Dominique Meeùs
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Le capitalisme hérite de conceptions patriarcales du passé. Le patriarcat a bien dû avoir une base matérielle quelque part. (Cela reste reste à élucider, écris-je dans la partie matérialisme historique.) Il n’est en rien déterminé par la base matérielle du capitalisme, l’exploitation d’une classe par une autre. Le patriarcat est indéniablement présent dans la superstructure du mode de production capitaliste, mais il n’émane pas de la base de la même époque historique. Il est vrai que dans la part du produit social consacré à la reproduction du prolétariat, certains des biens qu’on achète avec le salaire demandent encore une transformation dans une activité productrice domestique, mais rien dans le capitalisme n’impose que le travail ménager soit l’apanage des femmes. (Les hommes ne peuvent pas couver un fœtus pendant neuf mois ni donner le sein à un nouveau né ; tout le reste, ils pourraient le faire aussi bien.)
C’est une illusion de penser que cette situation serait une création du capitalisme. Les femmes ont, d’aussi longtemps qu’on s’en souvienne, fait plus pour le ménage et les enfants. Les capitalistes ont bien sûr été enchantés que cet héritage culturel très ancien leur permette de payer moins les femmes, de les discriminer, et cetera. Il est faux d’y voir une « preuve » que les capitalistes auraient « inventé » dans leur intérêt un nouveau type de mariage ou de nouveaux rapports entre les hommes et les femmes ; cela n’avait rien de nouveau et n’avait nul besoin d’être inventé.
On a prétendu [retrouver qui] qu’avant le capitalisme, le mariage n’était pas réglé par les lois, que les législations sur le mariage datent du capitalisme, ce qui prouverait que le capitalisme instaure le patriarcat. Je ferai à cela une première objection : qu’il est normal qu’avec le développement de la civilisation on un droit plus moderne, plus de droit écrit, plus précis et plus rigoureux. J’opposerais ensuite ce que j’ai dit ailleurs de l’autonomie relative de la politique (y compris du pouvoir législatif) : que des lois apparaissent avec le capitalisme ne prouve rien sur le capitalisme.
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Quand elle pose la question du patriarcat, Kate Millett fixe aussi l’usage moderne de ce mot1, si besoin en était : « L’un des éléments de notre ordre social qui échappe à l’étude et passe même souvent inaperçu (ce qui ne l’empêche pas d’être institutionnalisé), c’est le droit de naissance prioritaire grâce auquel le mâle domine la femelle. » Cet ordre social semble aussi vieux que le monde et si cela échappe à l’étude et passe inaperçu, c’est que les femmes et les hommes l’ont intégré depuis toujours. Si on commence à en parler et à l’étudier, c’est que certaines, disons depuis Mary Wollstonecraft, l’ont contesté, de plus en plus, et assez massivement en Amérique du Nord depuis la seconde moitié des années soixante du siècle dernier et, de là, dans le reste- femmes et les hommes trouvent ça dans l’ordre des choses.
Selon Marx et Engels, de l’Idéologie allemande au moins, jusqu’à la préface de l’Origine… et à des lettres d’Engels d’alors, après ma mort de Marx, les humains s’organisent socialement pour faire des enfants et trouver et produire leurs moyens d’existence. Les institutions et ce que les gens en pensent sont liés à cette base matérielle.
Hypothèse d’une origine préhistorique lointaine du patriarcatMais jusqu’où faut-il remonter pour comprendre quelque chose qui semble exister « depuis toujours » ? Pour Engels, il y avait « dans la préhistoire » une communauté primitive relativement égalitaire entre hommes et femmes et « la défaite historique des femmes » (Engels) daterait de ce qu’on a appelé « la révolution néolithique », le passage systématique à l’agriculture et à l’élevage. Il est permis de ne pas suivre Engels sur ce terrain. Lui-même souligne dans la préface de l’Origine… qu’il ne peut pas s’appuyer sur beaucoup plus que les travaux de Morgan et que la science va certainement progresser2.
