Dominique Meeùs
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La situation de la classe laborieuse en Angleterre, Les différentes branches d’industrie
Le résultat inévitable, c’est ce bouleversement de l’ordre social existant, qui, précisément parce qu’il est imposé, a pour les ouvriers les conséquences les plus funestes. Le travail des femmes surtout désagrège complètement la famille; car quand la femme passe quotidiennement 12 ou 13 heures à l’usine et que l’homme y travaille lui aussi là ou ailleurs, que deviennent les enfants ? Ils poussent, livrés à eux-mêmes comme de la mauvaise herbe, on les donne à garder au-dehors pour 1 ou 1 ½ shillings par semaine, et on imagine comment ils sont traités. C’est pourquoi se multiplient d’une façon effrayante, dans les districts industriels, les accidents dont les jeunes enfants sont victimes par manque de surveillance.
[…] Les femmes reviennent souvent à l’usine 3 ou 4 jours après l’accouchement, en laissant bien entendu leur nourrisson à la maison; durant les heures de pause elles courent en hâte chez elles pour allaiter l’enfant et manger elles-même un peu; mais dans quelles conditions a lieu cet allaitement, on peut facilement l’imaginer!
[…]
Dans bien des cas, la famille n’est pas tout à fait désagrégée par le travail de la femme mais tout y est mis sens dessus dessous. C’est la femme qui nourrit sa famille et l’homme qui reste à la maison, garde les enfants, balaye les pièces et fait la cuisine. Ce cas est très, très fréquent; à Manchester seulement, on pourrait dénombrer plusieurs centaines de ces hommes, condamnés aux travaux domestiques. On peut aisément imaginer quelle légitime indignation cette castration de fait suscite chez les ouvriers, et quel bouleversement de toute la vie de famille il en résulte, alors que les autres conditions sociales restent les mêmes.
[…]
Peut-on imaginer une situation plus absurde, plus insensée, que celle que décrit cette lettre ? Et cependant, cette situation qui ôte à l’homme son caractère viril et à la femme sa féminité sans être en mesure de donner à l’homme une réelle féminité et à la femme une réelle virilité, cette situation qui dégrade de la façon la plus scandaleuse les deux sexes et ce qu’il y a d’humain en eux, c’est la conséquence dernière de notre civilisation tant vantée, l’ultime résultat de tous les efforts accomplis par des centaines de générations pour améliorer leur vie et celle de leurs descendants ! Il nous faut ou bien désespérer tout à fait de l’humanité, de sa volonté et de sa marche en avant, en voyant les résultats de notre peine et de notre travail tournés ainsi en dérision; ou alors il nous faut admettre que la société humaine a fait fausse route jusqu’ici dans sa quête du bonheur; il nous faut reconnaître qu’un bouleversement si complet de la situation sociale des deux sexes ne peut que provenir du fait que leurs rapports ont été faussés dès le début. Si la domination de la femme sur l’homme, que le système industriel a fatalement engendrée, est inhumaine, la domination de l’homme sur la femme telle qu’elle existait auparavant est nécessairement inhumaine aussi. Si la femme peut maintenant comme jadis l’homme, fonder sa domination sur le fait qu’elle apporte le plus, et même tout, au fonds commun de la famille, il s’ensuit nécessairement que cette communauté familiale n’est ni véritable, ni rationnelle puisqu’un membre de la famille peut encore tirer vanité d’apporter la plus grande part à ce fonds. Si la famille de la société actuelle se désagrège, cette désagrégation montre précisément qu’au fond, ce n’est pas l’amour familial qui était le lien de la famille, mais l’intérêt privé nécessairement conservé dans cette fausse communauté de biens.
Hence follows of necessity that inversion of the existing social order which, being forced upon them, has the most ruinous consequences for the workers. The employment of women at once breaks up the family; for when the wife spends twelve or thirteen hours every day in the mill, and the husband works the same length of time there or elsewhere, what becomes of the children? They grow up like wild weeds; they are put out to nurse for a shilling or eighteenpence a week, and how they are treated may be imagined. Hence the accidents to which little children fall victims multiply in the factory districts to a terrible extent.
[…] Women often return to the mill three or four days after confinement, leaving the baby, of course; in the dinner-hour they must hurry home to feed the child and eat something, and what sort of suckling that can be is also evident.
[…]
In many cases the family is not wholly dissolved by the employment of the wife, but turned upside down. The wife supports the family, the husband sits at home, tends the children, sweeps the room and cooks. This case happens very frequently; in Manchester alone, many hundred such men could be cited, condemned to domestic occupations. It is easy to imagine the wrath aroused among the working-men by this reversal of all relations within the family, while the other social conditions remain unchanged.
[…]
Can any one imagine a more insane state of things than that described in this letter? And yet this condition, which unsexes the man and takes from the woman all womanliness without being able to bestow upon the man true womanliness, or the woman true manliness — this condition which degrades, in the most shameful way, both sexes, and, through them, Humanity, is the last result of our much-praised civilisation, the final achievement of all the efforts and struggles of hundreds of generations to improve their own situation and that of their posterity. We must either despair of mankind, and its aims and efforts, when we see all our labour and toil result in such a mockery, or we must admit that human society has hitherto sought salvation in a false direction; we must admit that so total a reversal of the position of the sexes can have come to pass only because the sexes have been placed in a false position from the beginning. If the reign of the wife over the husband, as inevitably brought about by the factory system, is inhuman, the pristine rule of the husband over the wife must have been inhuman too. If the wife can now base her supremacy upon the fact that she supplies the greater part, nay, the whole of the common possession, the necessary inference is that this community of possession is no true and rational one, since one member of the family boasts offensively of contributing the greater share. If the family of our present society is being thus dissolved, this dissolution merely shows that, at bottom, the binding tie of this family was not family affection, but private interest lurking under the cloak of a pretended community of possessions.
Le dernier alinéa est particulièrement intéressant parce qu’Engels, qui semble d’abord déplorer la perte de statut de l’homme (mâle), dit en fait que tout ceci révèle combien la position de l’homme et de la femme n’a jamais été naturelle.