Dominique Meeùs
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Chapitre 10 — Le concept de plus-value relative

Livre I, p. 351 et suivantes.
Livre I (1948), t. 2, p. 7 et suivantes.

Pour la obtenir la valeur nouvelle créée dans une journée de travail, le capitaliste a dû avancer du capital constant pour acheter la force de travail. La plus-value est ce qui reste de valeur nouvelle créé après déduction du capital constant dépensé. La plus-value augmente évidemment si, à valeur égale de force de travail, on augmente la durée de la journée de travail. Cette plus-value augmentée par l’allongement de la journée de travail, c’est ce que Marx appelle la plus-value absolue. Si la valeur de la force de travail avait diminué, la partie de la valeur de journée de travail qui compense le capital constant diminue et le reste, la plus-value, augmente donc, sans allonger la journée. Cette plus-value augmentée par le changement de la proportion de capital variable, c’est ce que Marx appelle la plus-value relative.

L’augmentation relative de plus-value dépend peu de ce que fait le capitaliste individuel. Elle vient de la baisse de la valeur de la force de travail, donc de la baisse de la valeur des biens de subsistance des vendeurs de la force de travail, de la hausse de productivité dans les secteurs qui les produisent (et donc dans les secteurs qui produisent les équipements pour les secteurs qui…). L’augmentation relative de plus-value est donc un effet d’ensemble, dont les capitalistes bénéficient tous, collectivement. Un capitaliste individuel, même du secteur des biens de subsistance, ne peut rien y faire. Son influence sur la valeur d’ensemble est négligeable. Il n’a donc aucune propension à améliorer sa productivité en vue d’obtenir de la plus-value relative. Son augmentation de productivité aurait une influence insensible sur la valeur de la force de travail.

Un capitaliste individuel a cependant bien intérêt à augmenter sa productivité : tant qu’il est le seul (ou qu’ils sont en petite minorité, s’ils sont plus d’un), il produit en un temps plus court que le temps socialement nécessaire déterminant la valeur, mais comme il n’affecte que marginalement (autant dire pas du tout) ce temps socialement nécessaire, donc la valeur de la marchandise, il obtient sur la journée, en produisant plus de ces marchandises, plus de valeur (nominalement inchangée) que les autres. C’est une forme de surplus que Marx appelle plus-value extra.

(Ci-dessus, c’est moi qui met en évidence les termes Extra-Mehrwerth, plus-value extra, extra-meerwaarde, extra surplus-value.)

Ainsi, aucun capitaliste ne peut par lui-même obtenir une plus-value relative et ne peut donc avoir aucune propension à la rechercher, en tant que plus-value relative. Par contre, chaque capitaliste a une propension à se faire de la plus-value extra par augmentation de productivité. Lorsque le truc est éventé et le nouveau procédé généralisé, le capitaliste qui a introduit le nouveau procédé perd son avantage de plus-value extra ; la valeur du produit concerné diminue ; la valeur de la force de travail diminue (du moins si ce produit en est constitutif directement ou indirectement) ; tous les capitalistes engrangent de ce fait une plus-value relative qu’aucun d’entre eux n’a recherchée comme telle.

Ceci est une considération de Marx de la plus haute importance, mais qu’on peut ne pas apercevoir, perdue qu’elle est dans la discussion de la plus-value relative, au milieu de longues comparaisons en shillings et en pence (mes […] dans les citations ci-dessus). L’expression de Marx est plus-value extra, et toutes les traductions reprennent extra, qui en devient ainsi un concept reconnaissable, même s’il est un peu caché. (Malheureusement la traduction de 1983, avec « survaleur supplémentaire », n’éprouve ici encore aucun respect d’un usage bien établi.)