’essence de la matière est attraction et répulsion 6. Et, en effet, nous sommes de plus en plus obligés d’admettre que la dispersion de la matière a une limite où l’attraction se convertit en répulsion, et qu’inversement la condensation de la matière soumise à répulsion a une limite où elle devient attraction 7.
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La conversion d’attraction en répulsion et inversement est mystique chez Hegel, mais, au fond, il a anticipé sur les découvertes ultérieures de la science de la nature. Déjà, dans le gaz, il y a répulsion des molécules, plus encore dans la matière de fragmentation plus fine, par exemple dans les queues de comète, où elle agit même avec une force énorme. Hegel est génial même en ceci qu’il déduit l’attraction, comme élément second, de la répulsion, comme élément primaire : un système solaire ne se forme que parce que l’attraction prend peu à peu le pas sur la répulsion primitivement prédominante. — Dilatation par la chaleur = répulsion. Théorie cinétique des gaz 8.
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Divisibilité de la matière 9. Question pratiquement indifférente pour la science. Nous savons qu’il existe en chimie une limite déterminée à la divisibilité, au delà de laquelle les corps ne peuvent plus avoir d’action chimique : l’atome, et que plusieurs atomes sont toujours en combinaison 10 : la molécule. De même, en physique, nous sommes obligés d’admettre certaines particules, les plus petites pour la recherche physique, dont la disposition conditionne la forme et la cohésion des corps, dont les vibrations se manifestent dans la chaleur, etc. Mais est-ce que la molécule physique et la molécule chimique sont identiques ou différentes, nous n’en savons rien jusqu’ici 11. — Hegel se tire très facilement d’affaire sur cette question de la divisibilité en, disant que la matière est l’un et l’autre, divisible et continue, et en même temps ni l’un ni l’autre 12, ce qui n’est pas une réponse, mais est presque prouvé maintenant (Voir feuille 5, 3 en bas : Clausius) 13.
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Divisibilité. Le mammifère indivisible : chez le reptile une patte peut encore repousser. — Les ondes d’éther, divisibles et mesurables jusqu’à l’infiniment petit 14. Tout corps est divisible, en pratique, à l’intérieur de certaines limites, p. ex. en chimie 15.
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Son essence (l’essence du mouvement) consiste en l’unité immédiate de l’espace et du temps… Espace et temps sont nécessaires au mouvement, la vitesse, la quantité de mouvement, c’est l’espace en fonction du temps déterminé qui s’est écoulé. ([Hegel] Philosophie de la nature, p. 65 16.) Espace et temps sont remplis de matière… Pas plus qu’il n’y a de mouvement sans matière, il n’y a de matière sans mouvement (p. 67) 17
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L’indestructibilité du mouvement est énoncée dans la thèse de Descartes selon laquelle la même quantité de mouvement se conserve constamment dans l’univers. Les savants, en parlant de l’ « indestructibilité de la force », expriment la chose d’une manière imparfaite. L’expression purement quantitative de Descartes est également insuffisante : le mouvement en tant que tel, en tant que manifestation essentielle, en tant que forme d’existence de la matière, aussi indestructible que celle-ci, cette formulation implique déjà l’aspect quantitatif de la chose. Donc, ici aussi, le savant a confirmer deux cents ans après le philosophe 18.
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Indestructibilité du mouvement 19, joli passage chez Grove, p. 20 sqq. 20.
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Mouvement et équilibre 21. L’équilibre est inséparable du mouvement 22. Dans le mouvement des corps célestes, il y a mouvement dans l’équilibre et équilibre dans le mouvement (relativement). Mais tout mouvement spécialement relatif, c’est-à-dire ici tout mouvement singulier de corps singuliers sur un corps céleste en mouvement, tend au rétablissement de l’état de repos relatif de l’équilibre. La possibilité du repos relatif des corps, la possibilité d’états d’équilibre temporaires sont des conditions essentielles de la différenciation de la matière et, par suite, de la vie. Sur le soleil, pas d’équilibre des corps singuliers, mais seulement équilibre de la masse entière ; s’il y a équilibre de corps singuliers, équilibre très restreint, conditionné par d’importantes différences de densité ; à la surface mouvement éternel, agitation, dissociation. Sur la lune semble régner l’équilibre exclusif, sans aucun mouvement relatif : la mort (la lune = négativité). Sur la terre le mouvement s’est différencié dans l’alternance du repos et de l’équilibre : le mouvement singulier tend vers l’équilibre, la totalité du mouvement supprime à nouveau l’équilibre singulier. La roche est parvenue à l’état de repos, mais l’effet des intempéries, l’action du ressac marin, des fleuves, des glaciers détruisent constamment l’équilibre. L’évaporation et la pluie, le vent, la chaleur, les phénomènes, électriques et magnétiques nous donnent le même spectacle. Enfin, dans l’organisme vivant, nous observons le mouvement constant de toutes ses particules les plus petites aussi bien que d’organes plus grands, mouvement qui a pour résultat, pendant la période normale de vie, l’équilibre constant de l’ensemble de l’organisme, et qui pourtant ne cesse pas : unité vivante du mouvement et de l’équilibre.
