Dominique Meeùs
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11. Le fascisme

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L’entrée du capitalisme dans sa dernière et suprême étape — dans l’étape de l’impérialisme — signifie, en général, un renforcement de la réaction politique.

La superstructure politique qui coiffe la nouvelle économie, le capitalisme monopoliste (l’impérialisme est le capitalisme des monopoles), c’est le tournant à partir de la démocratie vers la réaction politique. À la libre concurrence correspond la démocratie. Au monopole correspond la réaction politique.

Lénine, « Une caricature du marxisme », Œuvres, tome 23, p. 44.

La crise générale du capitalisme signifie un renforcement aigu de la réaction politique. Lorsque se produit la décomposition du capitalisme et que la classe ouvrière se libère de plus en plus des illusions démocratiques et parlementaires, il devient de moins en moins possible de retenir la classe ouvrière dans la soumission en la trompant par ces illusions. Les méthodes de répression contre la classe ouvrière directement et ouvertement renforcées s’avancent au premier plan. Le capitalisme avait toujours appliqué ces méthodes, surtout après sa transformation en capitalisme impérialiste, mais ce ne sont pas elles qui prédominaient dans le système des moyens à l’aide desquels la bourgeoisie réalisait sa dictature. C’étaient les formes démocratiques p. 351parlementaires de la dictature de la bourgeoisie qui prédominaient. Avec la venue de la crise générale du capitalisme, ce tournant de la démocratie à la réaction politique qui avait commencé déjà dans la période d’avant-guerre de l’impérialisme, s’achève et trouve son expression dans la croissance du fascisme.

Dans les conditions de la crise générale du capitalisme, à partir de la démocratie bourgeoise, qui représente la forme masquée de la dictature de la bourgeoisie, se développe le fascisme, qui est la dictature terroriste ouverte des éléments les plus chauvins et les plus impérialistes du capital financier. Par la voie de l’établissement de la dictature fasciste, le capital financier tente de trouver une issue à la crise aux dépens de la classe ouvrière et des travailleurs. La bourgeoisie a besoin du fascisme pour préparer et pour mener la guerre impérialiste et l’intervention contre l’U.R.S.S. et pour écraser la révolution qui s’avance dans ses propres pays. Le fascisme est un indice de la faiblesse de la bourgeoisie, un symptôme du fait que les bases mêmes du régime capitaliste sont ébranlées.

Il faut regarder la victoire du fascisme en Allemagne, non seulement comme un signe de faiblesse de la classe ouvrière et le résultat des trahisons perpétrées contre celle-ci par la social-démocratie qui a frayé la route au fascisme. Il faut la considérer également comme un signe de faiblesse de la bourgeoisie, comme un signe montrant que cette dernière n’est plus en état d’exercer son pouvoir au moyen des anciennes méthodes de parlementarisme et de démocratie bourgeoise, ce qui l’oblige à recourir, dans sa politique intérieure, aux méthodes de domination par la terreur, comme un signe prouvant qu’elle n’a plus, la force de trouver une issue à la situation actuelle sur la base d’une politique extérieure de paix, ce qui l’oblige à recourir à la politique de guerre. (J. Staline : Deux Mondes, 2e édit., p. 12-13. Bureau d’éditions, 1934.)

Du fait que le fascisme est le fruit de la crise générale du capitalisme et un symptôme de la faiblesse de la bourgeoisie, il ne s’ensuit pas du tout, certes, que la dictature fasciste soit une étape inévitable qui précède la révolution, que l’instauration de la dictature fasciste soit une prémisse de la révolution prolétarienne, que plus vite la dictature fasciste sera instaurée — plus vite le fascisme se démasquera p. 352devant les masses et plus il sera facile de faire la révolution.

Ces théories de gauche représentent, en réalité, la passivité opportuniste devant l’offensive de la bourgeoisie, la capitulation social-démocrate, masquée par des phrases radicales.

