Dominique Meeùs
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Notes de lecture : table des matières, index — Retour au dossier marxisme

La maladie infantile du communisme
(le « gauchisme »)

Rédigé en avril-mai 1920. Publié en volume en juin 1920. Œuvres, tome 31, p. 11‑116.

15 I. Dans quel sens peut-on parler de la portée internationale de la révolution russe ?

La révolution russe préfigure concrètement ce qui devrait se passer dans d’autres pays.

Mots-clefs : ❦ dictature du prolétariat

17 II. Une des conditions essentielles du succès des bolchéviks

La dictature du prolétariat, c’est la guerre la plus héroïque et la plus implacable de la nouvelle classe contre un ennemi plus puissant, contre la bourgeoisie dont la résistance est décuplée du fait de son renversement (ne fût-ce que dans un seul pays) et dont la puissance ne réside pas seulement dans la force du capital international, dans la force et la solidité des liaisons internationales de la bourgeoisie, mais encore dans la force de l’habitude, dans la force de la petite production. Car, malheureusement, il reste encore au monde une très, très grande quantité de petite production ; or, la petite production engendre le capitalisme et la bourgeoisie constamment, chaque jour, à chaque heure, d’une manière spontanée et dans de vastes proportions. Pour toutes ces raisons, la dictature du prolétariat est indispensable, et il est impossible de vaincre la bourgeoisie sans une guerre prolongée, opiniâtre, acharnée, sans une guerre à mort qui exige la maîtrise de soi, la discipline, la fermeté, une volonté une et inflexible. (P. 17‑18.)

…une centralisation absolue et la plus rigoureuse discipline du prolétariat… (P. 18.)

Et tout d’abord la question se pose : qu’est-ce qui cimente la discipline du parti révolutionnaire du prolétariat ? qu’est-ce qui la contrôle ? qu’est-ce qui l’étaye ?

  1. C’est, d’abord, la conscience de l’avant-garde prolétarienne et son dévouement à la révolution, sa fermeté, son esprit de sacrifice, son héroïsme.
  2. C’est, ensuite, son aptitude à se lier, à se rapprocher et, si vous voulez, à se fondre jusqu’à un certain point avec la masse la plus large des travailleurs, au premier chef avec la masse prolétarienne, mais aussi la masse des travailleurs non prolétarienne.
  3. Troisièmement, c’est la justesse de la direction politique réalisée par cette avant-garde, la justesse de sa stratégie et de sa tactique politiques, à condition que les plus grandes masses se convainquent de cette justesse par leur propre expérience.
(P. 18‑19.)

…la cause en est … dans plusieurs particularités historiques de la Russie.

  1. …le bolchevisme est né en 1903 sur la base … de la théorie marxiste.
  2. …le bolchévisme … a vécu une histoire pratique de quinze années (1903-1917), qui, pour la richesse de l’expérience, n’a pas d’égale au monde.
(P. 19‑20.)

20 III. Principales étapes de l’histoire du bolchévisme

  1. Années de préparation de la révolution (1903-1905). (P. 20.)
  2. Années de révolution (1905-1907). (P. 21.)
  3. Années de réaction (1907-1910). (P. 21.)
  4. Années d’essor (1910-1914). (P. 22.)
  5. Première guerre impérialiste mondiale (1914-1917). (P. 23.)
  6. Deuxième révolution russe (de février à octobre 1917). (P. 24.)

25 IV. Dans la lutte contre quels ennemis au sein du mouvement ouvrier le bolchevisme s’est-il développé, fortifié, aguerri ?

Contre l’opportunisme (p. 25) qui a fini par rejoindre le camp de la bourgeoisie en 1914 mais aussi contre « l’esprit révolutionnaire petit-bourgeois » (p. 26).

En particulier :

34 V. Le communisme de « gauche » en Allemagne. Chefs, parti, classe, masse

Oppose le parti communiste et la classe prolétarienne, les chefs et les masses. C’est à la mode d’attaquer les chefs.

Nier la nécessité du parti et de la discipline du parti, voilà où en est arrivée l’opposition. Or, cela équivaut à désarmer entièrement le prolétariat au profit de la bourgeoisie. Cela équivaut, précisément, à faire siens ces défauts de la petite bourgeoisie que sont la dispersion, l’instabilité, l’inaptitude à la fermeté, à l’union, à l’action conjuguée, défauts qui causeront inévitablement la perte de tout mouvement révolutionnaire du prolétariat, pour peu qu’on les encourage. (P. 38.)

