Dominique Meeùs
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Essai sur le marxisme et la conception matérialiste de l’histoire

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Le point de vue matérialiste sur l’histoire, le point de départ, la première condition, c’est que les êtres humains1, comme tous les autres animaux, doivent vivre et se reproduire. Les animaux ont besoin d’eau et d’énergie. Il ne peut y avoir de reproduction si tous les individus meurent d’inanition avant l’âge de procréer. Boire et manger, etc. est donc tout aussi fondamental que se reproduire, l’un ne va pas sans l’autre. (C’est la question classique — et c’est ici bien le cas de le dire — de la poule et l’œuf.) L’animal humain se distingue d’autres animaux par la production de moyens d’existence. À de nombreuses reprises dans l’Idéologie allemande (1846), Marx et Engels parlent de produire :

et de se reproduire2 :

… les humains, qui renouvellent quotidiennement leur propre vie, commencent à faire d’autres humains, à se reproduire — le rapport entre homme et femme, parents et enfants, la famille.

Idéologie allemande, 2014:65-67.

En 1884, un an après la mort de Marx, presque quarante ans après l’Idéologie allemande, dans un regard rétrospectif sur leur conception de l’histoire, Engels reprend toujours les deux aspects :

Selon la conception matérialiste, le facteur déterminant, en dernier ressort, dans l’histoire, c’est la production et la reproduction de la vie immédiate. Mais, à son tour, cette production a une double nature. D’une part, la production de moyens d’existence, d’objets servant à la nourriture, à l’habillement, au logement, et des outils qu’ils nécessitent ; d’autre part, la production des humains mêmes, la propagation de l’espèce. Les institutions sociales sous lesquelles vivent les humains d’une certaine époque historique et d’un certain pays sont déterminées par ces deux sortes de production : par le stade de développement où se trouvent d’une part le travail, et d’autre part la famille.

Engels, préface de la première édition de l’Origine de la famille, de la propriété privée et de l’État.

Il répète « production et reproduction de la vie » dans la lettre à Bloch de 1890.

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Notes
1.
Problème de français (comme en anglais et quelques autres langues) : le même mot « homme » peut désigner soit un individu quelconque de l’espèce humaine, soit le mâle de l’espèce. Écrivant en allemand, Marx dispose de deux mots :, Mensch pour l’humain, Mann pour le mâle (comme en néerlandais, mens et man). S’agissant de reproduction, ça peut donner des phrases bizarres en français (pour se reproduire, les hommes devraient être deux). Ayant pris conscience de ça, ça me dérange et, pour ne pas chaque fois répéter être humain en deux mots, j’utilise substantivement l’adjectif humain chaque fois qu’il ne s’agit pas d’un homme, mâle. Je vais m’efforcer d’écrire ainsi, mais aussi de corriger dans ce que je cite en traduction française.
2.
On a là un problème de langage. On dit reproduction pour différentes choses : pour la reproduction de l’espèce, pour la reproduction de la force de travail, pour la reproduction du capital, pour la reproduction des rapports sociaux capitalistes. On a bien en français procréer et procréation, mais ça ne convient pas partout. Les langues germaniques ont un terme spécifique : le substantif voortplanting (verbe voortplanten) en néerlandais, où on reconnaît la racine du verbe planter (littéralement se replanter), fortzupflanzen en allemand. Mais j’en trouve une seule occurrence dans le Jahrbuch (2003:14). (Seize occurrences dans l’ensemble des MEW.) Marx lui-même utilise le verbe reproduzieren, avec les difficultés que cela comporte.
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