L’histoire condamne le capitalisme à la ruine. L’impérialisme, c’est le capitalisme mourant, pourrissant. Mais la bourgeoisie, comme une bête blessée, rassemble toutes ses forces pour écraser son ennemi. Le fascisme est l’offensive déchaînée de la bourgeoisie contre la classe ouvrière. Le capitalisme ne meurt pas de lui-même. Cette « mort » arrive par la voie de son renversement révolutionnaire. Combien de temps ce processus durera-t-il, et combien de victimes coûtera-t-il à la classe ouvrière, — cette question n’est pas du tout indifférente, comme n’est pas indifférente non plus la question de la forme sous laquelle la bourgeoisie réalise sa dictature, — la forme de la démocratie bourgeoise qui donne à la classe ouvrière plus de possibilités pour organiser sa lutte contre le capitalisme, ou la forme de la dictature terroriste fasciste.

Seule, la lutte révolutionnaire tranche la question de savoir si la bourgeoisie réussira ou non à établir sa dictature fasciste dans l’un ou l’autre pays. De même, seule la lutte révolutionnaire tranche la question de savoir si la bourgeoisie réussira ou non à prolonger sa domination, qui signifie actuellement les plus grandes souffrances pour la classe ouvrière. Le prolétariat pourra vaincre la bourgeoisie non dans l’attente opportuniste d’un krach « spontané », automatique, du capitalisme, mais seulement en ripostant à l’offensive fasciste de la bourgeoisie par une contre-offensive révolutionnaire décisive du front unique.

Le 7e congrès de l’Internationale communiste a montré la nécessité d’une lutte décisive aussi bien contre la sous-estimation du danger du fascisme, que contre la surestimation des forces du fascisme :

En soulignant l’accroissement de la menace fasciste dans tous les pays capitalistes, le 7e congrès de l’Internationale communiste met en garde contre toute sous-estimation du danger fasciste. Le congrès repousse également les conceptions fatalistes sur l’inéluctabilité de la victoire du fascisme ; ces conceptions foncièrement erronées ne peuvent qu’engendrer la passivité et affaiblir la lutte de masse contre le fascisme. La classe ouvrière peut empêcher la victoire du fascisme si elle parvient à réaliser l’unité de sa lutte et si, développant à temps p. 353ses actions de combat, elle ne permet pas au fascisme de s’affermir, si elle sait, sous une direction révolutionnaire juste, grouper autour d’elle les grandes masses des travailleurs des villes et des campagnes. (Résolutions. Contre la guerre et le fascisme : l’Unité, p. 9. Bureau d’éditions, 1935.)

Les trois périodes de la crise générale du capitalisme

Le renforcement de l’inégalité du développement dans la période de la crise générale du capitalisme donne un caractère inégal à la révolution prolétarienne mondiale. La chute du capitalisme n’est pas un processus continu de victoires du prolétariat et de défaites de la bourgeoisie. Dans les conditions de la croissance générale de la crise du capitalisme, il y a place non seulement pour des victoires, mais aussi pour des défaites partielles momentanées du prolétariat, qui, cependant, ne changent pas la direction générale du mouvement. Cela est confirmé par toute la marche du développement de la crise générale du capitalisme, dans laquelle il faut distinguer trois périodes.

La première période de la crise générale se caractérise par un accroissement rapide du processus de décomposition du capitalisme qui commença pendant la guerre, et par une croissance rapide sur cette base, de la crise révolutionnaire dans le monde entier sous l’influence de la révolution prolétarienne en Russie. Dans les années qui suivirent immédiatement la guerre, une vague de révolutions, d’insurrections et de batailles économiques et politiques de masse déferla sur l’Europe. Une série d’insurrections et un puissant développement du mouvement révolutionnaire se produisirent dans les colonies.