Supprimer les classes, ce n’est pas seulement chasser les grands propriétaires fonciers et les capitalistes, — ce qui nous a été relativement facile, — c’est aussi supprimer les petits producteurs de marchandises ; or, ceux-ci o n   n e   p e u t   p a s   l e s   c h a s s e r, on ne peut pas les écraser, il faut faire bon ménage avec eux. On peut (et on doit) les transformer, les rééduquer, — mais seulement par un travail d’organisation très long, très lent et très prudent. Ils entourent de tous côtés le prolétariat d’une ambiance petite-bourgeoise, ils l’en pénètrent, ils l’en corrompent, ils suscitent constamment au sein du prolétariat des récidives de défauts propres à la petite bourgeoisie : manque de caractère, dispersion, individualisme, passage de l’enthousiasme à l’abattement. Pour y résister, pour permettre au prolétariat d’exercer comme il se doit, avec succès et victorieusement, son rôle d’organisateur (qui est son rôle principal), le parti politique du prolétariat doit faire régner dans son sein une centralisation et une discipline rigoureuses. La dictature du prolétariat est une lutte opiniâtre, sanglante et non sanglante, violente et pacifique, militaire et économique, pédagogique et administrative, contre les forces et les traditions de la vieille société. La force de l’habitude chez les millions et les dizaines de millions d’hommes est la force la plus terrible. Sans un parti de fer, trempé dans la lutte, sans un parti jouissant de la confiance de tout ce qu’il y a d’honnête dans la classe en question, sans un parti sachant observer l’état d’esprit de la masse et influer sur lui, il est impossible de soutenir cette lutte avec succès. Il est mille fois plus facile de vaincre la grande bourgeoisie centralisée que de « vaincre » les millions et les millions de petits patrons ; or ceux-ci, par leur activité quotidienne, coutumière, invisible, insaisissable, dissolvante, réalisent les « mêmes » résultats qui sont nécessaires à la bourgeoisie, qui « restaurent » la bourgeoisie. Celui qui affaiblit tant soit peu la discipline de fer dans le parti du prolétariat (surtout pendant sa dictature), aide en réalité la bourgeoisie contre le prolétariat. (P. 39.)

41 VI. Les révolutionnaires doivent-ils militer dans les syndicats réactionnaires ?

Situation dans la Russie soviétique.

La dictature est exercée par le prolétariat organisé dans les Soviets et dirigé par le Parti communiste bolchévik qui, selon les données de son dernier congrès (avril 1920), groupe 611 000 membres. (P. 42.)

Dans son travail, le parti s’appuie directement sur les syndicats qui comptent aujourd’hui, d’après les données du dernier congrès (avril 1920), plus de quatre millions de membres et, formellement, sont sans-parti. En fait, toutes les institutions dirigeantes de l’immense majorité des syndicats et, au premier chef, naturellement, le Centre ou le Bureau des syndicats de Russie (Conseil central des syndicats de Russie) sont composés de communistes et appliquent toutes les directives du parti. On obtient en somme un appareil prolétarien qui, formellement, n’est pas communiste, qui est souple et relativement vaste, très puissant, un appareil au moyen duquel le parti est étroitement lié à la classe et à la masse, et au moyen duquel la dictature de la classe se réalise sous la direction du parti. Sans la plus étroite liaison avec les syndicats, sans leur appui énergique, sans leur travail tout d’abnégation non seulement dans la construction économique, mais aussi dans l’organisation militaire, il est évident que nous n’aurions pas pu gouverner le pays et réaliser la dictature, je ne dis pas pendant deux ans et demi, mais même pendant deux mois et demi. (P. 42‑43.)

La pratique a créé chez nous, au cours de la révolution, une institution que nous essayons par tous les moyens de maintenir, de développer, d’élargir : ce sont les conférences d’ouvriers et de paysans sans-parti, qui nous permettent d’observer l’état d’esprit des masses, de nous rapprocher d’elles, de pourvoir à leurs besoins, d’appeler les meilleurs de leurs éléments aux postes d’État, etc. (P. 43.)

Enfin, il va de soi que tout le travail du parti se fait par les Soviets qui groupent les masses laborieuses sans distinction de profession. (P. 44.)