Tout équilibre seulement relatif et temporaire.
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1. Mouvement des corps célestes. Équilibre approximatif entre attraction et répulsion dans le mouvement.
2. Mouvement sur un corps céleste singulier. Masse. Dans la mesure où ce mouvement est dû à des causses purement mécaniques, il y a également équilibre. Les masses reposent sur leur base. Cela se réalise, semble-t-il, tout à fait sur la lune. L’attraction mécanique a vaincu la répulsion mécanique. Du point de vue de la mécanique pure, nous ne savons pas ce qu’il est advenu de la répulsion, et la mécanique pure explique tout aussi peu d’où viennent les « forces » grâce auxquelles on met, par exemple sur terre, des masses en mouvement contre la pesanteur. Elle prend le fait comme donné. Ici, donc, on a une simple transmission de mouvement mécanique de répulsion, d’éloignement de masse à masse, cependant que l’attraction et la répulsion sont égales entre elles.
3. Mais l’énorme masse de tous les mouvements sur la terre représente la transformation d’une forme du mouvement en l’autre — de mouvement mécanique en chaleur, en électricité, en mouvement chimique — et de chacun de ceux-ci en l’autre ; donc, soit 23 conversion d’attraction en répulsion — mouvement mécanique en chaleur, en électricité, en décomposition chimique (cette conversion est la transformation en chaleur du mouvement mécanique qui à l’origine est élévateur, et non mouvement de chute, comme il semble au premier abord), — soit conversion de répulsion en attraction.]
4. Toute 24 l’énergie actuellement en action sur la terre est de la chaleur solaire transformée 25.
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Mouvement mécanique 26. Pour les savants, il va toujours de soi d’identifier le mouvement au mouvement mécanique, au changement de lieu. C’est un héritage du 18e siècle, qui ne connaissait pas encore la chimie, et cela rend beaucoup plus difficile la conception claire des processus. Le mouvement, appliqué à la matière c’est le changement en général. C’est du même malentendu que vient aussi la rage de tout réduire au mouvement mécanique — déjà Grove
inclinait fortement à penser que les autres états de la matière sont ou du moins seront finalement reconnus comme des variétés du mouvement (p. 16) 27
— ce qui brouille le caractère spécifique des autres formes de mouvement. Cela ne veut pas dire que chacune des formes supérieures du mouvement ne soit pas toujours liée à quelque mouvement mécanique réel (externe ou moléculaire), de même que les formes supérieures du mouvement en produisent aussi simultanément d’autres et que l’action chimique n’est pas possible sans changement de la température et de l’état électrique, la vie organique sans changement mécanique, moléculaire, chimique, thermique, électrique, etc. Mais la présence de ces formes accessoires n’épuise pas dans chaque cas considéré l’essence de la forme principale. Nous « réduirons » certainement un jour par la voie expérimentale la pensée à des mouvements moléculaires et chimiques dans le cerveau ; mais cela épuise-t-il l’essence de la pensée ?
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Dialectique de la science de la nature 28 : objet : la matière en mouvement. On ne peut connaître à leur tour les diverses formes et aspects de la matière que par le mouvement ; ce n’est qu’en lui qu’apparaissent les propriétés des corps ; il n’y a rien à dire d’un corps qui n’est pas en mouvement. Des formes du mouvement découle donc la nature des corps en mouvement.
1. La première forme de mouvement, la plus simple, est la forme mécanique, le pur changement de lieu.
a) Le mouvement d’un corps singulier n’existe pas — [on ne peut en parler] 29 que d’une manière relative — chute.
b) Mouvement de corps séparés : trajectoire, astronomie — équilibre apparent — la fin est toujours le contact.
c) Mouvement des corps en contact l’un par rapport à l’autre — pression. Statique. Hydrostatique et gaz. Levier et autres formes de la mécanique proprement dite, qui se ramènent toutes, dans leur forme de contact la plus simple, au frottement et au choc qui ne diffèrent l’un de l’autre que par degrés. Mais le frottement et le choc, en fait le contact, ont aussi d’autres conséquences qui, ici, n’ont jamais été mentionnées par les savants : dans des circonstances déterminées, ils produisent du son, de la chaleur, de la lumière, de l’électricité, du magnétisme 30.
