Dominique Meeùs
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IV
Les méthodes artisanales des économistes et l’organisation des révolutionnaires

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Pour la lutte économique, il n’y a pas besoin d’une organisation centralisée à l’échelle du pays (p. 451, ½). Ainsi l’économisme restreint non seulement notre action politique mais aussi notre organisation politique (p. 451, ¼, ¾). Dans la vague de révolte actuelle (p. 451, fin), la priorité, c’est la lutte contre les tendances qui maintiennent notre retard (p. 452, haut).

a) Qu’est-ce que le travail artisanal ?

De nombreux jeunes sont attirés par le marxisme et surtout par l’action (p. 4525, ⅓) mais ils ont très mal armés organisationnellement pour cela (p. 352, ½). Un cercle social-démocrate de ce genre a immédiatement un grand succès auprès des ouvriers (p. 452, ¾). Il développe des actions plus ouvertes (tracts, manifestations, p. 453, ¼). La police les avait déjà à l’œil du temps de l’université et a attendu ces actions pour les attaquer (p. 453, ½) et le cercle est fini (p. 453, ¼). Le gouvernement s’est adapté et a décimé les cercles (p. 454, haut). Les ouvriers ont perdu tous leurs dirigeants (p. 454, ¼) et ont fini par s’écarter d’intellectuels aussi dangereux (p. 454, ½).

b) Travail artisanal et économisme

L’économisme conduit à la sous-estimation de l’importance de l’organisation et freine le mouvement. Contre la dictature, il faut des révolutionnaires professionnels.

Au départ, ce manque de préparation est commun à tous, même aux révolutionnaires (p. 455, bas). Mais ce n’est pas que manque de préparation, c’est lié aussi à l’étroitesse du travail et à sa justification par les économistes (p.456, ¼). Dans ces tentatives de justification, deux conceptions divergentes et également fausses : (i) la classe ouvrière n’est pas encore au niveau des tâches politiques que les social-démocrates veulent lui imposer, elle doit d’abord lutter pour des revendications économiques et politiques immédiates (p. 456, ½) ; (ii) contre ce « graduellisme », (p. 456, ¾) on peut passer à la révolution politique sans organisation : par la grève générale ou le terrorisme. Dans un cas comme dans l’autre (p. 456, fin), c’est ne rien vouloir faire contre le travail artisanal. Nous devons créer une organisation de révolutionnaires (p. 457, haut).

Les dirigeants sont en retard sur l’élan spontané des masses (p. 457, ¼) et les économistes freinent le mouvement (p. 457, ½). Tant que les artisans cultivent leurs méthodes artisanales, ils ont raison de dire que les tâches politiques ne sont pas à leur portée (p. 458, ¼). Par contre, elles sont à la portée d’un cercle révolutionnaire (p. 458, ½).

Les ouvriers luttent courageusement contre la répression policière (p. 461, ½), mais pour lutter contre la police politique, il faut des révolutionnaires professionnels (p. 461, ⅔). (La masse ouvrière doit comprendre l’importance de susciter de tels professionnels, p. 461, ¾.) Une grève n’est pas secrète (p. 462, ½) mais pour empêcher la police politique de la couper de ses chefs et des actions de solidarité, il faut une action et une organisation secrète (p. 462, ⅔). Une participation de masse rend cette organisation plus nécessaire, non pas moins (p. 462, ¾) et fournira de plus en plus de professionnels (p. 462, fin).

c) L’organisation des ouvriers et l’organisation des révolutionnaires

Il faut distinguer l’organisation politique révolutionnaire et l’organisation de la masse ouvrière. (Même pour les luttes trade-unionistes, il faut une organisation rigoureuse.) L’organisation révolutionnaire est le point de départ, le préalable, la condition 1 du reste.

Si l’on confond lutte économique et lutte politique, on confond l’organisation des ouvriers et l’organisation des révolutionnaires (p. 463, haut). La lutte politique pour la révolution est beaucoup plus que la lutte économique des ouvriers (p. 463, ⅔). L’organisation doit également être différente (p. 463, ¾).

L’organisation des ouvriers est (i) à base professionnelle, (ii) la plus large possible, (iii) la plus ouverte possible (dans les conditions de la Russie autocratique) (p. 463, ¾). L’organisation politique doit (i) regrouper des révolutionnaires professionnels (p. 463, fin) et par rapport à cette qualité, « doit absolument s’effacer toute différence entre ouvriers et intellectuels 2 » (p. 464, haut, p. 473, fin, p. 475, fin), (ii) être relativement peu nombreuse et (iii) être la plus clandestine possible.

