Dominique Meeùs
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À Karl Marx, le 14 juillet 1858

Friedrich Engels, lettre à Karl Marx, Manchester, le 14 juillet 1858. Marx, Engels, Lettres sur les sciences de la nature, Éditions sociales, Paris, 1973, lettre 3, p. 17-19. Aussi Marx, Engels, Correspondance, tome 5, Éditions sociales, Paris, 1975, lettre 108, p. 202-204.

Engels souligne deux avancées scientifiques importantes. À ce propos, il invoque Hegel, mais ce pourrait n'être ici qu'une boutade.

L’expérience décisive de Joule (roue à aubes entraînée par un poids) a été rendue publique en 1845, mais elle n’a eu que peu d’écho parce que Joule était un amateur et un provincial. En outre, elle s’opposait de front à la conception dominante de la chaleur et il a fallu des années pour qu’elle soit acceptée. Helmoltz dans son livre de 1847 sur la conservation de l’énergie mentionne les travaux de Joule. William Thomson, le futur Lord Kelvin, n’a été convaincu que progressivement dans la première moitié des années cinquante. Quand Engels en parle en 1858, c’est donc encore une idée relativement nouvelle et révolutionnaire.

Il est remarquable qu’il ait entrevu l’extrême importance de la conversion de certaines formes d’énergie dans d’autres et il a raison de la souligner. Il est probable que le fait de rattacher cette conversion à quelque chose de sa culture hégélienne l’y a aidé. Il est cependant dangereux d’y voir la « preuve matérielle » d’une spéculation hégélienne parce que c’est mélanger le niveau scientifique et le niveau philosophique. L’association d’idée entre Joule et un concept de Hegel ne prouve en rien que ce concept est même seulement intéressant.

Une chose est certaine : en faisant de la physiologie comparée, on se met à concevoir un mépris extrême pour la conception idéaliste qui situe l’homme bien au-dessus des autres animaux. À chaque pas, on met le nez sur une concordance de structure absolument parfaite entre l’homme et les autres mammifères ; pour les traits fondamentaux, cette concordance se vérifie avec tous les vertébrés, et même — de façon moins nette — chez des insectes, des crustacés, des vers plats, etc. L’histoire hégélienne du saut qualitatif dans l’échelle quantitative est très bien montrée dans ce domaine-là aussi. Finalement c’est chez les infusoires les plus rudimentaires que l’on trouve la forme première, la cellule simple et vivant de manière autonome, mais qui à son tour ne se distingue par rien de perceptible de la plante la plus inférieure (les champignons composés de cellules simples, comme le champignon de la maladie de la pomme de terre ou de la vigne, etc.), ni des embryons des stades de développement plus élevés, jusqu’à l’ovule et au spermatozoïde humains inclusivement, et qui a le même aspect que les cellules indépendantes de l’organisme vivant (globules du sang, cellules de l’épiderme et des muqueuses, cellules sécrétoires des glandes, des reins, etc.)

P. 19.

Toute avancée dans l’idée de l’unité du vivant est de la plus haute importance. Il faut un peu se forcer pour y voir une confirmation de l’ « histoire hégélienne du saut qualitatif dans l’échelle quantitative ».