Si on se demande si ce ne pourrait être plus ancien que cette révolution néolithique, faut-il s’intéresser aux Homo sapiens modernes, de quelques dizaines de milliers d’années, où à l’espèce Homo sapiens entière, quelques centaines milliers d’années. Mais les premiers Homo sapiens, sans doute chasseurs collecteurs, ont bien dû naître chacun d’un père et d’une mère, eux-mêmes sans doute chasseurs collecteurs. Alors plutôt que de se fixer sur notre espèce, on pourrait s’intéresser à tous ceux qui conduisent à nous, dans le buisson d’espèces qui se sont séparés de la lignée qui conduit aux autres grands singes actuels, non pas depuis l’ancêtre commun à tous les grands singes actuels (nous compris), mais depuis ceux qui taillent des pierres pour s’en servir. Ce critère me semble correspondre à ce qu’Engels pourrait choisir (par l’importance qu’il lui donne dans la Transformation du singe…, si c’est aujourd’hui qu’il s’était posé la question. Mais ça dépasse tout ce qu’il aurait pu imaginer. On taille des pierres, intentionnellement, depuis plus de trois millions d’années. Au début, c’est sans doute pour s’aider à dépecer des animaux trouvés morts, par accident, ou abandonnés par leur prédateur.
Plus tard, je ne sais à partir de quand, il s’agit d’animaux chassés.
Je m’intéresse aux chasseurs collecteurs, parce que c’est à leur propos que j’ai trouvé des hypothèses intéressantes. C’est bien sûr remonter très loin en arrière, et c’est donc prendre en considération plein d’espèces animales3, toutes ou presque dans le genre Homo, mais bien avant le début de notre espèce, Homo sapiens. Cela me semble légitime, les causes produisant les mêmes effets, si on cherche une base matérielle à ce que Kate Millett à baptisé patriarcat.
Les hypothèses auxquelles je pense remontent pour moi à un article de Judith K. Brown4 en 1970.
Pour Judith Brown, plus important encore est le fait que les femmes font des enfants et les allaitent, chose que les hommes sont bien incapables de faire, mais qui entrave les mouvements des femmes. C’est pour cela que, depuis que les humains chassent, ce sont les hommes qui le font. Selon Judith Brown, les femmes font énormément de choses malgré la charge d’enfants. Elles peuvent obtenir l’aide d’enfants plus âgés5. Cependant, cela suppose qu’elles se trouvent à proximité pour intervenir au besoin. Les femmes peuvent parfaitement se saisir d’un animal passant à leur portée et le tuer. Mais elles ne peuvent pas partir à la chasse au gros gibier avec un nourrisson et quelques autres jeunes enfants6. La chasse n’est pas non plus quelque chose qu’on peut faire occasionnellement. Cela suppose un long apprentissage.
Il y a donc chez les humains primitifs chasseurs-collecteurs une division sociale du travail sur la base du sexe. Beaucoup de tâches sont communes aux deux sexes. La maternité est biologiquement le privilège des femmes. Pour des raisons pratiques, ce sont les hommes qui chassent et pas les femmes.
Il y a chez les humains aussi un dimorphisme sexuel. Pour Judith Brown, ce n’est pas déterminant. La chasse demande une force suffisante mais surtout une grande dextérité. Même si les hommes sont plus forts, les femmes pourraient chasser très bien aussi si elles pouvaient s’y exercer. Ce n’est donc pas que les femmes souffriraient d’une incapacité physiologique (ni psychologique ajoute-t-elle). Ce qui est déterminant, c’est le problème pratique des enfants.
On aurait donc là, pour reprendre la conception de Marx et d’Engels, une organisation sociale de la production (chasse et collecte) et de la reproduction, constituant la base, à laquelle se lient des représentation dans la tête des gens. On pourrait faire l’hypothèse que l’exclusivité de cette exercice violent qu’est la chasse (à laquelle il faut sans doute ajouter la guerre) induit chez les hommes et les femmes l’idée que cela confère aux hommes un statut supérieur, une autorité qui apparaît alors comme naturelle.