Dans cette période de très grand essor révolutionnaire, la social-démocratie contre-révolutionnaire, qui s’est mise à la tête du mouvement, afin de le décapiter, a rendu à la bourgeoisie un service inestimable. Il n’existait pas encore dans les pays capitalistes de partis communistes de masse et expérimentés. C’est la cause principale de la victoire momentanée de la bourgeoisie sur le mouvement révolutionnaire. Mais la bourgeoisie ne réussit pas à briser le premier pays de la dictature du prolétariat.

Les premières tentatives de bouleversement révolutionnaire, qui avaient grandi sur la base d’une crise aiguë du capitalisme (1918-1921) se terminèrent par la victoire et le renforcement de la dictature du p. 354prolétariat en U.R.S.S. et par la défaite du prolétariat dans toute une série d’autres pays… Sur la base de ces défaites, qui créèrent la possibilité d’une exploitation renforcée des masses du prolétariat et des peuples coloniaux, sur la base d’une forte baisse de leur niveau de vie, la bourgeoisie arriva à une stabilisation partielle des rapports capitalistes. (Programme de l’I.C. suivi des statuts de l’I.C., p. 17-18. Bureau d’éditions, 1936.)

Vint la seconde période de la crise générale du capitalisme. Au cours de cette période se produit une stabilisation relative provisoire des rapports capitalistes aussi bien intérieurs qu’extérieurs. À l’intérieur des pays capitalistes cela s’exprime par le fait que l’économie ruinée pendant la guerre se reconstitue aux dépens d’un renforcement de l’exploitation de la classe ouvrière (la « rationalisation »), par le fait que, par comparaison avec la période précédente, la domination politique de la bourgeoisie se fortifie dans une certaine mesure. Dans les relations entre les États impérialistes, la stabilisation partielle s’exprimait dans le fait que les liens économiques entre les pays capitalistes, rompus par la guerre, se rétablirent peu à peu et que les impérialistes réussirent à s’entendre au sujet du pillage en commun de l’Allemagne (plan Dawes) et des colonies. Cependant, cette stabilisation ne signifiait pas un retour aux rapports d’avant-guerre, elle n’était pas et ne pouvait pas être solide et durable comme l’affirmaient la social-démocratie et les opportunistes de droite. C’était une stabilisation chancelante, pourrie, — elle se produisait dans les conditions et sur la base de la crise générale du système capitaliste. En même temps que la stabilisation partielle du capitalisme se produisaient la croissance rapide et le renforcement continu de l’U.R.S.S. — de la base de la révolution prolétarienne mondiale. Dans les pays capitalistes, la situation de la classe ouvrière empirait et les contradictions de classe s’aggravaient. Dans cette période se produisent l’accumulation des forces et la consolidation intérieure des partis communistes sous la direction de l’Internationale communiste. La lutte des classes ne s’apaisait pas, elle prenait la forme de mouvements puissants tels que la grève générale et la grève des mineurs en Angleterre en 1926, et que la lutte armée des ouvriers de Vienne en juillet 1927. En même temps, la révolution chinoise se développait, une insurrection populaire se produisait en Indonésie, un mouvement révolutionnaire grandissait aux Indes.

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Les contradictions intérieures de la stabilisation conduisaient non à un affaiblissement, mais à un renforcement de la crise générale du capitalisme.

La stabilisation partielle cause l’accroissement de la crise du capitalisme et la crise grandissante désagrège la stabilisation : telle est la dialectique du développement du capitalisme dans la phase historique actuelle. (J. Staline : Rapport au 15e congrès du P.C. de l’U.R.S.S., p. 6. Bureau d’édition, 1928.)

La croissance des contradictions intérieures du capitalisme dans la période de la stabilisation conduit à la troisième période, qui commença en 1927-1928, quand la production capitaliste dépassa le niveau d’avant-guerre et que, en liaison avec cela, s’aggrava de façon aiguë la contradiction entre les possibilités accrues de la production et les étroites limites du marché. Le dépassement du niveau d’avant-guerre amena tout le monde capitaliste devant une crise économique profonde et aiguë. En même temps, l’U.R.S.S. passait à la reconstruction socialiste et au déploiement de l’offensive socialiste sur tous les fronts.