2. Ces forces diverses (à l’exception du son) — physique des corps célestes.
a) Se convertissent l’une en l’autre et se substituent l’une à l’autre, et
b) À un certain degré d’accroissement quantitatif de chacune de ces forces, différent pour chaque corps, dans les corps subissant leur action — que ce soient des corps chimiquement composés ou plusieurs corps chimiquement simples — interviennent des changements chimiques. Et nous entrons dans la chimie. Chimie des corps célestes. La cristallographie — partie de la chimie.
3. La physique pouvait ou devait laisser de côté le corps organique vivant, la chimie ne trouve l’explication vraie de la véritable nature des corps les plus importants que dans l’étude des composés organiques ; d’autre part, elle réalise par synthèse des corps qu’on ne rencontre que dans la nature organique. Ici, la chimie mène à la vie organique et elle est parvenue assez loin pour nous donner l’assurance qu’elle seule nous expliquera le passage dialectique à l’organisme.
4. Mais le passage réel seulement dans l’histoire— du système solaire, de la terre ; elle est la condition préalable effective de la nature organique.
5. Nature organique.
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La classification des sciences, dont chacune analyse une forme singulière du mouvement ou une série de formes de mouvement connexes et passant de l’une à l’autre, est, par suite, classification de ces formes du mouvement elles-mêmes, disposition selon la succession qui leur est inhérente, et c’est en cela que réside son importance.
À la fin du siècle dernier [18e], après les matérialistes français, qui étaient pour la plupart mécanistes, le besoin se fit jour de réaliser la synthèse encyclopédique de toute la science de la nature de la vieille école Newton-Linné, et deux des hommes les plus géniaux s’y appliquèrent : Saint-Simon (n’a pas terminé) et Hegel. Maintenant que la conception nouvelle de la science de la nature est achevée dans ses traits fondamentaux, le même besoin se fait sentir, et des tentatives sont faites dans ce sens. Mais, comme il faut maintenant montrer l’enchaînement général du développement dans la nature, le groupement externe des matériaux en une série dont les membres sont seulement juxtaposés est aujourd’hui aussi insuffisant que les passages dialectiques artificiellement réalisés par Hegel. Les passages doivent se faire d’eux-mêmes, ils doivent être naturels. De même qu’une forme du mouvement se développe à partir d’une autre, de même leurs reflets, les diverses sciences, doivent découler l’une de l’autre d’une manière nécessaire 31.
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Combien il y a peu de chance pour que Comte soit l’auteur de sa hiérarchie encyclopédique des sciences de la nature, copiée sur Saint-Simon, on le voit au seul fait que pour lui elle n’a pour but que l’aménagement des matériaux et de la marche de l’enseignement et conduit ainsi à la folie de l’enseignement intégral 32, où chaque science doit être épuisée avant que l’on puisse en aborder une autre, où une idée, juste au fond, est exagérée mathématiquement jusqu’à l’absurde 33.
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La division (primitive) de Hegel en mécanisme, chimisme, organisme 34 était complète pour l’époque. Le mécanisme, c’est le mouvement des masses ; le chimisme, le mouvement des molécules (car la physique y est aussi comprise et les deux font bien partie du même ordre) et des atomes ; l’organisme, c’est le mouvement de corps tels que l’un est inséparable de l’autre, Car l’organisme est assurément l’unité supérieure qui englobe en un tout mécanique, physique et chimie, dans laquelle la trinité ne peut plus être dissociée. Dans l’organisme, le mouvement mécanique est causé directement par le changement physique et chimique, et celui-ci a trait à la nourriture, la respiration, la sécrétion, etc. tout aussi bien qu’au mouvement purement musculaire.
Chaque groupe à son tour est double. Mécanique : 1. céleste, 2. terrestre.
Mouvement moléculaire : 1. physique, 2. chimie.
Organisme :1. plante, 2. animal.
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Physiographie 35. Après que s’est opéré le passage de la chimie à la vie, il faut avant tout examiner les conditions dans lesquelles la vie est née et existe — donc en premier la géologie, la météorologie et le reste. Puis les diverses formes de la vie elle-même, qui sans cela restent certes inintelligibles.
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Note 2 à la page 46 37 : les différentes formes du mouvement et les sciences qui en traitent.
Depuis qu’est paru l’article ci-dessus (Vorwaerts, 9 février 1877) 38, Kékulé a défini de façon tout à fait analogue la mécanique, la physique et la chimie (« Les Buts et les résultats scientifiques de la chimie ») 39 :
Si l’on prend pour base cette conception de la nature de la matière, on pourra définir la chimie comme la science des atomes et la physique comme la science des molécules, et on est alors tenté de détacher cette partie de la physique actuelle qui traite des masses pour en faire une discipline particulière et de lui réserver le nom de mécanique. La mécanique apparaît ainsi comme la science de base de la physique et de la chimie, dans la mesure où toutes deux ont, dans certaines considérations et surtout dans des calculs, à traiter leurs molécules ou leurs atomes comme des masses.