Je pense qu’il n’aurait pas apprécié certains aspects utopiques de la Révolution culturelle en Chine :

Par l’intermédiaire de ces syndicats d’industrie, on supprimera plus tard la division du travail entre les hommes ; on passera à l’éducation, à l’instruction et à la formation d’hommes universellement développés, universellement préparés, et sachant tout faire. C’est là que va, doit aller et arrivera le communisme, mais seulement au bout de longues années. Tenter aujourd’hui d’anticiper pratiquement sur ce résultat futur du communisme pleinement développé, solidement constitué, à l’apogée de sa maturité, c’est vouloir enseigner les hautes mathématiques à un enfant de quatre ans. (P. 45.)

Renvoie p. 47 à « Les élections à l’Assemblée Constituante et la dictature du prolétariat ».

Dans le reste du monde, il faut lutter contre l’aristocratie ouvrière et les dirigeants qui en sont issus ou qui en sont les porte-parole, mais :

Ne pas travailler dans les syndicats réactionnaires, c’est abandonner les masses ouvrières insuffisamment développées ou arriérées à l’influence des leaders réactionnaires, des agents de la bourgeoisie, des aristocrates ouvriers ou des « ouvriers embourgeoisés » (cf. à ce sujet la lettre d’Engels à Marx sur les ouvriers anglais, 1858).

La « théorie » saugrenue de la non-participation des communistes dans les syndicats réactionnaires montre, de toute évidence, avec quelle légèreté ces communistes « de gauche » envisagent la question de l’influence sur les « masses », et quel abus ils font dans leurs clameurs du mot « masse ». (P. 48.)

Ces faits attestent de toute évidence ce que des milliers d’autres symptômes confirment : la conscience accrue et la tendance toujours plus grande à l’organisation qui se manifestent justement dans les masses prolétariennes, dans les « couches inférieures », retardataires. Des millions d’ouvriers en Angleterre, en France, en Allemagne passent pour la première fois de l’inorganisation totale à la forme d’organisation élémentaire, inférieure, la plus simple et la plus accessible (pour ceux qui sont encore profondément imbus des préjugés démocratiques bourgeois), à savoir : aux syndicats. Et les communistes de gauche, révolutionnaires, mais peu raisonnables, sont là à crier : « la masse », « la masse » ! et refusent de militer au sein des   s y n d i c a t s  ! ! en prétextant leur « esprit réactionnaire » ! ! Et ils inventent une « Union ouvrière » toute neuve, proprette, innocente des préjugés démocratiques bourgeois, des péchés corporatifs et étroitement professionnels, cette Union qui, à ce qu’ils prétendent, sera (qui sera !) large, et pour l’adhésion à laquelle il faut simplement (simplement !) « reconnaître le système des Soviets et la dictature » (voir plus haut la citation) ! ! (P. 49.)

Car toute la tâche des communistes est de savoir convaincre les retardataires, de savoir travailler parmi eux et non de se séparer d’eux par des mots d’ordre « de gauche » d’une puérile invention. (P. 49.)

51 VII. Faut-il participer aux parlements bourgeois ?

Ce n’est pas parce que le parlement bourgeois a historiquement fait son temps qu’il a politiquement fait son temps. Ce n’est pas parce qu’il a ait son temps pour nous communistes qu’il a fait son temps pour les masses.

Nous voyons ici une fois de plus que les « gauches » ne savent pas raisonner, ne savent pas se conduire en parti de la classe, en parti des masses. Vous êtes tenus de ne pas vous abaisser au niveau des masses, au niveau des couches retardataires d’une classe. C’est indiscutable. Vous êtes tenus de leur dire l’amère vérité. Vous êtes tenus d’appeler préjugés leurs préjugés démocratiques bourgeois et parlementaires. Mais en même temps vous êtes tenus de surveiller d’un œil lucide l’état réel de conscience et de préparation de la classe tout entière (et pas seulement de son avant-garde communiste), de la masse travailleuse tout entière (et pas seulement de ses éléments avancés). (P. 54.)

Tant que même une minorité des masses accorde de l’importance au parlement, « ‘la participation aux élections parlementaires et aux luttes parlementaires est obligatoire pour le parti du prolétariat révolutionnaire précisément afin d’éduquer les couches retardataires de sa classe, précisément afin d’éveiller et d’éclairer la masse villageoise inculte, opprimée et ignorante’ » (p. 54).