La troisième période est la période d’un nouvel essor révolutionnaire, la période de l’ébranlement de la stabilisation partielle, une période de forte aggravation de toutes les contradictions du capitalisme. Sous ce rapport, la crise économique mondiale contemporaine a une signification particulière.

La crise économique contemporaine

Le capitalisme d’après-guerre a subi une crise de surproduction en 1920-21. Mais cette crise n’a pas atteint tous les pays. Au contraire, la crise contemporaine, qui commença en 1929 et se développa d’une façon irrégulière, a atteint tous les pays capitalistes et coloniaux et toutes les branches de la production (sauf l’industrie de guerre !).

La crise actuelle est la première crise économique mondiale depuis la guerre. (J. Staline : Deux Bilans, p. 4. Bureau d’éditions, 1930.)

La crise économique contemporaine par sa profondeur et par ses effets destructeurs dépasse de loin toutes les crises p. 356qui ont eu place dans l’histoire du capitalisme. Cela ressort du tableau suivant qui donne le pourcentage de la réduction de la production de la fonte dans les pays capitalistes et le pourcentage de la réduction du commerce mondial dans les crises précédentes et dans la crise contemporaine :

Pourcentage de la réduction
Années de crise Production
mondiale
de la fonte
Commerce
mondial
1873-1874 8   5  
1883-1885 10   4  
1890-1892 6,5  0,5 
1900-1901 0,25 1  
1907-1908 23   7  
1920-1921 44   —  
1929-1934 66   65  

En même temps, la crise provoqua, comme on l’a déjà montré dans les chapitres précédents, une croissance du chômage et une baisse de salaire inouïes, dans l’histoire des crises antérieures. Selon les calculs des économistes bourgeois, les pertes générales, par suite de la crise, dépassent les pertes causées par la guerre impérialiste mondiale de 1914-1918.

Ces dimensions et la profondeur de la crise dévoilent son caractère, en particulier comme crise de surproduction, se développant sur la base de la crise générale du système capitaliste. Il est aussi caractéristique que, à la différence des crises d’avant-guerre, la crise contemporaine ne fut pas précédée d’un essor quelque peu considérable. Ainsi, par exemple, en Allemagne la production industrielle, par rapport à 1928, était, en 1927, de 100 % ; en 1928, de 100 % et en 1929, de 102 %. Aux États-Unis, la production de l’industrie automobile, de 1919 à 1923, a augmenté de 16,9 %, et de 1924 à 1929, seulement de 4,7 %. En Angleterre, il n’y avait pas, en général, d’essor de la production avant la crise.

Dans la période qui précéda la crise dans tous les pays, il existait déjà, comme nous le savons, un ralentissement dans les entreprises et un chômage constant de masse.

La crise contemporaine se distingue de toutes les crises précédentes par sa durée. Auparavant, pendant le cours d’une ou deux années, la chute de la production et des prix atteignait ordinairement son point le plus bas, tandis que p. 357la crise contemporaine dure déjà depuis plus de cinq ans, et représente la plus longue de toutes les crises qu’ait connues l’histoire du capitalisme.

Les causes de cette gravité et de cette durée sans précédent de la crise économique contemporaine consistent, comme l’a montré le camarade Staline, dans ce qui suit.

En premier lieu, la crise industrielle contemporaine a atteint tous les pays capitalistes sans exception. Si certains pays dans lesquels il y a la crise avaient pu vendre une partie de leurs marchandises dans les premiers pays, ils auraient pu manœuvrer aux dépens de ces pays. Mais comme tous les pays capitalistes sont atteints par la crise économique contemporaine, les manœuvres des uns aux dépens des autres sont rendues difficiles.