Comme on le voit, cette conception ne se distingue de celle donnée dans le texte 40 et dans la note qui précède 41 que par un peu moins de précision. Mais si une revue anglaise (Nature) transpose la phrase ci-dessus de Kékulé pour lui faire dire que la mécanique serait la statique et la dynamique des masses, la physique, la statique et la dynamique des molécules, la chimie, la statique et la dynamique des atomes 42 ; il me semble que cette réduction absolue, même des phénomènes chimiques, à des phénomènes purement mécaniques, rétrécit indûment tout au moins le champ de la chimie. Et, cependant, elle est si à la mode que, par exemple, Haeckel emploie continuellement « mécaniste » et « moniste » comme ayant le même sens et que d’après lui « la physiologie actuelle… ne fait… agir dans son domaine que des forces physico-chimiques, ou mécaniques au sens large ». (Périgénèse 43.
Si j’appelle la physique, mécanique des molécules, la chimie, physique des atomes et, plus loin, la biologie, chimie des albumines, je veux exprimer par là le passage d’une de ces sciences à l’autre, donc aussi bien la connexion, la continuité que la différence, la discontinuité de l’une et de l’autre. Il me semble inadmissible d’aller plus loin, de définir la chimie comme étant pareillement une sorte de mécanique. La mécanique — au sens large ou étroit — ne connaît que des quantités, elle calcule avec des vitesses et des masses, et tout au plus avec des volumes. Là où elle rencontre sur sa route la qualité des corps, comme dans l’hydrostatique et l’aérostatique, elle ne peut s’en tirer qu’en entrant dans les états moléculaires et le mouvement moléculaire, elle n’est elle-même qu’une simple science accessoire, une condition préalable de la physique. Or, en physique, et plus encore en chimie, il ne se produit pas seulement des changements qualitatifs continuels par suite de changements quantitatifs, une conversion de la quantité en qualité, mais il faut considérer encore une foule de changements qualitatifs dont le conditionnement par un changement quantitatif n’est nullement démontré. Que le courant actuel de la science aille dans cette direction, on peut bien l’accorder, mais cela ne prouve pas qu’il soit le seul juste et que la poursuite de ce courant épuisera la physique et la chimie. Tout mouvement inclut du mouvement mécanique, du déplacement dans l’espace de parties plus ou moins grosses de la matière, et la première tâche de la science, mais sa première tâche seulement, est de reconnaître ce mouvement. Mais ce mouvement mécanique n’épuise nullement le mouvement en général. Le mouvement n’est pas seulement changement de lieu : il est aussi, dans les domaines supramécaniques, changement de qualité. Là découverte que la chaleur était un mouvement moléculaire a fait époque. Mais si je sais dire de la chaleur en tout et pour tout qu’elle est un certain changement de lieu des molécules, mieux vaut me taire. La chimie semble très bien partie pour expliquer par le rapport des volumes atomiques aux poids atomiques toute une série des propriétés chimiques et physiques des éléments. Mais aucun chimiste n’affirmera que toutes les propriétés d’un élément sont exprimées d’une façon exhaustive par sa position sur la courbe de Lothar Meyer 44, que cela suffira jamais pour expliquer, par exemple, la qualité particulière du carbone qui en fait le véhicule essentiel de la vie organique, ou la nécessité de la présence de phosphore dans le cerveau. Et pourtant la conception « mécaniste » n’aboutit à rien d’autre. Elle explique tout changement par le changement de lieu, toute différence qualitative par des différences quantitatives et elle ne voit pas que la relation de qualité et de quantité est réciproque, que la qualité se convertit aussi bien en quantité que la quantité en qualité, qu’il y a précisément action réciproque. Si toutes les différences et les changements de qualité peuvent se réduire à des différences et des changements quantitatifs, à un changement de lieu mécanique, nous en arrivons nécessairement au principe que toute matière se compose de particules infimes identiques et que toutes les différences qualitatives des éléments chimiques de la matière ont pour cause des différences quantitatives, des différences de nombre ou de groupement local de ces particules infimes en atomes. Mais nous n’en sommes pas encore là 45.
C’est l’ignorance de nos savants actuels relativement à toute philosophie autre que la philosophie vulgaire la plus ordinaire telle qu’elle sévit aujourd’hui dans les Universités allemandes, qui leur permet de manier de la sorte des expressions comme « mécaniste » sans se rendre compte, sans pressentir seulement, quelles conclusions ils se mettent ainsi nécessairement sur le dos. La théorie de l’identité qualitative absolue de la matière a ses adeptes — empiriquement, on ne peut pas plus la réfuter que la prouver. Mais si on demande aux gens qui veulent tout expliquer « mécaniquement » s’ils ont conscience de cette conclusion et s’ils acceptent l’identité de la matière, que de réponses différentes on entendrait.
