Dominique Meeùs
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Anti-Dühring, Introduction, chapitre 1 — Généralités
Il y a historiquement, pour Engels, deux visions du monde ou modes ou formes de pensée : dialectique ou métaphysique. Il caractérise la manière de voir dialectique comme la prise en compte du changement et de la coexistence d’aspects opposés, d’actions réciproques, par opposition à ce qu’il appelle mode de pensée métaphysique, qui approche les choses et les processus comme fixes et isolés. Je trouve, comme dans la préface à la deuxième édition, que son exposé de l’histoire de la pensée, cette opposition de deux écoles, est schématique. Il est excessif de parler ci-dessous de « l’étroitesse d’esprit spécifique des derniers siècles, le mode de pensée métaphysique », pour les siècles où la pensée s’est dégagée de la religion et est devenue plus matérialiste. Il admet cependant qu’une approche analytique est une étape nécessaire du développement de la science.
p. 52 ⅕Cependant, à côté et à la suite de la philosophie française du 18e siècle, la philosophie allemande moderne était née et avait trouvé son achèvement en Hegel. Son plus grand mérite fut de revenir à la dialectique comme à la forme suprême de la pensée. Les philosophes grecs de l’antiquité étaient tous dialecticiens par naissance, par excellence de nature, et l’esprit le plus encyclopédique d’entre eux, Aristote, a déjà étudié les formes les plus essentielles de la pensée dialectique. La philosophie moderne, par contre, bien que la dialectique y eût aussi de brillants représentants (par exemple Descartes et Spinoza), s’était de plus en plus embourbée, surtout sous l’influence anglaise, dans le mode de pensée dit métaphysique, qui domine aussi presque sans exception les Français du 18e siècle, du moins dans leurs œuvres spécialement philosophiques. En dehors de la philosophie proprement dite, ils étaient néanmoins en mesure de produire des chefs-d’œuvre de dialectique ; nous rappellerons seulement le Neveu de Rameau de Diderot et le Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes de Rousseau. — Indiquons ici, brièvement, l’essentiel des deux méthodes ; nous y reviendrons encore dans le détail.
p. 52 ½Lorsque nous soumettons à l’examen de la pensée la nature ou l’histoire humaine ou notre propre activité mentale, ce qui s’offre d’abord à nous, c’est le tableau d’un enchevêtrement infini de relations et d’actions réciproques, où rien ne reste ce qu’il était, là où il était et comme il était, mais où tout se meut, change, devient et périt. Nous voyons donc d’abord le tableau d’ensemble dans lequel les détails s’effacent encore plus ou moins ; nous prêtons plus d’attention au mouvement, aux passages de l’un à l’autre, aux enchaînements qu’à ce qui se meut, passe et s’enchaîne. Cette manière primitive, naïve, mais correcte quant au fond, d’envisager le monde est celle des philosophes grecs de l’antiquité, et le premier à la formuler clairement fut Héraclite : Tout est et n’est pas, car tout est fluent, tout est sans cesse en train de se transformer, de devenir et de périr. Mais cette manière de voir, si correctement qu’elle saisisse le caractère général du tableau que présente l’ensemble des phénomènes, ne suffit pourtant pas à expliquer les détails dont ce tableau d’ensemble se compose ; et tant que nous ne sommes pas capables de les expliquer, nous n’avons pas non plus une idée nette du tableau d’ensemble. Pour reconnaître ces détails, nous sommes obligés de les détacher de leur enchaînement naturel ou historique et de les étudier p. 53individuellement dans leurs qualités, leurs causes et leurs effets particuliers, etc. C’est au premier chef la tâche de la science de la nature et de la recherche historique, branches d’investigation qui, pour d’excellentes raisons, ne prenaient chez les Grecs de la période classique qu’une place subordonnée puisque les Grecs avaient auparavant à rassembler les matériaux. Il faut d’abord avoir réuni, jusqu’à un certain point, des données naturelles et historiques pour pouvoir passer au dépouillement critique, à la comparaison ou à la division en classes, ordres et genres. Les rudiments de la science exacte de la nature ne sont développés que par les Grecs de la période alexandrine, et plus tard, au moyen âge, par les Arabes ; encore une science effective de la nature ne se rencontre-t-elle que dans la deuxième moitié du 15e siècle, date depuis laquelle elle a progressé à une vitesse sans cesse croissante. La décomposition de la nature en ses parties singulières, la séparation des divers processus et objets naturels en classes déterminées, l’étude de la constitution interne des corps organiques dans la variété de leurs aspects anatomiques, telles étaient les conditions fondamentales des progrès gigantesques que les quatre derniers siècles nous ont apportés dans la connaissance de la nature. Mais cette méthode nous a également légué l’habitude d’appréhender les objets et les processus naturels dans leur isolement, en dehors de la grande connexion d’ensemble, par conséquent non dans leur mouvement, mais dans leur repos ; comme des éléments non essentiellement variables, mais fixes ; non dans leur vie, mais dans leur mort. Et quand, grâce à Bacon et à Locke, cette manière de voir passa de la science de la nature à la philosophie, elle produisit l’étroitesse d’esprit spécifique des derniers siècles, le mode de pensée métaphysique.