En second lieu, l’enchevêtrement de la crise industrielle avec la crise agraire, qui a atteint tous les pays agraires et semi-agraires. En résultat de la crise industrielle, les demandes de l’industrie en matières premières agricoles ont diminué. Le chômage et la réduction du salaire chez les ouvriers industriels diminuent la demande en produits alimentaires agricoles. D’autre part, la crise dans l’économie rurale aboutit au fait que celle-ci présente moins de demandes en produits industriels, — en moyens de production et en objets de consommation industriels. Ainsi, l’enchevêtrement de la crise industrielle avec la crise agraire a donné à la crise économique contemporaine un caractère particulièrement grave et durable par comparaison avec les crises précédentes.

En troisième lieu, la crise agraire a atteint non seulement tous les pays, mais aussi toutes les branches de la production de l’économie rurale — non seulement l’agriculture, mais aussi l’élevage des bestiaux. Dans le monde capitaliste, l’économie rurale a subi une forte chute. L’emploi des machines et des engrais artificiels dans l’agriculture s’est fortement réduit. Comme la production des moyens de production pour l’économie rurale représente une partie considérable de la production industrielle, la dégradation de l’économie rurale a fait traîner encore plus en longueur la crise industrielle.

En quatrième lieu, la tendance des organisations monopolistes à maintenir les prix élevés sur les marchandises. D’ordinaire, la chute des prix, qui est l’expression de la crise, aide en même temps à la surmonter ; en résultat de la p. 358chute des prix, les stocks de marchandises s’écoulent et la surproduction s’atténue. La crise traîne d’autant plus en longueur que les prix tombent moins vite. C’est cela qui se passe avec la crise contemporaine. Ainsi, par exemple, en Allemagne, pendant la crise, les prix des marchandises produites par les monopoles sont tombés seulement de 20 % et les prix des marchandises produites par les entreprises qui n’entrent pas dans les cartels monopolistes sont tombés de 50 %. Comme la masse écrasante des marchandises industrielles est produite par les monopoles, l’arrêt de la chute des prix de monopole fait traîner la crise en longueur d’une façon particulièrement forte.

En cinquième lieu, la crise économique contemporaine se produit dans les conditions de la crise générale du système capitaliste. Cela représente le facteur principal, qui donne à la crise économique une acuité et une force de destruction sans précédent dans les crises antérieures.

La crise industrielle s’est déchaînée dans les conditions de la crise générale du capitalisme, au moment où celui-ci n’a déjà plus et ne peut plus avoir, ni dans les principaux pays ni dans les colonies et pays vassaux, la force et la solidité qu’il avait avant la guerre et avant la révolution d’Octobre ; où l’industrie des pays capitalistes a reçu en héritage de la guerre impérialiste un ralentissement chronique des entreprises et une armée de millions de chômeurs, dont elle n’est plus en mesure de s’affranchir. (J. Staline : Deux Mondes, p. 5-6.)

La crise économique mondiale contemporaine s’accompagne d’importants krachs de banques et du dérèglement de la circulation de l’argent dans une série de pays capitalistes. Les paiements des dettes de guerre sont, en fait, arrêtés, les déficits des budgets d’État grandissent et il se produit une chute des cours des devises de pays aussi puissants au point de vue financier que l’Angleterre et les États-Unis, qui sont entrés dans la voie de l’inflation. (Sur l’inflation, voir le chapitre 3.)