Lénine examine alors l’expérience parlementaire des bolchéviks dans les différentes périodes. Renvoie p. 55 à « ‘l’article mentionné plus haut’ », c’est-à-dire p. 47.

Formation des cadres :

Les « gauches » d’Allemagne se plaignent des mauvais « chefs » de leur parti et se laissent aller au désespoir ; ils en arrivent à une ridicule « négation » des « chefs ». Mais dans des conditions où l’on est souvent obligé de cacher les « chefs » dans l’illégalité, la formation de bons chefs, sûrs, éprouvés, ayant l’autorité morale nécessaire, est une tâche particulièrement difficile, dont il est impossible de venir à bout sans allier le travail légal au travail illégal et sans faire passer les « chefs », entre autres épreuves, par celle de l’arène parlementaire. (P. 61.)

62 VIII. Jamais de compromis ?

On ne peut triompher d’un adversaire plus puissant qu’au prix d’une extrême tension des forces et à la condition expresse d’utiliser de la façon la plus minutieuse, la plus attentive, la plus circonspecte, la plus intelligente, la moindre « fissure » entre les ennemis, les moindres oppositions d’intérêts entre les bourgeoisies des différents pays, entre les différents groupes ou catégories de la bourgeoisie à l’intérieur de chaque pays, aussi bien que la moindre possibilité de s’assurer un allié numériquement fort, fût-il un allié temporaire, chancelant, conditionnel, peu solide et peu sûr. Qui n’a pas compris cette vérité n’a compris goutte au marxisme, ni en général au socialisme scientifique contemporain. Qui n’a pas prouvé pratiquement, pendant un laps de temps assez long et en des situations politiques assez variées, qu’il sait appliquer cette vérité dans les faits, n’a pas encore appris à aider la classe révolutionnaire dans sa lutte pour affranchir des exploiteurs toute l’humanité laborieuse. Et ce qui vient d’être dit est aussi vrai pour la période qui  p r é c è d e   et qui   s u i t   la conquête du pouvoir politique par le prolétariat.

Notre théorie n’est pas un dogme, mais un guide pour l’action, ont dit Marx et Engels ; et la plus grave erreur, le crime le plus grave de marxistes aussi « patentés » que Karl Kautsky, Otto Bauer et autres, c’est qu’ils n’ont pas compris, c’est qu’ils n’ont pas su appliquer cette vérité aux heures les plus décisives de la révolution prolétarienne. « L’action politique, ce n’est pas un trottoir de la perspective Nevski » (un trottoir net, large et uni de l’artère principale, absolument rectiligne, de Pétersbourg), disait déjà N. Tchernychevski, le grand socialiste russe de la période d’avant Marx.

(P. 66‑67.)

La citation de Tchernychevski fait penser à celle, classique, de Mao Tsé-toung :

La révolution n’est pas un dîner de gala ; elle ne se fait pas comme une œuvre littéraire, un dessin ou une broderie ; elle ne peut s’accomplir avec autant d’élégance, de tranquillité et de délicatesse, ou avec autant de douceur, d’amabilité, de courtoisie, de retenue et de générosité d’âme. La révolution, c’est un soulèvement, un acte de violence par lequel une classe en renverse une autre. « Rapport sur l’enquête menée dans le Hounan à propos du mouvement paysan » (mars 1927), Œuvres choisies de Mao Tsé-toung, tome I.

sauf que Mao parle de la violence et Lénine du compromis.

73 IX. Le communisme de « gauche » en Angleterre

86 X. Quelques conclusions

On conquiert l’avant-garde par la propagande (la persuasion, la formation théorique…) ; on conquiert les masses par l’action politique.