Dans les pays démocratiques (p. 464, ¼), il y a une différence claire entre syndicat et partis. En Russie (p. 464, ½), même l’action ouvrière est interdite. De ce fait, les ouvriers s’opposent à la répression et des social-démocrates ont tendance à confondre cette lutte ouvrière politisée et la lutte social-démocrate. Certains n’auront même jamais le temps de se poser la question de l’organisation révolutionnaire, d’autres (p. 464, fin) seront influencés par l’économisme et la confusion entre trade-unionisme et social-démocratisme (p. 465, ⅓).

Les organisations ouvrières doivent être largement ouvertes à tous les ouvriers qui sont d’accord de lutter, pas restreintes aux seuls social-démocrates (p. 465, ½). Comment concilier le caractère de masse et la clandestinité (p. 465, fin) ? Ou bien (p. 466, haut), on obtient la légalisation des organisations de masse, ou bien on maintient une organisation la plus secrète possible au sommet et la plus ouverte possible à la base.

La légalisation a déjà commencé, surtout par les tenants du maintien de l’ordre établi (p 466, ⅓). Nous devons dénoncer les intentions véritables de ceux-ci (p. 466, ½, fin, p. 467, haut) mais la légalisation profite en fin de compte au mouvement ouvrier (p. 466, fin, p. 467). Cependant, cela ne résout pas le problème (p. 468, haut) et nous devons continuer à aider les ouvriers qui prennent la voie de l’organisation secrète. Ces organisations sont utiles pour la lutte économique mais aussi politique (p. 468, ⅓). Les statuts des économistes (p. 468, ½) font exactement le contraire : ils confondent l’organisation ouvrière de masse et celles des révolutionnaires. La social-démocratie y est réduite à un organe de l’organisation de masse (p. 469, haut). Une telle organisation passe à côté des tâches politiques de la social-démocratie (p. 469, ⅓) et est même insuffisante pour la lutte trade-unioniste (p. 469, ½) parce qu’il y manque l’échelon professionnel. C’est de plus une organisation bureaucratique (p. 469, ¾) exposée à la police (p. 469, bas). Elle peut être avantageusement remplacée par des correspondances à la presse illégale, des enquêtes, de l’agitation (p. 470, ¼) et des collectes (p. 470, ½) avec ou sans timbres.

Bref (p. 470, ¾), il suffit d’un petit noyau clandestin d’ouvriers liés à l’organisation clandestine des révolutionnaires pour s’acquitter sans règlement de toutes les fonctions d’une organisation professionnelle. Le point de départ est donc l’organisation des révolutionnaires (p. 471, ⅓) aussi bien pour les buts social-démocrates que pour les buts trade-unionistes. Commencer par une large organisation de masse ne fera qu’exposer les révolutionnaires (p. 471, ½).

La Svoboda (p. 471, bas), parce que les comités étudiants sont fragiles, oppose la foule à ses chefs, dont il faudrait pouvoir se passer (p. 472, ¼). C’est l’argument de la bourgeoisie (p. 472, fin, p. 473, haut) contre le parti allemand : des dirigeants inamovibles (Bebel, Liebknecht). Mais les Allemands sont assez mûrs pour savoir que le mouvement a besoin de chefs expérimentés (p. 473, ½). Si les comités d’étudiants sont instables, ce qui est juste, il faut les remplacer par un comité de révolutionnaires professionnels, ouvriers ou étudiants (p. 473, fin, p. 475, fin). Il n’y a pas trop, mais trop peu d’apport extérieur au mouvement (p. 474, ¼). L’autre erreur de la Svoboda est que la foule non éduquée à la clandestinité est plus exposée qu’un petit noyau (p. 475, ¾).

« Or j’affirme : » (p. 475, fin, première moitié de 476)

1° pas « de mouvement révolutionnaire solide sans une organisation de dirigeants stable » ;

2° plus grand est le mouvement de masse, plus ce noyau est indispensable, et plus il doit être solide pour combattre la démagogie ;

3° cette organisation doit être composée principalement de révolutionnaires professionnels ;

4° dans un pays autocratique, plus le recrutement sera restrictif, mieux l’organisation échappera à la police ;

5° et plus nombreux seront les ouvriers qui pourront participer activement au mouvement.