Au cours des crises antérieures, après une chute rapide des prix et une réduction de la production venait une dépression (voir le chapitre : les crises), suivie d’un essor, et la crise s’épuisait au bout d’une ou deux années. Dans la crise contemporaine, au contraire, le point le plus bas de la chute fut atteint seulement à la fin de la quatrième année de la crise, en 1932. Ainsi, aux États-Unis, la production p. 359industrielle par rapport à 1929 était de : en 1932, 53,8 %, et en 1933, 64,9 % ; en Angleterre, 83,8 % et 86,1 % ; en Allemagne, 59,8 % et 66,8 % ; en France, 69,1 % et 77,4 %. Dans les pays capitalistes les plus importants, dans le courant de 1933, se produisit une augmentation de la production. La bourgeoisie réussit à atteindre ce résultat aux dépens de l’exploitation renforcée des ouvriers, aux dépens de la paysannerie de ses propres pays et des colonies. Mais cette croissance de la production ne signifie pas que la crise est terminée et que commence un essor. Il ne peut y avoir aucun essor véritable dans les pays capitalistes, pour la raison que cette crise économique se produit dans les conditions de la crise générale du capitalisme qui s’approfondit de plus en plus. D’ordinaire, l’essor vient après la crise par suite du renouvellement du capital fixe. Mais, à l’heure actuelle, dans les pays capitalistes, il y a dans les entreprises un ralentissement tellement colossal qu’on ne peut pas même parler d’un renouvellement tant soit peu sérieux du capital fixe.

Il est évident que nous sommes en présence d’une transition allant du point le plus bas du déclin de l’industrie, du point de la crise industrielle la plus profonde, à la dépression, mais à une dépression sortant de l’ordinaire, peu habituelle, à une dépression d’un genre spécial, qui ne conduit pas a un essor nouveau et a l’épanouissement de l’industrie, mais ne la fait pas non plus rétrograder vers le point maximum de son déclin. (J. Staline : Deux Mondes, p. 10.)

Là-bas, dans les pays capitalistes, la crise économique continue à déferler. (J. Staline : Ibid., p. 4.)

Cette caractéristique du développement de la crise économique contemporaine, donnée par le camarade Staline dans son rapport au 17e congrès du Parti au début de 1934, a été aussi pleinement confirmée par la marche ultérieure de la crise. En 1934, la croissance de la production continua dans les pays capitalistes. Mais cette croissance est insignifiante : en 1933, la production industrielle mondiale des pays capitalistes faisait 71 % par rapport à 1929, et, en 1934, 76 %. Dans l’Union soviétique, au contraire, 202 % et 239 %. Le fait qu’en 1934, malgré la croissance de la production industrielle, le chômage n’ait pas diminué et que la somme totale des salaires payés n’ait pas augmenté par comparaison avec 1933, ce fait est extrêmement p. 360caractéristique. Tout cela signifie qu’en 1934 il ne s’est pas produit de changements essentiels dans le développement de la crise, que la dépression d’un genre particulier continue, sans créer de base pour un nouvel essor économique.

La crise économique contemporaine, se produisant dans les conditions de la crise générale du capitalisme, approfondit et aggrave cette dernière.

Cette aggravation de la crise générale du capitalisme s’exprime dans le fait que, déjà en 1932, la fin est venue de la stabilisation relative du capitalisme, et que la crise générale du capitalisme est arrivée à une nouvelle étape de son développement, à un nouveau cycle de révolutions et de guerres.

Le second cycle de révolutions

La victoire du socialisme en U.R.S.S. a une signification décisive dans le développement de la révolution prolétarienne mondiale. Le premier État prolétarien dans le monde par le fait même de son existence a déjà, dès le moment de son apparition, ébranlé les bases du capitalisme. La construction du socialisme en U.R.S.S. a révolutionné la classe ouvrière, les masses laborieuses et les peuples opprimés du monde entier. Mais la victoire définitive et sans retour du socialisme en U.R.S.S. a créé une situation tout à fait nouvelle. Maintenant les masses de plus en plus considérables dans le monde entier voient déjà les résultats colossaux de cette lutte héroïque que la classe ouvrière, alliée à la masse fondamentale de la paysannerie, a menée sous la direction du Parti de Lénine et de Staline.