Je ne sais qui aurait fait la même hypothèse avant Judith Brown. Elle mentionne de nombreuses études anthropologiques de populations de chasseurs collecteurs pour concrétiser de qu’elle avance, mais elle ne fait pas référence à une formulation antérieure d’une hypothèse allant dans ce sens. Par contre, on retrouve de plus en plus cette thèse après 1970. On la retrouve en particulier chez Françoise Héritier en 1984, tant strictement sur le fait de la division sexuelle du travail, que sur ses conséquences institutionnelles et idéologiques. À l’appui de cette thèse paléoanthropologique, un article anthropologique sur les chasseur collecteurs connus (Gurven et Hill 2009) affine, détaille la thèse sous divers aspects et cet apport renforce la thèse paléoanthropologique.
Cette thèse est alors jetée en pâture au grand public par un livre récent d’Éva Nikolski (2023). C’est ce livre (qui cite Héritier 1984, que j’avais sans doute lu trop rapidement) qui attire mon attention sur cette thèse.
Étude historique du patriarcatDans la suite de la préhistoire et de l’histoire, jusqu’au capitalisme, il ne s’est pas trouvé de circonstances qui remettent en question ce préjugé, que du contraire, il a été de plus en plus institutionnalisé. Le passé du patriarcat, à un certain stade, alors de l’histoire.
Sur l’histoire, je découvre à l’instant Gerda Lerner 1986, qui semble très prometteur, mais que je dois encore le lire.
Le capitalisme est le commencement de la fin du patriarcatLe capitalisme casse tout, il ne respecte rien. (Manifeste du parti communiste (1848) 1895:31.) S’il y a une chose qu’on peut mettre sur le dos des capitalistes, ce n’est pas l’invention du patriarcat, mais au contraire d’avoir créé les conditions de possibilité d’y mettre fin.
Quand Marx introduit le travail abstrait au début du Livre I du Capital, il fait abstraction des différents métiers, mais nécessairement aussi du sexe de celles ou ceux qui l’exercent. Le concept de travail abstrait de Marx est sex-blind, indifférent au sexe, mais parce que c’est le fondement de la valeur capitaliste, il faut en conclure que le capitalisme lui-même est sex-blind.
Non seulement les travailleuses et travailleurs sont théoriquement sur le même pied, elles et ils deviennent, plus concrètement, camarades de travail (même si beaucoup de travailleurs mâles ont besoin d’un certain temps pour se faire à cette idée). C’est une première dans l’histoire de l’humanité. Toujours, les gens ont été mis dans des cases de statut, d’état, de respectabilité, de position sociale et aussi de sexe. Sous le capitalisme, il ne reste en gros que deux statuts, capitaliste ou rien. Toutes les autres distinction disparaissent. Pour le capitalisme, il n’y a pas de distinction entre les femmes et les hommes. Il n’en a aucun besoin, sauf opportuniste, conjoncturel.
On ne peut mettre au compte du capital des discriminations en défaveur des femmes inscrites dans les lois et les règlements. La politique aussi est marquée par une certaine persistance de préjugés passés, n’est pas toujours l’émanation du capitalisme. Même si « l’appareil d’État moderne n’est qu’un comité qui gère les affaires communes de la classe bourgeoise » (Manifeste (1848) 1895:30-3131), il est constitué du politiciens qui, en plus de leur dévotion au capitalisme, ont hérité d’idéologies passées. Si des politiciens s’opposent à la dépénalisation de l’avortement, ce n’est pas qu’ils rendent là un service indispensable au capitalisme (bien d’autres politiciens ont bien compris que ce n’est en rien indispensable), mais c’est qu’ils sont imprégnés de préjugés catholiques ou qu’ils s’adressent des électeurs qui ont ces préjugés. (Voir dans une autre note ce que j’ai dit de l’autonomie relative de la politique.)
Fin 18e siècle, début 19e, l’héritage du passé est encore très présent. Les femmes sont encore entièrement soumises à leur père ou à un mari (et le resteront plus d’un siècle encore). Elles sont exclues de l’enseignement supérieur et des professions. Des femmes bourgeoises engagent la lutte contre ces discriminations et pour le droit de vote. Le changements seront extrêmement lents, leur résultat peu visible, semblant inessentiel, encore dans les années 70 du 20e siècle. La plupart des féministes de la deuxième vague ont eu l’impression que rien n’avait vraiment bougé. Elles ont pu y voir la preuve que le patriarcat était intrinsèque au capitalisme. Mais, par leur action, les changements se sont accélérés et, cinquante ans après les années 70, il y a incontestablement une énorme évolution, même s’il reste beaucoup de problèmes non résolus. Ce sont des changements qui étaient impensables dans l’histoire antérieure de l’humanité.