La concentration de toutes les fonctions clandestines ne veut pas dire penser à la place des autres (p. 477, haut). La centralisation des fonctions clandestines ne veut pas dire la centralisation de tout (p. 477, ⅓). Les publications illégales permettent au plus grand nombre d’y écrire et de les diffuser (p. 477, ½). Une manifestation bien préparée par des révolutionnaires professionnels permet une plus grande participation (p. 477, ¾). Une organisation de révolutionnaires (p. 477, fin) facilite le fonctionnement de toutes sortes d’organisations de masse (p. 478, haut). Celle-ci doivent être nombreuses « mais il est absurde et nuisible de les confondre avec l’organisation des révolutionnaires » (p. 478, ¼) lesquels doivent faire leur éducation (p. 478, ½).

« Par nos méthodes artisanales, nous avons compromis le prestige des révolutionnaires en Russie » (p. 478, ½). Nous avons tous commencé par là, mais il faut nous élever « au niveau des révolutionnaires » (p. 479, ¼).

d) Envergure du travail d’organisation

Il faut des dirigeants (intellectuels comme ouvriers) pour organiser la grande masse d’ouvriers et autres prêts à nous aider dans des tâches fragmentaires.

« La société fournit un très grand nombre d’hommes aptes « au travail » [révolutionnaire], mais nous ne savons pas les utiliser tous » (p. 479, bas). Il y a de plus en plus de mécontents (p. 480, haut) ; ce qui manque ce sont des dirigeants pour les organiser, les utiliser (p. 480, ¼). Nous sommes en retard non seulement sur le mouvement ouvrier mais sur tout le mouvement démocratique (p. 480, ½). Plus nous diviserons les tâches, plus nous pourrons utiliser des gens (p. 480, fin) qui ne pourraient pas faire des révolutionnaires professionnels (p. 481, haut) et qui seront difficiles à repérer pour la police. On ne doit pas nécessairement les entraîner dans les actions illégales, au contraire (p. 481, bas). Mais pour que ces collaborateurs aient confiance dans le mouvement, il doit être dirigé par des professionnels (p. 481, ½). Cela garantit aussi que le mouvement n’est pas dévoyé par les nouveaux adhérents (p. 482, haut).

Nous devons « former des révolutionnaires ouvriers qui, sous le rapport de leur activité dans le Parti, soient au même niveau que les révolutionnaires intellectuels » (p. 482, ¾, p. 484, haut), c’est-à-dire élever le niveau des ouvriers et non abaisser celui des révolutionnaires au niveau de la masse (p. 482, fin). C’est en fin de compte du mépris pour les ouvriers (p. 483). Des ouvriers capables doivent devenir permanents à charge du Parti (p. 485, haut). Les révolutionnaires ouvriers « jouiront de la confiance illimitée des masses ouvrières » (p. 485, ½).

Ainsi, « l’étroitesse du travail d’organisation est en connexion indéniable, intime […] avec le rétrécissement de notre théorie et de nos tâches politiques » (p. 485, ¾).

e) L’organisation « conspirative » et le « démocratisme »

La faute des narodovoltsy n’est pas d’avoir eu une organisation de combat centralisée, mais de s’appuyer sur une théorie qui n’était pas révolutionnaire (p. 486-487). Nous ne sommes pas des comploteurs, mais cela ne dispense pas d’une forte organisation révolutionnaire (p. 487, ½). En se préparant bien, on diminue le risque d’aventure et d’échec (p. 488, ½). Sans une telle organisation, on a d’un côté l’économisme et de l’autre le terrorisme. La démocratie dans le parti (comme dans le parti allemand) serait certes désirable, mais est historiquement impossible en Russie (p. 489-490). Ce qu’il faut, ce sont des dirigeants qui méritent la confiance qu’on leur fait (p. 492, ½). Par ailleurs on a tout autant besoin de professionnalisme que de démocratie (p. 493, ½).

f) Travail à l’échelle locale et nationale

Les groupes locaux n’ont pas les moyens matériels et intellectuels de faire un journal du niveau d’un journal national. Même pour la lutte économique (p. 502, bas), où les groupes locaux ont l’avantage d’être sur le terrain, il faut une lutte professionnelle, par secteur et non par entreprise. En outre, on peut mieux juger à l’échelle nationale de l’équilibre entre lutte politique et lutte économique (p. 504-505).

Table of contents

Notes
1.
Le groupe Pestieau-Charlier pensait et faisait le contraire.
2.
Le groupe Pestieau-Charlier faisait du « racisme » anti-intellectuel, de l’auto-flagellation au lieu de la transformation de la conception du monde.
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