Le plus drôle, c’est que cette assimilation de « matérialiste » et de « mécaniste » vient de Hegel, qui veut discréditer le matérialisme en lui adjoignant l’épithète de « mécaniste ». Le matérialisme critiqué par Hegel — le matérialisme français du 18e siècle — était, en effet, exclusivement mécaniste, et cela pour la raison très naturelle qu’en ce temps la physique, la chimie et la biologie étaient encore dans les langes et bien loin de pouvoir offrir la base d’une conception universelle de la nature. De même, Haeckel emprunte la traduction causae efficientes= causes à action mécanique et causae finales= causes à action finale à Hegel, qui pose donc ici mécanique comme équivalent de : agissant aveuglément, inconsciemment, et non comme équivalent de : mécanique au sens de Haeckel. Cependant, toute cette opposition est pour Hegel lui-même un point de vue tellement surmonté qu’il ne le mentionne même pas dans aucun de ses deux exposés de la causalité dans la Logique, mais le mentionne seulement dans l’Histoire de la philosophie là où il se présente historiquement (donc pur malentendu de Haeckel dû à la légèreté !), et d’une façon tout à fait occasionnelle à propos de la téléologie (Logique, III, II, 3) 46, comme forme sous laquelle la métaphysique ancienne a conçu l’opposition de mécanisme et téléologie ; habituellement, il traite cela comme un point de vue depuis longtemps surmonté. Dans sa joie de trouver une confirmation de sa conception « mécaniste », Haeckel a donc mal copié et il arrive ainsi à ce beau résultat que, lorsqu’une modification déterminée est provoquée chez un animal ou chez une plante par sélection naturelle, c’est l’effet d’une causa efficiens, et, lorsque la même modification est obtenue par sélection artificielle, c’est l’effet d’une causa finalis ! L’éleveur causa finalis ! Un dialecticien du calibre de Hegel ne pouvait vraiment pas tourner en rond dans l’étroite opposition de causa efficiens et de causa finalis. Et pour le point de vue actuel, il a été mis fin à tout le verbiage sans issue sur cette opposition par le fait que nous savons par expérience et par théorie que l’on ne peut pas plus créer la matière que son mode d’existence, le mouvement, et qu’ils sont donc leur propre cause finale ; tandis qu’aux causes singulières qui s’isolent momentanément et localement, ou qui sont isolées par notre réflexion, dans l’action réciproque du mouvement de l’univers, on n’ajoute absolument aucune nouvelle détermination, mais seulement un élément de confusion en les nommant causes agissantes. Une cause qui n’agit pas n’en est pas une.
N.-B. — La matière, comme telle, est pure création de la pensée et pure abstraction. Nous faisons abstraction des différences qualitatives des choses en les embrassant en tant qu’existant corporellement sous le concept de matière. La matière comme telle, à la différence des matières déterminées existantes, n’a donc pas d’existence sensible. Quand la science de la nature entreprend de dépister la matière une en tant que telle, de réduire les différences qualitatives à des différences purement quantitatives dans la combinaison de particules infimes identiques, elle fait la même chose que si, au lieu de cerises, de poires, de pommes, elle voulait voir le fruit en tant que tel, ou, au lieu de chats, de chiens, de moutons, etc., le mammifère en tant que tel, de même le gaz en tant que tel, le métal en tant que tel, la pierre en tant que telle, la combinaison chimique en tant que telle, le mouvement en tant que tel. La théorie de Darwin exige ce mammifère primitif, le Promammale (Haeckel), mais elle est forcée en même temps d’admettre que si, en germe, il contenait en soi tous les mammifères futurs et actuels, il était en réalité inférieur à tous les mammifères actuels et d’une malfaçon primitive, donc plus périssable qu’eux tous. Comme Hegel (Encyclopédie, I, 199) 47 l’a déjà démontré, cette conception, dans laquelle la matière est considérée comme déterminable seulement par voie quantitative, mais identique qualitativement à l’origine, est donc « un point de vue étroit de mathématicien » ; elle n’est « que le point de vue du » matérialisme français du 18e siècle. C’est même une régression à Pythagore, qui concevait déjà le nombre, la détermination quantitative, comme l’essence des choses.
