Dominique Meeùs
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Mots-clefs : ❦ guerre mondiale, Allemagne, Prusse
p. 526On ne croit plus, Dieu merci, aux miracles. Les prophéties miraculeuses sont des contes. Mais les prophéties scientifiques sont un fait acquis. Et de nos jours, alors que partout le honteux découragement, voire même le désespoir, sont choses fréquentes, il est utile de rappeler une prophétie scientifique qui s’est vérifiée.
Friedrich Engels eut à écrire, en 1887, sur la future guerre mondiale dans la préface à la brochure de Sigismund Borkheim : « À l’intention des patriotards allemands de 1806-1807 » (Zur Erinnerung für die deutschen Mordspatrioten 1806-1807). (Cette brochure forme le fascicule XXIV de la Bibliothèque social-démocrate publiée à Gœttingue-Zürich en 1888.)
Voici comment Friedrich Engels jugeait, il y a plus de trente ans, la future guerre mondiale :
… Et enfin, il n’y a plus pour la Prusse-Allemagne d’autre guerre possible qu’une guerre mondiale, et, à la vérité, une guerre mondiale d’une ampleur et d’une violence encore jamais vues. Huit à dix millions de soldats s’entr’égorgeront ; ce faisant, ils dévoreront toute l’Europe comme jamais ne le fit encore une nuée de sauterelles. Les dévastations de la guerre de Trente ans, condensées en trois ou quatre années et répandues sur tout le continent : la famine, les épidémies, la férocité générale, tant des armées que des masses populaires, provoquée par l’âpreté du besoin, la confusion p. 527désespérée dans le mécanisme artificiel qui régit notre commerce, notre industrie et notre crédit, finissant dans la banqueroute générale. L’effondrement des vieux États et de leur sagesse politique routinière est tel que les couronnes rouleront par douzaines sur le pavé et qu’il ne se trouvera personne pour les ramasser ; l’impossibilité absolue de prévoir comment tout cela finira et qui sortira vainqueur de la lutte ; un seul résultat est absolument certain : l’épuisement général et la création des conditions nécessaires à la victoire finale de la classe ouvrière.
Telle est la perspective si la course aux armements poussée à l’extrême porte enfin
ses fruits inévitables. Voilà, Messieurs les princes et les hommes d’État, où votre
sagesse a amené la vieille Europe. Et s’il ne vous reste rien d’autre qu’à ouvrir
la dernière grande sarabande guerrière, ce n’est pas pour nous déplaire (uns kann
es recht sein). La guerre va peut-être nous rejeter momentanément à l’arrière-plan,
elle pourra nous enlever maintes positions déjà conquises. Mais, si vous déchaînez
des forces que vous ne pourrez plus maîtriser ensuite, quelque tour que prennent les
choses, à la fin de la tragédie vous ne serez plus qu’une ruine et la victoire du
prolétariat sera déjà acquise, ou, quand même (doch), inévitable.
Londres, 15 décembre 1887.
Friedrich Engels.
Géniale prophétie ! Et de quelle infinie richesse de pensées dans chaque phrase de cette analyse de classe scientifique, brève, claire et précise ! Combien y puiseraient ceux qui s’abandonnent maintenant au scepticisme déshonorant, au découragement, au désespoir, si… si les gens habitués à s’aplatir devant la bourgeoisie ou qui se sont laissés intimider par elle, savaient penser, étaient capables de penser !
Nobody, thank God, believes in miracles nowadays. Miraculous prophecy is a fairy-tale. But scientific prophecy is a fact. And in these days, when we so very often encounter shameful despondency and even despair around us, it is useful to recall one scientific prophecy which has come true.
Frederick Engels had occasion in 1887 to write of the coming world war in a preface to a pamphlet by Sigismund Borkheim, “In Memory of the German Arch-Patriots of 1806-1807” (Zur Erinnerung für die deutschen Mordspatrioten 1806-1807 ). (This pamphlet is No. XXIV of the Social-Democratic Library published in Göttingen-Zürich in 1888.)
This is how Frederick Engels spoke over thirty years ago of the future world war:
… No war is any longer possible for Prussia-Germany except a world war and a world war indeed of an extent and violence hitherto undreamt of. Eight to ten millions of soldiers will massacre one another and in doing so devour the whole of Europe until they have stripped it barer than any swarm of locusts has ever done. The devastations of the Thirty Years’ War compressed into three or four years, and spread over the whole Continent; famine, pestilence, general demoralisation both of the armies and of the mass of the people produced by acute distress; hopeless confusion of our artificial machinery in trade, industry and credit, ending in general bankruptcy; collapse of the old states and their traditional state wisdom to such an extent that crowns will roll by dozens on the pavement and there will be no body to pick them up; absolute impossibility of foreseeing how it will all end and who will come out of the struggle as victor; only one result is absolutely certain: general exhaustion and the establishment of the conditions for the ultimate victory of the working class.
This is the prospect when the system of mutual outbidding in armaments, taken to the
final extreme, at last bears its inevitable fruits. This, my lords, princes and statesmen,
is where in your wisdom you have brought old Europe. And when nothing more remains
to you but to open the last great war dance —that will suit us all right (uns kann
es recht sein). The war may perhaps push us temporarily into the background, may wrench
from us many a position already conquered. But when you have unfettered forces which
you will then no longer be able again to control, things may go as they will: at the
end of the tragedy you will be ruined and the victory of the proletariat will either
be already achieved or at any rate (doch) inevitable.
London, December 15, 1887
Frederick Engels
What genius is displayed in this prophecy! And how infinitely rich in ideas is every sentence of this exact, clear, brief and scientific class analysis! How much could be learnt from it by those who are now shamefully succumbing to lack of faith, despondency and despair, if… if people who are accustomed to kowtow to the bourgeoisie, or who allow themselves to be frightened by it, could but think, were but capable of thinking!