3. Achat et vente de la force de travail

En allemand, Marx avait en 1872 fortement resserré les boulons sur la nuance entre concept de valeur et formes phénoménales que sont les valeurs d’échange. Il a donc en 1872 corrigé en Werth deux occurrences indues de Tauschwerth de 1867.

On ne sait jamais dans la traduction de Roy ce qui est choix de Marx ou négligence du traducteur. Le texte est simplifié, plus court. On ne peut exclure que Marx ait voulu alléger, mais ce pourrait bien plutôt être des omissions de Roy. Roy dédouble Anlage en y ajoutant la « puissance ». (Curieusement, l’équipe d’Engels en 1887 semble s’aligner sur Roy.) Le référent de Diese gegeben est l’Existenz de la phrase précédente et non l’Individuum de la phrase encore avant. C’est donc une faute d’expliciter en « individu » le pronom relatif. (Curieusement, l’équipe d’Engels en 1887 reprend l’erreur de Roy, tandis que Ben Fowkes a bien compris, ainsi que l’équipe de Jean-Pierre Lefebvre.) La force de travail a une valeur d’usage, mais ce dont on parle ici, c’est de sa valeur. Il s’agit donc du concept de force de travail, pas de force au sens du langage ordinaire, donc absolument pas de « force vitale ». Dans les sogenannten nothwendiger Lebensmittel, sogenannten qualifie nothwendiger, pas Lebensmittel. Ce sont les moyens d’existence dits nécessaires, considérés comme nécessaires, pas de « soi-disant besoins naturels ». Plus loin, je ne comprends pas ce qu’on veut dire de besoins que la classe ouvrière « apporte dans la vie ». Les propriétaires de la force de travail la vendent, ce qui constitue un échange. Il est amusant de les voir appeler « échangistes ».

J’admets qu’on puisse comprendre Einnahme dans divers sens, mais « un rendement accru », les bras m’en tombent. On a l’impression que l’équipe de Jean-Pierre Lefebvre n’a même pas essayé de traduire. Dans un contexte de force de travail usée, on a trouvé qu’on pouvait bien inventer une histoire de rendement faute de traduction. Personnellement, après ersetzt werden muss, je comprends Einnahme comme prise, dans le sens d’ingestion, de consommation. On peut utiliser Einnahme (comme inname en néerlandais ou intake en anglais ?) pour la prise d’un médicament. Ici il faut prendre de la nourriture et d’autant plus de nourriture qu’on a dépensé plus « de muscles, de nerfs, de cerveau humains, etc. » Les deux traductions anglaises font des interprétations différentes d’Einnahme, mais du moins plus défendables que l’indéfendable « rendement ».