L’Union soviétique est maintenant un État socialiste puissant, qui croît de plus en plus et se renforce sous tous les rapports, le facteur le plus important de la politique mondiale. Les peuples opprimés et exploités du monde entier peuvent maintenant comparer les résultats des deux voies. D’un côté, la voie du bolchévisme, la voie de la révolution prolétarienne, qui a abouti à l’émancipation complète des travailleurs, à l’épanouissement de la véritable démocratie prolétarienne socialiste, à la suppression des classes et de l’exploitation, à la croissance rapide du niveau matériel et culturel de la vie des masses, au développement d’une vie p. 361heureuse et joyeuse, — au socialisme. Et, d’un autre côté, la voie de la social-démocratie, la voie du réformisme, sous l’influence duquel se trouvaient d’énormes masses de la classe ouvrière dans les pays capitalistes et qui a abouti à une paupérisation inouïe des masses, au déchaînement de terreur féroce de la dictature fasciste et à la liquidation des derniers restes de la démocratie bourgeoise dans certains pays et à la décroissance du danger fasciste dans les autres. La comparaison entre ces deux bilans historiques porte un coup très violent aux illusions réformistes et social-démocrates des masses, provoque un profond bouleversement dans leur conscience, redonne aux masses confiance en leurs forces pour la lutte contre le fascisme et le capitalisme. Dans le monde entier, des masses de plus en plus considérables se rassemblent autour de l’U.R.S.S. — de la puissante patrie socialiste de tous les travailleurs.

La prévision géniale du camarade Staline s’est brillamment vérifiée. La victoire du socialisme dans l’Union soviétique, disait-il déjà en 1926…

… ne peut pas se limiter à notre pays, mais elle doit provoquer un puissant mouvement vers le socialisme dans tous les pays capitalistes, et si elle ne coïncide pas à temps avec la victoire de la révolution prolétarienne dans les autres pays, elle doit en tout cas déclencher un puissant mouvement des prolétaires des autres pays vers la victoire de la révolution mondiale. (J. Staline : « Encore la déviation social-démocrate ». (En russe.).)

Déjà maintenant, un puissant mouvement des masses ouvrières des pays capitalistes vers la victoire de la révolution mondiale se développe effectivement. Ce mouvement est provoqué par la victoire du socialisme en U.R.S.S., obtenue sous la direction du camarade Staline, qui, dans la lutte implacable contre tous les ennemis du communisme, a défendu et développé la doctrine léniniste sur la victoire du socialisme dans un seul pays et qui, sous le drapeau de cette doctrine, a mené la classe ouvrière à la victoire.

La victoire du socialisme en U.R.S.S. représente le plus grand triomphe de la théorie du marxisme-léniniste, développée par le camarade Staline, et a une importance historique mondiale. Elle ouvre non seulement une nouvelle période dans le développement du pays du socialisme, mais aussi une nouvelle étape dans le développement de la révolution p. 362prolétarienne mondiale, commencée par le prolétariat russe en octobre 1917 :

Avec le triomphe du socialisme en U.R.S.S., la révolution prolétarienne mondiale a conquis des positions imprenables dans la lutte de plus en plus aiguë pour la solution du problème « qui l’emportera » sur l’arène internationale… La victoire du socialisme, transformant l’U.R.S.S. en une force qui met en mouvement les grandes masses de la population, les classes, les nations, les peuples et les États, marque un nouveau et grand changement dans le rapport des forces de classe, à l’échelle mondiale, en faveur du socialisme, au détriment du capitalisme. Elle marque le début d’une nouvelle étape dans le développement de la révolution prolétarienne mondiale. (Contre la guerre et le fascisme : l’Unité, p. 38, 39, 40.)

L’influence révolutionnaire de la victoire du socialisme en U.R.S.S. est d’autant plus grande que, malgré toutes ses tentatives, la bourgeoisie n’a pas trouvé une issue à la crise économique mondiale et continue à chercher cette issue dans la voie du renforcement de l’exploitation, dans la voie du fascisme, d’une nouvelle guerre impérialiste mondiale et d’une attaque contre l’U.R.S.S.