p. 53 ⅔Pour le métaphysicien, les choses et leurs reflets dans la pensée, les concepts, sont des objets d’étude isolés, à considérer l’un après l’autre et l’un sans l’autre, fixes, rigides, donnés une fois pour toutes. Il ne pense que par antithèses sans moyen terme : il dit oui, oui, non, non ; ce qui va au-delà ne vaut rien. Pour lui, ou bien une chose existe, ou bien elle n’existe pas ; une chose ne peut pas non plus être à la fois elle-même et une autre. Le positif et le négatif s’excluent absolument ; la cause et l’effet s’opposent de façon tout aussi rigide. Si ce mode de penser nous paraît au premier abord tout à fait plausible, c’est qu’il est celui de ce qu’on appelle le bon sens. Mais si respectable que soit ce compagnon tant qu’il reste cantonné dans le domaine prosaïque de ses quatre murs, le bon sens connaît des aventures tout à fait étonnantes dès qu’il se risque dans le vaste monde de la recherche, et la manière de voir métaphysique, si justifiée et si nécessaire soit-elle dans de vastes domaines dont l’étendue varie selon la nature de l’objet, se heurte toujours, tôt ou tard, à une barrière au-delà de laquelle elle devient étroite, bornée, abstraite, et se perd en contradictions insolubles : p. 54la raison en est que, devant les objets singuliers, elle oublie leur enchaînement ; devant leur être, leur devenir et leur périr; devant leur repos, leur mouvement ; les arbres l’empêchent de voir la forêt. Pour les besoins de tous les jours, nous savons, par exemple, et nous pouvons dire avec certitude, si un animal existe ou non ; mais une étude plus précise nous fait trouver que ce problème est parfois des plus embrouillés, et les juristes le savent très bien, qui se sont évertués en vain à découvrir la limite rationnelle à partir de laquelle tuer un enfant dans le sein de sa mère est un meurtre ; et il est tout aussi impossible de constater le moment de la mort, car la physiologie démontre que la mort n’est pas un événement unique et instantané, mais un processus de très longue durée. Pareillement, tout être organique est, à chaque instant, le même et non le même ; à chaque instant, il assimile des matières étrangères et en élimine d’autres, à chaque instant des cellules de son corps dépérissent et d’autres se forment ; au bout d’un temps plus ou moins long, la substance de ce corps s’est totalement renouvelée, elle a été remplacée par d’autres atomes de matière, de sorte que tout être organisé est constamment le même et cependant un autre. À considérer les choses d’un peu près, nous trouvons encore que les deux pôles d’une contradiction, comme positif et négatif, sont tout aussi inséparables qu’opposés et qu’en dépit de toute leur valeur d’antithèse, ils se pénètrent mutuellement ; pareillement, que cause et effet sont des représentations qui ne valent comme telles qu’appliquées à un cas particulier, mais que, dès que nous considérons ce cas particulier dans sa connexion générale avec l’ensemble du monde, elles se fondent, elles se résolvent dans la vue de l’action réciproque universelle, où causes et effets permutent continuellement, où ce qui était effet maintenant ou ici, devient cause ailleurs ou ensuite, et vice versa.