Un système, deux systèmes ?La réduction à l’explication capitaliste est motivée, entre autres, par la préférence pour un système explicatif unique. On a beaucoup écrit sur un système ou deux systèmes. (Voir, entre autres, la discussion de Cinzia Arruzza 2014.) Ou bien on arrive à tout expliquer par un système, le capitalisme ; ou bien on doit ajouter un autre système explicatif, le patriarcat. L’idée de devoir combiner deux systèmes explicatifs étrangers l’un à l’autre apparaît comme une faiblesse, comme un échec. On ne devrait y recourir que si vraiment aucun système ne permet d’expliquer la société en général (et la position des femmes en particulier). Les marxistes débutants veulent donc à tout prix régler la question des femmes avec le capitalisme seulement. Ma position est que le marxisme ne se réduit pas au capital. Une explication marxiste, ce n’est pas une réduction à l’économie, c’est une vision historique et matérialiste de la base économique et de tout ce qui fait la superstructure, politique, institutionnelle, culturelle, idéologique… Si par marxisme, on entend matérialisme historique, on ne sort pas de ce seul système en disant que, sous le capitalisme, la superstructure comporte encore un héritage patriarcal qui a un effet matériel en retour dans le fonctionnement du capitalisme : discrimination des femmes dans l’emploi ; préjugé que c’est aux femmes de produire la force de travail par leur travail domestique. Le patriarcat est dans une certaine mesure « un autre système », qui a une autonomie relative, mais qui est englobé quand même dans le système explicatif général du matérialisme historique marxiste.
Bref, le marxisme (au sens de matérialisme historique) est bien un système explicatif assez complet de la société. Il y a place dans ce système pour l’étude à la fois du capitalisme et du patriarcat. On peut y expliquer la question des femmes par la persistance sous le capitalisme d’un patriarcat hérité du passé. Ce n’est pas recourir à un deuxième système explicatif.
Social reproduction theoryLes tentatives de féminisme marxiste sont souvent réductionnistes. On considère qu’être marxiste, c’est tout ramener au capital. Ce devrait donc être à cause du capitalisme que les femmes font le ménage. La production de la force de travail implique un certain travail domestique au-delà d’une part du produit social. Ce travail domestique, généralement exécuté par les femmes, est donc indispensable au capitalisme : sans lui, pas de prolétariat, donc pas de capitalisme. C’est très vrai, mais ça n’explique rien. Le travail domestique est indispensable au capitalisme. Or ce sont les femmes qui le font, donc le travail domestique des femmes est indispensable au capitalisme. C’est un raisonnement circulaire ; on prend comme prémisse une situation de fait inexpliquée, qui est justement ce qu’on voudrait élucider : pourquoi faut-il que ce soient les femmes ? Cette explication circulaire constitue ce qu’on appelle la social reproduction theory2. La question n’est donc pas qu’on soit d’accord ou non avec cette « théorie », le problème est qu’elle est logiquement vide.
Ce féminisme marxiste réductionniste (Sylvia Walby, 1986:19-20) utilise des concepts marxistes, semble les articuler, mais dans des constructions nouvelles, qui complèteraient l’analyse du capital par Marx.
On trouve à la fois l’idée que le capitalisme néglige la reproduction de la force de travail et que pour cette reproduction, il impose un certain modèle familial. (Ce qui me semble le contraire d’une négligence.) Dans cette perspective, certains4 ont introduit aussi une périodisation du capitalisme et du modèle de ménage associé : qu’on serait passé par diverses phases alternant entre le modèle du chef de famille gagnant le revenu et avec une épouse au foyer et le modèle du couple de travailleurs. Ce phasage est une illusion. Ces divers « modèles » ont en réalité toujours coexisté à divers degrés à toute époque.
