Dominique Meeùs
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Chapitre 37 (L. III) — Considérations préliminaires

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Livre III, t. 3, pp. 8-31.

… d’une part, il [le mode capitaliste de production] débarrasse complètement la propriété foncière de tous les rapports de domination et de servitude et, d’autre part, il a séparé complètement le sol et le fonds, en tant que moyen de travail, de la propriété et du propriétaire foncier…

Éditions sociales, Capital en huit volumes, vol. 7 (vol. 2 du Livre III), p. 10.

Mots-clefs : ❦ agriculture, contradiction avec les fluctuations de prix ❦ agriculture, contradiction avec le profit immédiat ❦ agriculture, conditions d’existence des générations futures

Mots-clefs : ❦ rationalisation de l’agriculture par le mode capitaliste de production

p. 10½La rationalisation de l’agriculture, qui seule rend possible son exploitation sociale et le fait d’avoir ramené ad absurdum la propriété foncière : tels sont les deux grands mérites du mode capitaliste de production. Comme tous ses autres progrès historiques, la production capitaliste a accompli celui-ci en réalisant d’abord l’appauvrissement total du producteur direct.

Mots-clefs : ❦ amélioration du sol, engrais, canaux de drainage, nivellements…

p. 11½Du capital peut être fixé dans le sol, lui être incorporé, plus ou moins passagèrement, dans le cas d’améliorations de nature chimique, l’engrais par exemple, ou de façon plus durable, s’il s’agit de canaux de drainage, de systèmes d’irrigation, de nivellements, de bâtiments d’exploitation, etc. J’ai appelé 102 ailleurs le capital ainsi incorporé au sol la terre-capital [en français dans le texte, N. R.]. Il entre dans la catégorie du capital fixe. L’intérêt correspondant au capital incorporé au sol et aux améliorations que le sol en tant qu’instrument de production subit de ce fait peut constituer une partie de la rente que le fermier paie au propriétaire foncier 103, mais ne constitue pas la rente foncière proprement dite qui est payée pour l’utilisation du sol lui-même, qu’il soit dans son état naturel ou cultivé. […] Les investissements de capitaux, plutôt temporaires, qu’entrainent les procès de production habituels dans l’agriculture sont tous assumés, sans exception, par le fermier. Ces investissements, comme d’ailleurs, en général, la simple mise en culture, si elle est assurée de façon quelque peu rationnelle et ne se réduit pas p. 12à un épuisement brutal du sol, comme chez les anciens propriétaires d’esclaves américains (Messieurs les propriétaires fonciers se garantissent d’ailleurs dans le contrat contre cette éventualité), améliorent le sol 104, augmentent sa production et transforment la terre de simple matière en terre-capital. Un champ cultivé a plus de valeur qu’un champ inculte à valeur naturelle égale. Même les capitaux fixes plus durables, incorporés A la terre, qui s’usent assez lentement, sont fournis pour l’essentiel, et en certains secteurs souvent totalement, par le fermier.

Mots-clefs : ❦ agriculture rationnelle, obstacle de la propriété foncière

p. 12⅔Mais en même temps cette pratique [appropriation de la terre-capital par le propriétaire foncier, D.M.] est un des plus grands obstacles à la rationalisation de l’agriculture, étant donné que le fermier évite toutes les améliorations et dépenses dont il ne saurait escompter la récupération totale pendant la durée de son fermage.

C’est une contradiction du capitalisme : d’un côté il permet une rationalisation de l’agriculture et introduit de nouvelles possibilités techniques ; d’un autre côté, il est freiné par la propriété foncière du sol, qui dissuade d’investir.

Mots-clefs : ❦ surplus ❦ surtravail ❦ productivité du travail agricole ❦ production de nourriture

p. 24⅓La base même du surtravail, fondée dans la nature des choses, la condition naturelle, sans laquelle il n’existerait pas, est que la nature — sous forme de produits du sol, végétaux ou animaux, ou encore sous forme de pêcheries, etc. — assure les moyens de subsistance nécessaires, le temps de travail employé à cet effet n’absorbant pas la journée de travail tout entière. Cette productivité naturelle du travail agricole (qui comprend ici simplement la cueillette, la chasse, la pêche, l’élevage) est la base de tout surtravail ; comme tout travail, il tend en premier lieu, à l’origine, à s’approprier et produire de la nourriture.

Mots-clefs : ❦ surtravail, condition objective ❦ surtravail, limite ❦ travail nécessaire ❦ production des moyens de subsistance ❦ surproduit agricole ❦ division du travail entre agriculteurs et industriels

p. 26⅔Ces conditions d’existence de la plus-value sont les suivantes : il faut que les producteurs directs travaillent au delà du temps nécessaire à la reproduction de leur force de travail, à leur propre reproduction. Ils doivent accomplir du surtravail. Voilà la condition subjective. La condition objective est qu’ils puissent également accomplir du surtravail, que les conditions naturelles soient telles qu’une partie de leur temps de travail disponible suffise à leur reproduction et à leur propre conservation en tant que producteurs, et que la production des moyens de subsistance nécessaires n’accapare pas toute leur force de travail. La fécondité de la nature constitue ici une limite, un point de départ, une base. Par ailleurs, le développement de la force productive sociale de leur travail constitue l’autre limite. Poussons plus avant notre analyse : comme la production des moyens de subsistance est la toute première condition de la vie et de toute production en général, le travail dépensé pour cette production (travail agricole au sens économique le plus p. 27large) doit être suffisamment rentable pour que la totalité du temps de travail disponible ne soit pas absorbée par la production de moyens de subsistance pour les producteurs directs ; bref, pour qu’un surtravail agricole, donc un surproduit agricole, soit possible. Poursuivons : il faut que la totalité du travail agricole — travail nécessaire et surtravail — d’une partie de la société suffise à produire les moyens de subsistance nécessaires pour la société tout entière, par conséquent pour les travailleurs non agricoles également ; de sorte que la grande division du travail entre agriculteurs et industriels soit possible, de même que la division entre agriculteurs produisant de la nourriture et agriculteurs produisant des matières premières. Bien que le travail des producteurs directs de moyens de subsistance se divise, pour eux-mêmes, en travail nécessaire et surtravail, il représente ainsi, du point de vue de la société, le travail nécessaire à la seule production des moyens de subsistance.

Notes
102
Misère de la philosophie. Dans cet ouvrage, je distingue la terre-matière et la terre-capital. « Rien qu’à appliquer à des terres, déjà transformées en moyens de production, de nouvelles mises de capital, on augmente la terre-capital sans rien ajouter a la terre-matière, c’est-à-dire a l’étendue du terrain… La terre-capital n’est pas plus éternelle que tout autre capital… La terre-capital est un capital fixe, mais le capital fixe s’use aussi bien que les capitaux circulants. » [Éditions sociales, 1947, p. 128.]
103
Je dis blen : « peut » parce que cet intérêt, dans certaines conditions, est déterminé par la loi de la rente foncière ; il est susceptible, par conséquent, de disparaitre ; par exemple, dans le cas de la concurrence de nouvelles terres d’une grande fertilité naturelle.
104
Voir James Anderson et Carey.
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