Anti-Dühring, Introduction, chapitre 1 — Généralités
Alle diese Vorgänge und Denkmethoden passen nicht in den Rahmen des metaphysischen
Denkens hinein. Für die Dialektik dagegen, die die Dinge und ihre begrifflichen Abbilder
wesentlich in ihrem Zusammenhang, ihrer Verkettung, ihrer Bewegung, ihrem Entstehn
und Vergehn auffaßt, sind Vorgänge wie die obigen, ebensoviel Bestätigungen ihrer
eignen Verfahrungsweise. Die Natur ist die Probe auf die Dialektik, und wir müssen
es der modernen Naturwissenschaft nachsagen, daß sie für diese Probe ein äußerst reichliches,
sich täglich häufendes Material geliefert und damit bewiesen hat, daß es in der Natur,
in letzter Instanz, dialektisch und nicht metaphysisch hergeht. que la nature ne se meut pas dans l’éternelle monotonie d’un cycle sans cesse répété,
mais parcourt une histoire effective. Avant tout autre, il faut citer ici Darwin,
qui a porté le coup le plus puissant à la conception métaphysique de la nature en
démontrant que toute la nature organique actuelle, les plantes, les animaux et, par
conséquent, l’homme aussi, est le produit d’un processus d’évolution qui s’est poursuivi
pendant des millions d’années.
Da aber die Naturforscher bis jetzt zu zählen sind, die dialektisch zu denken gelernt
haben, so erklärt sich aus diesem Konflikt der entdeckten Resultate mit der hergebrachten
Denkweise die grenzenlose Verwirrung, die jetzt in der theoretischen Naturwissenschaft
herrscht und die Lehrer wie Schüler, Schriftsteller wie Leser zur Verzweiflung bringt.
p. 54, ⅔ Tous ces processus, toutes ces méthodes de pensée n’entrent pas dans le cadre de la pensée métaphysique. Pour la dialectique, par contre, qui appréhende les choses et leurs reflets conceptuels essentiellement dans leur connexion, leur enchaînement, leur mouvement, leur naissance et leur fin, les processus mentionnés plus haut sont autant de vérifications du comportement qui lui est propre. La nature est le banc d’essai de la dialectique et nous devons dire à l’honneur de la science moderne de la nature qu’elle a fourni pour ce banc d’essai une riche moisson de faits qui s’accroît tous les jours, en prouvant ainsi que dans la nature les choses se passent, en dernière analyse, dialectiquement et non métaphysiquement, que la nature ne se meut pas dans l’éternelle monotonie d’un cycle sans cesse répété, mais parcourt une histoire effective. Avant tout autre, il faut citer ici Darwin, qui a porté le coup le plus puissant à la conception métaphysique de la nature en démontrant que toute la nature organique actuelle, les plantes, les animaux et, par conséquent, l’homme aussi, est le produit d’un p. 55processus d’évolution qui s’est poursuivi pendant des millions d’années. Mais comme jusqu’ici on peut compter les savants qui ont appris à penser dialectiquement, le conflit entre les résultats découverts et le mode de pensée traditionnel explique l’énorme confusion qui règne actuellement dans la théorie des sciences de la nature et qui met au désespoir maîtres et élèves, auteurs et lecteurs.
Al deze processen en denkmethoden passen niet in het raam van het metafysische denken.
Voor de dialectiek echter, die de dingen en hun afbeeldingen in het denken wezenlijk
in hun verband, hun aaneenschakeling, hun beweging, hun ontstaan en vergaan opvat,
voor haar zijn verschijnselen als hierboven genoemd evenzoveel bevestigingen van haar
eigen methode. De natuur is de proef op de dialectiek. En wij moeten erkennen dat
de moderne natuurwetenschap voor deze proef een uiterst rijk, dagelijks toenemend,
materiaal heeft geleverd en daarmee heeft bewezen dat het in de natuur in laatste
instantie dialectisch, en niet metafysisch toegaat. que la nature ne se meut pas dans l’éternelle monotonie d’un cycle sans cesse répété,
mais parcourt une histoire effective. Avant tout autre, il faut citer ici Darwin,
qui a porté le coup le plus puissant à la conception métaphysique de la nature en
démontrant que toute la nature organique actuelle, les plantes, les animaux et, par
conséquent, l’homme aussi, est le produit d’un processus d’évolution qui s’est poursuivi
pendant des millions d’années.