Revendication de valeur du travail domestiqueCertains vont jusqu’à dire que la valeur naît dans cette reproduction, que c’est là le travail véritablement créateur de valeur. C’est ne pas comprendre le concept marxiste de valeur (et tous les intervenants en social reproduction theory ne font pas cette erreur), mais il est indéniable que la reproduction de la force de travail est une condition indispensable de la création de valeur. Le travail domestique a une « valeur » évidente, mais c’est une valeur d’usage et ce qu’on pourrait appeler une valeur par importance (plus forte encore que ce qu’on appelle valeur morale). (On a une discussion et une confusion comparable à propos de la « valeur » de la nature.) On s’étonne donc de ce que les capitalistes semblent n’y accorder aucun intérêt (et Marx non plus). C’est ne pas comprendre que sous le capitalisme, ce n’est pas le travail qui est payé, mais seulement la force de travail. On ne peut pas accuser les capitalistes de ne pas s’en soucier ; au contraire, ils ne se soucient de rien d’autre : comme on l’a souligné plus haut, la vie privée des familles de travailleurs est la seule chose que les capitalistes paient. Mais c’est précisément Marx qui fait ressortir le fait (que Smith et Ricardo avaient déjà entrevu confusément) que c’est justement la reproduction que les capitalistes paient, et rien d’autre.
Salaire au travail domestiqueUne variante radicale de la théorie de la reproduction de la force de travail (social reproduction theory), c’est le mouvement pour un salaire au travail domestique : puisque les femmes, en reproduisant la force de travail par leur travail ménager, sont le fondement même du capitalisme, ce travail devrait être payé. (Voir Mariarosa Della Costa, Silvia Federici et autres.)
La reproduction, on l’a vu, est bien prise en compte par les capitalistes. Elle est payée, dans l’ensemble à sa valeur. Le problème qui se pose, me semble-t-il, c’est que le salaire qui paie cette reproduction ne va pas spécialement dans les mains de la personne (plus souvent la femme) qui en fait le plus pour la reproduction. Ou bien, dans le ménage, l’homme seul travaille et c’est donc lui qui touche un salaire et l’épouse est alors entretenue par lui. Ou bien ils travaillent tous les deux, mais l’inégalité de salaire fait qu’une bonne partie du revenu du ménage est, dans ce cas encore, « détourné » par les mains du mari.
Le mouvement pour un salaire au travail domestique trouvait que l’État, puisque c’est l’État des capitalistes, « n’a qu’à » payer. Cela semble un manque de compréhension du budget de l’État et du salaire indirect.
La question des femmes et le socialismePour ceux qui ne sont pas seulement marxistes en chambre, la perspective est de renverser le capitalisme et de le remplacer par le socialisme (pour y réaliser la nécessaire et sans doute longue transition vers une société communiste). Le socialisme ne résout pas de lui-même tous les problèmes des femmes. Encore faut-il le vouloir et le décider.
Cependant, beaucoup de choses sont possibles sous le capitalisme et beaucoup de luttes valent la peine d’être menées. La seule chose essentielle au capitalisme, c’est ce qui le définit, l’exploitation du prolétariat. Supprimer l’exploitation est la seule chose impossible à l’intérieur du capitalisme : supprimer l’exploitation, c’est supprimer le capitalisme et installer le socialisme. Tout le reste est possible en principe. Lénine explique ça mieux que je ne pourrais le faire dans son article « Une caricature du marxisme et à propos de l’ “économisme impérialiste” » (1916, Zvezda, nos 1 et 2, 1924, Œuvres, tome 23, p. 27‑83) au chapitre 6. Les autres questions politiques abordées et dénaturées par P. Kievski à propos du divorce entre autres. Là Lénine fait la distinction entre la possibilité d’obtenir un droit et les conditions de son exercice. Il est difficile à une femme de divorcer si elle est trop pauvre pour vivre de manière indépendante. En outre, le capitalisme risque toujours de revenir sur ce qu’il a concédé. Ainsi la différence entre capitalisme et socialisme (sauf l’exploitation) n’est pas tant sur ce qui est possible en principe, que sur ce qui peut être réalisé mieux en pratique, plus effectivement, et de manière plus durable.
La nécessité de l’unité des prolétaires hommes et femmes dans la lutte pour le renversement du capitalisme et l’établissement du socialisme n’implique pas que les femmes ne puissent pas (avec ou sans le soutien des hommes) mener leurs propres luttes.