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Premièrement, Kékulé 48. Puis : la systématisation de la science de la nature, qui devient maintenant de plus en plus nécessaire, ne peut être trouvée que dans les connexions des phénomènes eux-mêmes. Ainsi, le mouvement mécanique de petites masses sur un corps céleste se termine dans le contact de deux corps, lequel a les deux formes de frottement et de choc différenciées seulement de façon graduelle. Nous étudions donc d’abord l’effet mécanique du frottement et du choc. Mais nous trouvons qu’il n’est pas épuisé ainsi : le frottement produit de la chaleur, de la lumière et de l’électricité ; le choc, de la chaleur et de la lumière, sinon aussi de l’électricité ; donc, transformation de mouvement des masses en mouvement moléculaire. Nous entrons dans le domaine du mouvement moléculaire, la physique, et nous continuons nos recherches. Mais nous trouvons ici aussi que le mouvement moléculaire ne constitue pas la conclusion de l’étude. L’électricité se transforme en changements chimiques et elle en provient. Chaleur et lumière, dito. Le mouvement des molécules se convertit en mouvement des atomes, en chimie. L’étude des processus chimiques trouve devant elle le monde organique comme domaine de recherche, donc un monde dans lequel les processus chimiques se déroulent selon les mêmes lois, mais dans d’autres conditions que dans le monde non organique, que la chimie suffit à expliquer. Par contre, toutes les études chimiques du monde organique ramènent en dernière analyse à un corps qui, résultat de processus chimiques ordinaires, se distingue de tous les autres par le fait qu’il est un processus chimique permanent s’accomplissant de lui-même : l’albumine. Si la chimie parvient à préparer cette albumine dans la détermination dans laquelle elle est manifestement née, ce qu’on appelle le protoplasme, détermination, ou plutôt indétermination, dans laquelle elle contient en soi, en puissance, toutes les autres formes de l’albumine (ce qui n’oblige pas à admettre qu’il n’y ait qu’une sorte de protoplasme), dès lors le passage dialectique est mis en évidence dans la réalité, donc complètement. Jusque-là, la chose reste dans la pensée, autrement dit dans l’hypothèse. Du fait que la chimie produit l’albumine, le processus chimique se dépasse lui-même comme plus haut le processus mécanique, c’est-à-dire qu’il accède à un domaine plus compréhensif, celui de l’organisme, la physiologie est, assurément, la physique et plus particulièrement la chimie du corps vivant, mais, par là, elle cesse aussi d’être spécialement chimie : d’un côté, elle limite son horizon, mais elle s’élève aussi par là à une puissance supérieure.
1Effectivement, dans le soleil (à l’exception de quelques combinaisons dans les couches extérieures), toute la matière est dissociée en atomes et les atomes peuvent perdre quelques électrons. On peut encore les distinguer par leur spectre, c’est-à-dire par le genre de lumière qu’ils émettent. Dans une nébuleuse, cette distinction elle-même n’est plus possible, sauf pour la fraction infinitésimale des atomes qui, à un moment donné, ont assez d’énergie pour émettre des radiations. (N.R.).
2Tiré des notes de la première basse, 1874. (O.G.I.Z., Obs.)
3Tiré des notes de la première liasse, 1874. (O.G.I.Z., Obs.)
4Tiré des notes de la quatrième liasse. (O.G.I.Z. Obs.)
5Tiré des notes de la quatrième liasse. (O.G.I.Z. Obs.)
6Cf. Hegel : « L’attraction est tout autant une propriété essentielle de la matière que la répulsion. » (N.R.)
7Cf. aussi la note « Cohésion », p. 292. (O.G.I.Z. Obs.)
De telles conversions de contraires ont été mises en évidence par la physique moderne. Ainsi, entre deux atomes d’hydrogène existe une attraction mutuelle qui les agrège pour former une molécule. Mais, si les deux atomes se rapprochent en deçà d’une certaine distance critique, cette attraction se convertit en répulsion mutuelle. Dans le domaine de la physico-chimie nucléaire, deux noyaux atomiques se repoussent tant que leur distance est supérieure à une certaine valeur critique, en deçà de laquelle la répulsion se convertit en attraction. (N.R.)
8Tiré des notes de la première liasse, 1874. (O.G.I.Z. Obs.)
9Tiré des notes de la première liasse, 1874. (O.G.I.Z. Obs.)
10En réalité, un petit nombre d’éléments, par exemple le néon et le mercure, existe à l’état d’atomes isolés à température ordinaire, et tous les éléments sont dans ce même état aux très hautes températures. (N.R.)
11Le problème est complexe. Pour les gaz et les vapeurs, la molécule physique et la molécule chimique sont identiques. Pour les liquides, il n’en va déjà pas de même : souvent, plusieurs molécules chimiques se groupent, plus ou moins solidement liées ensemble. Les solides sont formés de cristaux, constitués par des groupes d’atomes disposés selon une régularité géométrique dans l’espace. Ces groupes d’atomes peuvent être identiques à la molécule chimique ou différents — notamment être des ions. L’étude de la structure de la matière à l’aide des rayons X a, depuis l’époque où Engels écrivait, beaucoup aidé à approfondir le problème posé par lui. (N.R.)
12Engels pense probablement au raisonnement de Hegel dans le livre I de la Grande Logique (trad. Jankélévitch, tome I, pp. 202-213). (N.R.)