Omdat echter de natuuronderzoekers die dialectisch hebben leren denken tot heden te
tellen zijn, is uit dit conflict tussen de ontdekte resultaten en de overgeleverde
denkwijze de grenzeloze verwarring te verklaren die nu in de theoretische natuurwetenschap
heerst en die zowel leraar als leerling, schrijver als lezer wanhopig maakt.
None of these processes and modes of thought enters into the framework of metaphysical
reasoning. Dialectics, on the other hand, comprehends things and their representations,
ideas, in their essential connection, concatenation, motion, origin, and ending. Such
processes as those mentioned above are, therefore, so many corroborations of its own
method of procedure. Nature is the proof of dialectics, and it must be said for modern
science that it has furnished this proof with very rich materials increasing daily,
and thus has shown that, in the last resort, nature works dialectically and not metaphysically.
que la nature ne se meut pas dans l’éternelle monotonie d’un cycle sans cesse répété,
mais parcourt une histoire effective. Avant tout autre, il faut citer ici Darwin,
qui a porté le coup le plus puissant à la conception métaphysique de la nature en
démontrant que toute la nature organique actuelle, les plantes, les animaux et, par
conséquent, l’homme aussi, est le produit d’un processus d’évolution qui s’est poursuivi
pendant des millions d’années.
But the naturalists who have learned to think dialectically are few and far between,
and this conflict of the results of discovery with preconceived modes of thinking
explains the endless confusion now reigning in theoretical natural science, the despair
of teachers as well as learners, of authors and readers alike.
Le passage ajouté (sans avertissement !) dans l’édition française n’appartient en fait pas à l’Anti-Dühring, mais a été ajouté par Engels dans la brochure Socialisme utopique. Le volume 25 des MECW donne après l’Anti-Dühring, p. 630 un inventaire de telles additions et le passage dont question ci-dessus est mentionné p. 633.
Il met le doigt sur quelque chose d’important, mais dans une généralité excessive et pompeuse et avec une suffisance à l’égard des savants qui parfois « me mettent au désespoir ».
Anti-Dühring, Introduction, chapitre 1 — Généralités
Engels souligne l’importance de l’hypothèse de Kant-Laplace. Il y revient au chapitre 6.
p. 22 ½Eine exakte Darstellung des Weltganzen, seiner Entwicklung und der der Menschheit, sowie des Spiegelbildes dieser Entwicklung in den Köpfen der Menschen, kann also nur auf dialektischem Wege, mit steter Beachtung der allgemeinen Wechselwirkungen des Werdens und Vergehens, der fort- oder rückschreitenden Änderungen zustande kommen. Und in diesem Sinn trat die neuere deutsche Philosophie auch sofort auf. Kant eröffnete seine Laufbahn damit, daß er das stabile Newtonsche Sonnensystem und seine — nachdem der famose erste Anstoß einmal gegeben — ewige Dauer auflöste in einen geschichtlichen Vorgang: in die Entstehung der Sonne und aller Planeten aus einer rotierenden Nebelmasse. Dabei zog er bereits die Folgerung, daß mit dieser Entstehung ebenfalls der künftige Untergang des Sonnensystems notwendig gegeben sei. [*] Seine Ansicht wurde ein halbes Jahrhundert später durch Laplace mathematisch begründet, und noch ein halbes Jahrhundert später wies das Spektroskop die Existenz solcher glühenden Gasmassen, in verschiednen Stufen der Verdichtung, im Weltraum nach. [**]
[*] Die Nebulartheorie Kants, nach der „alle jetzigen Weltkörper aus rotierenden Nebelmassen" (Engels) entstanden sind, ist dargelegt in seiner 1755 in Königsberg und Leipzig anonym erschienenen Schrift „Allgemeine Naturgeschichte und Theorie des Himmels, oder Versuch von der Verfassung und dem mechanischen Ursprünge des ganzen Weltgebäudes, nach Newtonischen Grundsätzen abgehandelt“. Uber Kants Entdeckung, daß die Erdrotation durch die Meeresflutwelle gehemmt wird, siehe das Kapitel „Flutreibung. Kant und Thomson-Tait“ (im vorl. Band, S.384-389) und die Anm. 233.