L’avant-garde prolétarienne est conquise idéologiquement. C’est le principal. Autrement, faire même un premier pas vers la victoire serait impossible. Mais de là à la victoire, il y a encore assez loin. On ne peut vaincre avec l’avant-garde seule. Jeter l’avant-garde seule dans la bataille décisive, tant que la classe tout entière, tant que les grandes masses n’ont pas pris soit une attitude d’appui direct à l’avant-garde, soit tout au moins de neutralité bienveillante, qui les rende complètement incapables de soutenir son adversaire, ce serait une sottise, et même un crime. Or, pour que vraiment la classe tout entière, pour que vraiment les grandes masses de travailleurs et d’opprimés du Capital en arrivent à une telle position, la propagande seule, l’agitation seule ne suffisent pas. Pour cela, il faut que ces masses fassent leur propre expérience politique. Telle est la loi fondamentale de toutes les grandes révolutions, loi confirmée maintenant avec une force et un relief frappants, non seulement par la Russie, mais aussi par l’Allemagne. Ce ne sont pas seulement les masses ignorantes, souvent illettrées, de Russie, ce sont aussi les masses d’Allemagne, hautement cultivées, sans un seul analphabète, qui ont dû éprouver à leurs dépens toute la faiblesse, toute la veulerie, toute l’impuissance, toute la servilité devant la bourgeoisie, toute la lâcheté du gouvernement des paladins de la IIe Internationale, le caractère inévitable de la dictature des ultra-réactionnaires (Kornilov en Russie, Kapp et consorts en Allemagne), seule alternative en face de la dictature du prolétariat, pour se tourner résolument vers le communisme.

L’objectif immédiat de l’avant-garde consciente du mouvement ouvrier international, c’est-à-dire des partis, groupes et tendances communistes, c’est de savoir amener les larges masses (encore somnolentes, apathiques, routinières, inertes, engourdies, dans la plupart des cas) à cette position nouvelle ou plutôt de savoir conduire non seulement son parti, mais aussi les masses en train d’arriver, de passer à cette nouvelle position. Si le premier objectif historique (attirer l’avant-garde consciente du prolétariat aux côtés du pouvoir des Soviets et de la dictature de la classe ouvrière) ne pouvait être atteint sans une victoire complète, idéologique et politique, sur l’opportunisme et le social-chauvinisme, le second objectif qui devient d’actualité et qui consiste à savoir amener les masses à cette position nouvelle, propre à assurer la victoire de l’avant-garde dans la révolution, cet objectif actuel ne peut être atteint sans liquidation du doctrinarisme de gauche, sans réfutation décisive et élimination complète de ses erreurs.

Tant qu’il s’agissait (et dans la mesure où il s’agit encore) de rallier au communisme l’avant-garde du prolétariat, la propagande s’est située au premier plan ; même les petits cercles de propagande sont utiles et féconds en dépit des défauts qui leur sont inhérents. Mais quand il s’agit de l’action pratique des masses, de la distribution — s’il m’est permis de m’exprimer ainsi — d’armées fortes de millions d’hommes, de la répartition de toutes les forces de classe d’une société donnée en vue du combat final et décisif, on ne fera rien avec les seules méthodes de propagande, avec la seule répétition des vérités du communisme « pur ». Il ne faut pas compter ici par milliers, comme le fait en somme le propagandiste, membre d’un groupe restreint et qui n’a pas encore dirigé les masses ; il faut compter ici par millions et par dizaines de millions. Il ne suffit pas de se demander si l’on a convaincu l’avant-garde de la classe révolutionnaire ; il faut encore savoir si les forces historiquement agissantes de toutes les classes, absolument de toutes les classes sans exception, d’une société donnée, sont disposées de façon que la bataille décisive soit parfaitement à point, — de façon : 1o que toutes les forces de classe qui nous sont hostiles soient suffisamment en difficulté, se soient suffisamment entre-déchirées, soient suffisamment affaiblies par une lutte au-dessus de leurs moyens ; 2o que tous les éléments intermédiaires, hésitants, chancelants, inconstants — la petite bourgeoisie, la démocratie petite-bourgeoise par opposition à la bourgeoisie — se soient suffisamment démasqués aux yeux du peuple, suffisamment déshonorés par leur faillite pratique ; 3o qu’au sein du prolétariat un puissant mouvement d’opinion se fasse jour en faveur de l’action la plus décisive, la plus résolument hardie et révolutionnaire contre la bourgeoisie. C’est alors que la révolution est mûre ; c’est alors que, si nous avons bien tenu compte de toutes les conditions indiquées, sommairement esquissées plus haut, et si nous avons bien choisi le moment, notre victoire est assurée.

(P. 89‑91.)

103 Annexe

105 I. La scission des communistes allemands

107 II. Communistes et indépendants en Allemagne

109 III. Turati et Cie en Italie

111 IV. Conclusions fausses de prémisses justes

115 V.