13Cette phrase entre parenthèses a été ajoutée en complément par Engels après qu’il eut rédigé la 50e feuille des notes (la présente note se trouve sur la 40e feuille). Le chiffre 3 après le no de la feuille désigne la page (la feuille en compte 4). Cette note sur Clausius (à propos de la théorie cinétique des gaz et de l’hypothèse de l’éther) est donnée ci-dessous p. 293. (O.G.I.Z. Obs.)
14Les ondes électromagnétiques sont, en première approximation, continues, c’est-à-dire « divisibles et mesurables jusqu’à l’infiniment petit ». Mais une étude plus approfondie a révélé, à partir de 1900, qu’elles ont une structure fine discontinue. Elles règlent le mouvement de corpuscules extrêmement légers, les photons. (N.R.)
15Tiré des notes de la première liasse, 1874. (O.G.I.Z. Obs.)
16Engels cite la Philosophie de la nature de Hegel, d’après l’édition allemande de 1842. (N.R.)
17Tiré des notes de la première liasse, 1874. (O.G.I.Z., Obs.)
18Tiré des notes de la première liasse, 1874. (O.G.I.Z., Obs.)
19Tiré des notes de la première liasse, 1874. (O.G.I.Z., Obs.)
20Engels pense au livre connu de GROVE : la Corrélation des forces physiques (cf. p. 234, note 2). Il se sert sans doute de la troisième édition de ce livre. Aux pages 20-29, Grove parle de « l’indestructibilité de la force » lors de la transformation du mouvement mécanique en « état de tension » et en chaleur. (O.G.I.Z., Obs.)
21Tiré des notes de la première liasse, 1874. (O.G.I.Z., Obs.)
22Au-dessus de cette ligne, au sommet de la page, cette remarque au crayon « Équilibre = prédominance de l’attraction sur la répulsion. » (O.G.I.Z.)
23À cet entweder (soit) ne correspond aucun oder (soit). On peut supposer qu’a la fin de cette phrase Engels voulait mentionner aussi, et par opposition, la conversion de répulsion en attraction, mais qu’il n’a pas réalisé cette intention. La fin probable de cette phrase est donnée entre crochets. (O.G.I.Z., Obs.)
24La plus grande partie de cette énergie seulement. (N.R.)
25Tiré des notes de la quatrième liasse. Engels a développé les idées exprimées dans cette note dans le chapitre « Les formes fondamentales du mouvement » (cf. pp. 75-90). Elle a été rédigée vers 1880. (O.G.I.Z., Obs.)
26Tiré des notes de la première liasse, 1874. (O.G.I.Z., Obs.)
27Engels cite sans doute d’après la troisième édition du livre de Grove. Par « états de la matière » (affections) Grove entend « la chaleur, la lumière, l’électricité, le magnétisme, l’affinité et le mouvement chimiques » (p. 13) et par « mouvement » (motion) le mouvement mécanique et le changement de lieu. (O.G.I.Z., Obs.)
28Cette esquisse a été écrite sur la première feuille de la première liasse de Dialectique de la nature. Par son contenu elle coïncide avec la lettre d’Engels à Marx du 30 mai 1873. Celle-ci commence par ces mots : « Voilà les idées dialectiques qui me sont venues ce matin au lit à propos des sciences de la nature. » (MEGA, Ill 4, p. 396). La disposition des idées elle-même est plus au point dans la lettre que dans l’esquisse en question. D’où l’on peut déduire que l’esquisse a été écrite le jour même, mais avant la lettre (30 mai 1873). À part le fragment sur Büchner (p. 203) écrit peu avant cette esquisse, tous les autres chapitres et fragments de Dialectique de la nature ont été rédigés postérieurement à celui-ci. (O.G.I.Z., Obs.)
29La partie entre [ ] est tirée de la lettre du 30 mai 1873. (N.R.)
30Aux formes fondamentales de mouvement connues au temps d’Engels, il faut ajouter le mouvement nucléaire, notamment l’attraction et la répulsion entre nucléons (protons et neutrons), dont l’opposition détermine la stabilité ou la transmutation du noyau atomique. (N.R.)
31Tiré des notes de la première liasse. (O.G.I.Z., Obs.)
32En français dans le texte. (N.R.)
33Tiré des notes de la quatrième liasse. (O.G.I.Z., Obs.)
34Engels pense an livre III de la Grande Logique paru en 1816. Dans la Philosophie de la nature, Hegel désigne ces trois sections principales de la science de la nature par les termes : mécanique, physique et organique. Cette note est tirée de la quatrième liasse. (O.G.I.Z., Obs.)
35Tiré des notes de la quatrième liasse. Le mot « physiographie » signifie « description de la nature ». (O.G.I.Z., Obs.)