[**] Laplace entwickelte seine Hypothese über die Entstehung des Sonnensystems im letzten Kapitel seiner 1795/1796 erschienenen zweibändigen Schrift „Exposition du Systeme du monde“. In der letzten von Laplace besorgten Ausgabe dieser Schrift, die aber erst 1835, nach seinem Tode, erschien, ist seine Hypothese in der Anmerkung VII dargelegt. Die Existenz einer glühenden gasförmigen Substanz im Weltraum, ähnlich den Nebelflecken (glühende Nebelmassen), die die Kant-Laplacesche Nebulartheorie voraussetzte, wurde 1864 von dem englischen Astronomen William Huggins mit Hilfe der 1859 von Gustav Kirchhoff und Robert Bunsen entdeckten Spektralanalyse nachgewiesen. Engels benutzte hier Angelo Secchis Werk „Die Sonne...“, Braunschweig 1872, S.787, 789/790 (siehe vorl. Band, S.539).
p. 55 ⅛Une représentation exacte de l’univers, de son évolution et de celle de l’humanité, ainsi que du reflet de cette évolution dans le cerveau des hommes, ne peut donc se faire que par voie dialectique, en tenant constamment compte des actions réciproques universelles du devenir et du finir, des changements progressifs et régressifs. Et c’est dans ce sens que s’est immédiatement affirmée la philosophie allemande moderne. Kant a commencé sa carrière en résolvant le système solaire stable de Newton et sa durée éternelle — une fois donné le fameux choc initial — en un processus historique : la naissance du soleil et de toutes les planètes à partir d’une masse nébuleuse en rotation. Et il en tirait déjà cette conclusion qu’étant donné qu’il était né, le système solaire devait nécessairement mourir un jour. Cette vue, un demi-siècle plus tard, a été confirmée mathématiquement par Laplace et, un siècle après, le spectroscope a démontré l’existence dans l’univers de semblables masses gazeuses incandescentes à différents degrés de condensation 1.
Een exacte voorstelling van het heelal, van zijn ontwikkeling en van die der mensheid, evenals van het spiegelbeeld van deze ontwikkeling in de hoofden der mensen, kan dus slechts langs de weg van de dialectiek tot stand komen, onder voortdurende inachtneming van de algemene wisselwerkingen van worden en vergaan, van progressieve en regressieve veranderingen. In deze zin trad de nieuwere Duitse filosofie ook terstond op. Kant opende er zijn loopbaan mede, dat hij het stabiele zonnestelsel van Newton en zijn eeuwige duur — nadat de beroemde eerste stoot eenmaal was gegeven — in een historisch proces oploste en wel in het ontstaan van de zon en van alle planeten uit een wentelende nevelmassa. Daarbij maakte hij reeds de gevolgtrekking dat met dit ontstaan eveneens de toekomstige ondergang van het zonnestelsel noodzakelijk gegeven was. Zijn opvatting werd een halve eeuw later door Laplace wiskundig gefundeerd en nog een halve eeuw later toonde de spectroscoop het bestaan van zulke gloeiende gasmassa’s in verschillende verdichtingsgraden in het heelal aan.
Volgens de nevelhypothese van Kant ontwikkelde het zonnestelsel zich uit een elementaire nevelmassa. Deze hypothese zette hij uiteen in zijn werk Allgemeine Naturgeschichte and Theorie des Himmels, oder Versuch von der Verfassung und dem mechanischen Ursprunge des ganzen Weltgebäudes nach Newtonischen Grundsätzen abgehandelt (Algemene natuurlijke historie en hemeltheorie, of een poging om de gesteldheid en de mechanische oorsprong van het heelal volgens de grondstellingen van Newton te behandelen. Koningsbergen en Leipzig 1755). Het boek werd anoniem uitgegeven.
