Dominique Meeùs
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Anti-Dühring, partie II, Chapitre deuxième. Théorie de la violence Un esclave ne fait pas l’affaire de tout le monde. Pour pouvoir en utiliser un, il faut disposer de deux choses : d’abord des outils et des objets nécessaires au travail de l’esclave et, deuxièmement, des moyens de l’entretenir petitement. Donc, avant que l’esclavage soit possible, il faut déjà qu’un certain niveau dans la production ait été atteint et qu’un certain degré d’inégalité soit intervenu dans la répartition. Et pour que le travail servile devienne le mode de production dominant de toute une société, on a besoin d’un accroissement bien plus considérable encore de la production, du commerce et de l’accumulation de richesse. Dans les antiques communautés naturelles à propriété collective du sol, ou bien l’esclavage ne se présente pas, ou bien il ne joue qu’un rôle très subordonné. De même, dans la Rome primitive, cité paysanne ; par contre, lorsque Rome devint « cité universelle » et que la propriété foncière italique passa de plus en plus aux mains d’une classe peu nombreuse de propriétaires extrêmement riches, la population paysanne fut évincée par une population d’esclaves. Si à l’époque des guerres médiques, le nombre des esclaves s’élevait à Corinthe à 460 000 et à Égine à 470 000, et si leur proportion était de dix par tête d’habitant libre 1, il fallait pour cela quelque chose de plus que de la « violence », à savoir une industrie d’art et un artisanat très développés et un commerce étendu. L’esclavage aux États-Unis d’Amérique reposait beaucoup moins sur la violence que sur l’industrie anglaise du coton ; dans les régions où ne poussait pas de coton ou qui ne pratiquaient pas, comme les États limitrophes, l’élevage des esclaves pour les États cotonniers, il s’est éteint de lui-même, sans qu’on eût à utiliser la violence, simplement parce qu’il ne payait pas.
Sur la transition de la féodalité au capitalisme :
La lutte de la bourgeoisie contre la noblesse féodale est la lutte de la ville contre la campagne, de l’industrie contre la propriété foncière, de l’économie monétaire contre l’économie naturelle, et les armes décisives des bourgeois dans cette lutte furent leurs moyens de puissance économique accrus sans arrêt par le développement de l’industrie, d’abord artisanale, puis progressant jusqu’à la manufacture, et par l’extension du commerce.
« La ville contre la campagne » fait penser plus à Henri Pirenne qu’à Marx. Mais bien sûr, la phrase continue. Reste que la transition est une question difficile, disputée.
Pendant toute cette lutte, la puissance politique était du côté de la noblesse, à l’exception d’une période où le pouvoir royal utilisa la bourgeoisie contre la noblesse pour tenir un ordre en échec par l’autre. Mais dès l’instant où la bourgeoisie, politiquement encore impuissante, commença, grâce à l’accroissement de sa puissance économique, à devenir dangereuse, la royauté s’allia de nouveau à la noblesse et par là provoqua, en Angleterre d’abord, en France ensuite, la révolution de la bourgeoisie.
Ce passage, sur une question abordée déjà au chapitre 10 de la première partie, est cité par Christopher Hill dans la controverse Dobb-Sweezy, Maspero 1977 p. 173-174, pour préciser ce qu’Engels en dit dans l’Origine de la famille….