36Ce fragment fait partie des trois importantes « Notes » qu’Engels a incluses dans la deuxième liasse des matériaux de Dialectique de la nature (les notes d’étendue moindre ont été réparties dans la première et la quatrième liasses). Dans les précédentes éditions de Dialectique de la nature, ces trois notes figuraient toutes sous le titre : « Notes à propos de l’Anti-Dühring ». Ce titre ne se trouve pas chez Engels. Les deux premières seules se rapportent à l’Anti-Dühring, mais elles ne sont pas des notes au sens ordinaire. Elles sont le développement détaillé de quelques idées tout à fait importantes abordées en passant dans divers passages de l’ouvrage. L’époque de leur rédaction est vraisemblablement le début de 1885, période où Engels préparait la deuxième édition augmentée de l’Anti-Diihring. D’après ses lettres à Bernstein, Kautsky et Schlüter, il semble qu’il envisageait d’écrire une série de compléments (Zusätze) à divers passages du livre, qu’il voulait placer à la fin de la deuxième édition. Mais, pris par d’autres travaux (surtout la préparation de l’édition des livres II et III du Capital), Engels ne put réaliser son projet. Il réussit seulement à esquisser au brouillon deux « Notes » sur les pages 7-18 et sur la page 46 du texte de la première édition. Le titre « Sur la conception « mécaniste » de la nature à a été donné par Engels dans le sommaire de la deuxième liasse de Dialectique de la nature. Le sous-titre « Note 2 à la page 46 : les différentes formes du mouvement et les sciences qui en traitent » figure au début de la note elle-même. (O.G.I.Z., Obs.)
37Cette page se réfère à la première édition de l’Anti-Dühring. Cf. dans notre édition (Éditions sociales, 1950) p. 99. (N.R.)
38C’est le numéro du Vorwaerts dans lequel a paru pour la première fois le chapitre auquel se réfère cette note. (N.R.)
39Discours à l’université de Bonn le 18 octobre 1877. Paru en 1878. (N.R.)
40Cf. Anti-Dühring (Éditions sociales, 1950), p. 99. (N.R.)
41Il s’agit de la note : « Sur les prototypes de l’infini mathématique dans le monde réel » donnée p. 272 (N.R.)
42Le numéro de Nature du 15 novembre 1877 avait donné un compte rendu du discours de Kékulé. (O.G.I.Z., Obs.)
43Haeckel : Die Perigenesis der Plastidule oder die Wollenzeugung der Lebensteilchen. Berlin, 1876, p. 13. Souligné par Engels. (N.R.)
44L’article de L. Meyer : « Die Natur der chemischen Elemente als Funktion ihrer Atomgewichte » (La nature des corps chimiques fonction de leurs poids atomiques) parut en 1870. L’article de Mendeléiev : « La corrélation des propriétés des corps avec leurs poids atomiques » avait été publié en 1869. Dans ses conclusions, Mendeléiev allait bien plus loin que L. Meyer. La courbe de Lothar Meyer représente la corrélation entre les poids atomiques et les volumes atomiques des éléments chimiques. (O.G.I.Z., Obs.)
45Nous n’en sommes pas encore là non plus aujourd’hui. Les premiers modèles de structure atomique (Rutherford, Bohr, 1913) n’utilisaient que les corpuscules alors identifiés : l’électron et le proton. On semblait côtoyer l’idéal de Prout qui, dès 1815, envisageait tous les atomes comme des agglomérats d’atomes d’hydrogène. Jusqu’en 1930, des mécanistes impénitents cherchèrent à réduire à un élément unique la dualité proton-électron (cf. le pantogène de Hinrich et Schutzenberger). Or, depuis la découverte du neutron et de l’électron positif (1931-1932), des mésons (1938), la physique atomique ne cesse de révéler au contraire la riche diversité qualitative des micro-objets du monde atomique. (N.R.)
46Grande Logique, édit. Jankélévitch, tome II, livre III : Théorie du concept. Section II L’objectivité, ch. III : Téléologie (pp. 435-443). (N.R.)
47Hegel, Encycl. : « D’ailleurs, à y regarder de plus près, ce point de vue exclusivement mathématique qui identifie la quantité, stade déterminé de l’idée logique, avec l’idée logique elle-même n’est rien d’autre que le point de vue du matérialisme, tel qu’il trouve sa confirmation en tant que tel dans l’histoire de la conscience scientifique et surtout en France, depuis le milieu du siècle dernier. » (N.R.)
48Engels pense à l’affirmation de Kékulé : la chimie est la science des atomes, la physique la science des molécules. (Cf. ci-dessus p. 256.) Ce fragment, écrit sur une feuille séparée sans pagination est tiré des notes de la première liasse. La date de rédaction n’est pas connue, mais se place en tout cas après 1877. Il est possible que ce fragment soit la première ébauche de la note donnée précédemment. (O.G.I.Z., Obs.).