De hypothese van Laplace over de vorming van het zonnestelsel werd voor het eerst uiteengezet in het laatste hoofdstuk van zijn Exposition du système du monde (Uiteenzetting over het wereldstelsel). Vol. I-II, Parijs, het jaar IV van de Franse Republiek (1796).
Het bestaan van gloeiende gasmassa’s in de wereldruimte, gelijkend op de oorspronkelijke nevelmassa die verondersteld werd in de nevelhypothese van Kant en Laplace, werd in 1864 spectroscopisch bewezen door de Engelse astronoom W. Huggins, die in de astronomie de door G. Kirchhoff en R. Bunsen in 1859 uitgevonden spectraalanalyse uitgebreid toepaste. Engels maakte hier gebruik van het boek van A. Secchi Die Sonne, Braunschweig 1872, blz. 787, 789/790.
An exact representation of the universe, of its evolution, of the development of mankind, and of the reflection of this evolution in the minds of men, can therefore only be obtained by the methods of dialectics with its constant regard to the innumerable actions and reactions of life and death, of progressive or retrogressive changes. And in this spirit the new German philosophy has worked. Kant began his career by resolving the stable solar system of Newton and its eternal duration, after the famous initial impulse had once been given, into the result of a historic process, the formation of the sun and all the planets out of a rotating nebulous mass. From this he at the same time drew the conclusion that, given this origin of the solar system, its future death followed of necessity. His theory half a century later was established mathematically by Laplace, and half a century after that the spectroscope proved the existence in space of such incandescent masses of gas in various stages of condensation.
Laplace’s hypothesis of the origin of the solar system was first expounded in the last chapter of his treatise Exposition du systéme du monde, T. I-II, Paris, 4th year of the French Republic {1796}. In the last, sixth edition of this book, prepared during Laplace’s lifetime and published posthumously, in 1835, the hypothesis is expounded in the last, seventh note.
The existence of incandescent masses of gas was proved in 1864 by the English astronomer William Huggins, who made widespread use of the method of spectral analysis (evolved in 1859 by Gustav Kirchhoff and Robert Bunsen) in astronomy. Here Engels used A. Secchi’s Die Sonne, Braunschweig, 1872, pp. 787, 789-90.
Ici, la dialectique, ce sont les relations et le changement, le caractère historique ; c’est un héritage de Hegel, mais qui remonte déjà à Kant.
Anti-Dühring, Introduction, chapitre 1 — Généralités
Ihren Abschluß fand diese neuere deutsche Philosophie im Hegelschen System, worin zum erstenmal — und das ist sein großes Verdienst — die ganze natürliche, geschichtliche und geistige Welt als ein Prozeß, d.h. als in steter Bewegung, Veränderung, Umbildung und Entwicklung begriffen dargestellt und der Versuch gemacht wurde, den inneren Zusammenhang p. 23in dieser Bewegung und Entwicklung nachzuweisen. Von diesem Gesichtspunkt aus erschien die Geschichte der Menschheit nicht mehr als ein wüstes Gewirr sinnloser Gewalttätigkeiten, die vor dem Richterstuhl der jetzt gereiften Philosophenvernunft alle gleich verwerflich sind und die man am besten so rasch wie möglich vergißt, sondern als der Entwicklungsprozeß der Menschheit selbst, dessen allmählichen Stufengang durch alle Irrwege zu verfolgen und dessen innere Gesetzmäßigkeit durch alle scheinbaren Zufälligkeiten hindurch nachzuweisen jetzt die Aufgabe des Denkens wurde.
p. 55 ½Cette philosophie allemande moderne a trouvé sa conclusion dans le système de Hegel, dans lequel, pour la première fois — et c’est son grand mérite — le monde entier de la nature, de l’histoire et de l’esprit était représenté comme un processus, c’est-à-dire comme étant engagé dans un mouvement, un changement, une transformation et une évolution constants, et où l’on tentait de démontrer l’enchaînement interne de ce mouvement et de cette évolution. De ce point de vue, l’histoire de l’humanité n’apparaissait plus comme un enchevêtrement chaotique de violences absurdes, toutes également condamnables devant le tribunal de la raison philosophique arrivée à maturité et qu’il est préférable d’oublier aussi rapidement que possible, mais comme le processus évolutif de l’humanité lui-même ; et la pensée avait maintenant pour tâche d’en suivre la lente marche progressive à travers tous ses détours et de démontrer en elle, à travers toutes les contingences apparentes, la présence de lois.