Tout cela mène à un plus grand développement de la lutte de classe révolutionnaire du prolétariat. Au cours de ces dernières années, dans les pays capitalistes, a eu lieu une série de très grandes grèves de masse, que l’Europe capitaliste n’avait pas vues depuis la première vague des révolutions de 1918-1923. Des événements tels que la puissante grève générale politique contre le danger fasciste en France en février 1934, telle que l’héroïque lutte armée des ouvriers contre les fascistes en Autriche en février 1934 et en Espagne en octobre 1934, confirment brillamment les paroles du camarade Staline, que « l’idée de l’assaut mûrit dans la conscience des masses », et témoignent de la profondeur du processus de révolutionnarisation des masses qui se produit actuellement.

Ce processus trouve son expression dans la profonde crise subie par la 2e Internationale. La victoire du fascisme dans une série de pays s’est trouvée possible surtout grâce à la politique social-démocrate de scission dans la classe ouvrière et de collaboration avec la bourgeoisie, grâce au fait que la social-démocratie empêchait de toute façon la formation d’un front unique de la classe ouvrière contre le fascisme grandissant. Par toute sa politique, la social-démocratie a frayé la voie et facilité la victoire du fascisme dans p. 363ces pays. Ce fait pénètre dans la conscience des masses de plus en plus considérables. Les masses d’ouvriers social-démocrates ont de moins en moins d’illusions au sujet de la politique de la social-démocratie, de plus en plus elles sont attirées par le front unique et se tournent vers le communisme. D’un autre côté, le passage de la bourgeoisie au fascisme a privé la social-démocratie de son ancienne situation dans l’État bourgeois. Tout cela rend difficile, et dans une série de pays rend impossible, à la social-démocratie, de conserver son ancien rôle de soutien de la bourgeoisie. La social-démocratie se divise de plus en plus en deux camps : le camp des éléments réactionnaires qui s’efforcent de continuer l’ancienne politique de collaboration de classe avec la bourgeoisie et le camp des éléments qui se révolutionnent.

Toutes ces conditions et, en premier lieu, l’énorme influence révolutionnaire de la victoire du socialisme en U.R.S.S., créent des circonstances extrêmement favorables pour la formation du front unique de la classe ouvrière, pour la création, sous l’hégémonie du prolétariat, d’un front populaire de lutte contre le fascisme et la guerre, pour la préparation aux futures batailles pour la dictature du prolétariat, aux grandes batailles du second cycle de révolutions prolétariennes.

Le nouveau cycle de révolutions, par ses dimensions et sa profondeur, laissera loin derrière lui le premier cycle de révolutions. Les batailles révolutionnaires de 1918-1923 se produisirent alors qu’il n’y avait pas encore de partis communistes de masse et expérimentés, alors que dans les masses l’influence de la social-démocratie était encore extrêmement forte, alors que le premier État prolétarien dans le monde n’était pas encore aussi fort qu’à présent, alors qu’on menait encore la lutte seulement pour décider la question « qui l’emportera » à l’intérieur du pays des Soviets.

Les batailles révolutionnaires décisives de l’avenir se produiront alors que la puissance économique, politique et militaire du pays du socialisme victorieux s’est fortement accrue, alors que l’influence sur les masses de la social-démocratie, qui a fait banqueroute, tombe rapidement, alors qu’à la tête des masses se trouvent des partis communistes organisés et enrichis par l’expérience bolchevik, des partis qui, dès à présent, sous la direction de l’Internationale communiste, p. 364dans la lutte quotidienne menée contre l’offensive du Capital, contre le fascisme, contre la guerre et l’intervention, préparent, organisent, rassemblent et entraînent les masses de la classe ouvrière aux batailles décisives pour le pouvoir, pour la dictature du prolétariat.

Le prolétariat révolutionnaire du monde entier, sous la direction de l’Internationale communiste, avec à sa tête le grand et génial chef de la révolution prolétarienne mondiale, le camarade Staline, se prépare à sortir vainqueur du nouveau cycle de révolutions et de guerres.

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