Dominique Meeùs
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Chapitre 15. — Variations respectives du prix de la force de travail et de la plus-value

Table of contents

P. 581 et suivantes.
4. Variations simultanées de la durée, de l’intensité et de la force productive du travail
Capital I, 1983, p. 590 et suivantes.
Capital I, É.S. (en 8 vol.), t. 2, chapitre 17, p. 198.

p. 592 haut2. Augmentation de l’intensité et de la, force productive du travail, simultanément à un raccourcissement de la journée de travail :

D’un côté, l’élévation de la force productive du travail et l’accroissement de son intensité agissent dans le même sens. L’une et l’autre augmentent la masse de produit visée dans chaque segment de temps, et raccourcissent donc la partie de la journée de travail dont le travailleur a besoin pour produire ses moyens de subsistance ou leur équivalent. La limite minimale absolue de la journée de travail est constituée par cette partie d’elle-même qui est nécessaire, mais contractable. Si toute la journée de travail se rétrécissait jusqu’à ce niveau, le surtravail disparaîtrait, ce qui, sous le régime du capital, est impossible. L’élimination de la forme de production capitaliste permet de restreindre la journée de travail au seul travail nécessaire. Mais celui-ci, tous autres facteurs demeurant les mêmes par ailleurs, étendrait alors son espace. D’une part, parce que les conditions de vie du travailleur seraient plus opulentes et ses attentes de l’existence plus ambitieuses. D’autre part, une partie du surtravail actuel compterait dans le travail nécessaire, à savoir la part de travail requise pour l’obtention d’un fonds social de réserve et d’accumulation.

Le surtravail enrichit le capitaliste. Celui-ci en fait ce qu’il veut. Il peut décider de ne pas tout consommer, mais de consacrer une partie de la plus-value à élargir la reproduction. Bien qu’historiquement cela ait amené une amélioration des conditions de vie des travailleurs, le but du capitaliste est d’élargir la base de son exploitation. Cela n’appartient donc pas aux travailleurs et ce n’est pas d’abord à leur avantage.

Au contraire, sous le socialisme, le progrès appartient aux travailleurs. C’est une composante de salaire indirect qui donc, pour Marx, « compterait dans le travail nécessaire ».

Plus la force productive du travail s’accroît, plus on peut raccourcir la journée de travail, et plus la journée de travail est p. 593abrégée, plus l’intensité du travail peut s’accroître. Du point de vue social, la productivité du travail augmente aussi avec l’économie qu’on en fait. Celle-ci n’implique pas seulement qu’on économise les moyens de production, mais qu’on évite toute espèce de travail inutile. Alors que le mode de production capitaliste contraint à faire des économies dans toute entreprise individuelle, son système de concurrence anarchique engendre les plus immenses gaspillages de moyens sociaux de production et de forces de travail, en même, temps qu’un nombre faramineux de fonctions aujourd’hui indispensables, mais en soi totalement superflues.

Sous le socialisme, « un nombre faramineux de fonctions aujourd’hui indispensables, mais en soi totalement superflues » pourraient être supprimées et libérer de la force de travail pour des activités plus utiles. C’est une forme d’augmentation de la productivité.

On remarque en passant que Marx est plus souple, plus ouvert d’esprit que ceux qui ont discuté du travail productif dans les années 70 du 20e siècle. (Voir une note sur le débat dans la revue Contradictions.) Chez Marx, il n’y a pas que l’arithmétique élémentaire de la partie nécessaire ou non de la journée de travail (à un niveau d’abstraction, de simplification extrême) ; il y a aussi une vision sociale et historique. Marx peut changer de niveau d’abstraction.

p. 593 ⅓À intensité et force productive du travail données, la partie de la journée de travail nécessaire à la production matérielle est d’autant plus courte, et donc la partie de temps conquise pour des occupations libres, spirituelles et sociales des individus est d’autant plus grande que le travail est plus uniformément réparti entre tous les membres de la société en mesure de travailler et qu’il est moins possible qu’une couche de la société se défasse de la nécessité naturelle du travail pour en accabler une autre couche sociale. Dans cette perspective, la limite absolue du raccourcissement de la journée de travail est la généralisation universelle du travail. Tandis que dans la société capitaliste, on produit du temps libre pour une classe en transformant tout le temps de vie des masses en temps de travail.