Deze nieuwere Duitse filosofie vond haar afsluiting met het systeem van Hegel, waarin voor het eerst — en dat is zijn grote verdienste — heel de natuurlijke, historische en geestelijke wereld als een proces, d.w.z. als in voortdurende beweging, verandering, gedaanteverwisseling en ontwikkeling voorgesteld werd en er naar gestreefd werd het innerlijke verband van deze beweging en ontwikkeling op te sporen. Van dit gezichtspunt uit vertoonde zich de geschiedenis der mensheid niet meer als een wilde chaos van zinloze gewelddadigheden die voor de rechterstoel van de nu gerijpte wijsgerige rede alle even verwerpelijk zijn en die men liefst zo snel mogelijk vergeet, maar als het ontwikkelingsproces van de mensheid zelf ; het werd nu de taak van het denken de trapsgewijze ontwikkeling langs alle dwaalwegen te volgen, zijn innerlijke wetmatigheid, door al het schijnbaar toevallige heen aan het tonen.
This new German philosophy culminated in the Hegelian system. In this system — and herein is its great merit — for the first time the whole world, natural, historical, intellectual, is represented as a process, i.e., as in constant motion, change transformation, development; and the attempt is made to trace out the internal connection that makes a continuous whole of all this movement and development. From this point of view the history of mankind no longer appeared as a wild whirl of senseless deeds of violence, all equally condemnable at the judgment-seat of mature philosophic reason and which are best forgotten as quickly as possible, but as the process of evolution of man himself. It was now the task of the intellect to follow the gradual march of this process through all its devious ways, and to trace out the inner law running through all its apparently accidental phenomena.
Anti-Dühring, Introduction, chapitre 1 — Généralités
L’ « enchevêtrement chaotique » dont parle Engels, c’est chez Hegel (en traduction française) « la bousculade informe des événements », expression que j’aime beaucoup parce que je ne saurais mieux dire l’impression que m’ont laissé les cours d’histoire à l’école.
Darum sind für sie [die Philosophie] das Erste nicht die Schicksale, Leidenschaften, die Energie der Völker, neben denen sich dann die Begebenheiten hervordrängen. Sondern der Geist der Begebenheiten, der sie hervortreibt, ist das Erste; er ist der Merkur, der Führer der Völker.
Pour la philosophie le fait premier n’est pas le destin, l’énergie, les passions des peuples et, conjointement, la bousculade informe des événements. Le fait premier pour la philosophie est l’Esprit même des événements, l’Esprit qui les a produits, car c’est lui qui est l’Hermès, le conducteur des peuples.
Thus the destinies, passions, and energies of nations are not its prime consideration [of philosophy], with the events following on in second place. On the contrary, its chief concern is the spirit of the events themselves, the moving spirit within them, for this is the true Mercury, the leader of nations.
Il semble que la « bousculade informe des événements » que j’aime tant doive plus au traducteur français qu’à Hegel. (La question est de savoir si hervordrängen veut dire que les événements découlent de ce qui précède ou qu’ils s’entrechoquent.)
Les Vorlesungen über die Philosophie der Geschichte sont une œuvre posthume publiée en plusieurs versions. (J’ai vu parfois aussi le titre Vorlesungen über die Philosophie der Weltgeschichte, mais je ne sais pas à quelle version ou édition il correspond.) La version la plus ancienne (1837) est due au professeur Eduard Gans, et Die Vernunft in der Geschichte en est l’introduction. Gans s’est basé surtout sur les notes de cours des dernières années (1831-1832). Karl Hegel a contribué à une nouvelle version (1840) qui exploite en priorité les manuscrits de Hegel lui-même et les cours de toute la période (1822-1831). On y trouve encore moins la « bousculade informe des événements ».