Dominique Meeùs
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Louis Ségal, Principes d’économie politique :
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L’accumulation du capital, sa concentration et sa centralisation s’accompagnent d’une aggravation absolue de la situation de la classe ouvrière. C’est la loi générale, absolue, du capitalisme. De cela seul il ressort déjà qu’à l’époque de l’impérialisme, quand la concentration atteint un si haut p. 314degré de développement qu’elle engendre le monopole, l’appauvrissement de la classe ouvrière doit s’accentuer à l’extrême. Cela s’exprime tout d’abord par la croissance de l’armée de réserve. Les données sur le chômage (voir le chapitre 6, paragraphe 4) attestent avec suffisamment de clarté cette force croissante de l’armée industrielle de réserve dans la période de l’impérialisme.
Avec la croissance de la concentration et de la composition organique du capital, croissent également l’intensité du travail, l’emploi du travail des femmes et des enfants, etc.
Si avant le commencement du 20e siècle, c’est-à-dire avant l’époque de l’impérialisme, se produisait parfois une certaine hausse des salaires réels (ce qui ne signifiait pas, bien entendu, la cessation de l’appauvrissement absolu du prolétariat), avec la période de l’impérialisme commence une baisse générale des salaires réels (voir le chapitre 6, paragraphe 5).
À l’époque de l’impérialisme, à côté de la croissance de l’organisation de la classe ouvrière grandit l’organisation du capital. Les monopoles utilisent leur organisation avant tout contre la classe ouvrière. Les ouvriers sont en présence non plus de capitalistes isolés, mais d’organisations monopolistes de capitalistes qui créent des fonds spéciaux pour combattre les grèves, qui procèdent avec ensemble à la réduction des salaires, etc. Dans leur attaque contre le niveau de vie de la classe ouvrière, les unions monopolistes utilisent de plus en plus un moyen de lutte dont elles ne se servaient presque pas auparavant, à savoir les lock-out, c’est-à-dire le licenciement simultané des ouvriers de toute une branche d’industrie. Ainsi, par exemple, en Allemagne, le rapport du nombre des lock-out au nombre total des conflits entre le Travail et le Capital en 1900 était de 5,4 et en 1906 de 12,1 %. L’accentuation de la lutte entre le prolétariat et la bourgeoisie à l’époque de l’impérialisme apparaît avec un relief particulier dans le tableau suivant (Allemagne) :
Années | Total des ouvriers englobés par les grèves et les lock-out |
Dont grévistes |
En % | Dont ouvriers lock-outés |
En % |
1899-1903 | 97 059 | 83 384 | 86,4 | 13 675 | 13,6 |
1904-1908 | 277 817 | 210 933 | 75,4 | 66 884 | 24,6 |
1909-1913 | 327 593 | 226 187 | 69 | 101 406 | 31 |
Nous constatons ici, en premier lieu, la croissance générale du nombre des ouvriers ayant participé à des conflits économiques avec la bourgeoisie et, en second lieu, la croissance du nombre des lock-out en tant que moyen de lutte du capital monopoliste contre le prolétariat.
La croissance de la force et de la puissance du capital, la croissance de son organisation rendent insuffisants les anciens procédés de lutte de la classe ouvrière contre la bourgeoisie : la classe ouvrière se trouve de plus en plus en face de la nécessité de renverser par la force la domination du Capital.
L’impérialisme, c’est la toute-puissance des trusts et des consortiums monopolisateurs, des banques et de l’oligarchie financière dans les pays industriels. Dans la lutte contre cette toute-puissance, les méthodes habituelles de la classe ouvrière — syndicats et coopératives, partis parlementaires et lutte parlementaire — se sont révélées absolument insuffisantes. Ou bien livre-toi à la merci du Capital, végète comme par le passé et descends toujours plus bas, ou bien prends une nouvelle arme ; c’est ainsi que l’impérialisme pose la question devant les masses innombrables du prolétariat. L’impérialisme amène la classe ouvrière à la révolution. (C’est Ségal qui souligne. J. Staline : Des principes du léninisme, p. 8-9. Bureau d’éditions, 1936.)
À l’époque de l’impérialisme mûrissent non seulement les prémices économiques du socialisme, mais aussi la force révolutionnaire du prolétariat, qui est appelé à renverser la domination du Capital et, après avoir établi sa dictature, à construire la société communiste.
Cependant, le capital financier trouve encore pour un certain temps des moyens de prolonger artificiellement l’existence du capitalisme pourrissant. Ces moyens, ce n’est pas seulement le renforcement de l’oppression sur la classe ouvrière, le renforcement de la répression (police, armée, etc.), mais aussi la corruption de la couche supérieure de la classe ouvrière, la création dans la classe ouvrière elle-même d’une couche destinée à scissionner de l’intérieur les forces de la classe ouvrière et à détourner les grandes masses ouvrières de l’action révolutionnaire.
Cette corruption s’effectue directement par la distribution de sinécures et de pots-de-vin aux chefs des syndicats, des partis politiques, aux rédacteurs de journaux, etc. Cette p. 316corruption s’opère aussi par l’augmentation des salaires de l’aristocratie ouvrière, c’est-à-dire de la couche des ouvriers hautement qualifiés, aux dépens des surprofits coloniaux.
La couche supérieure de la classe ouvrière corrompue par la bourgeoisie s’efforce de maintenir dans la classe ouvrière les illusions sur la possibilité d’une amélioration de sa situation en régime capitaliste, les illusions sur les méthodes parlementaires et sur la possibilité d’un passage pacifique au socialisme, elle sème dans la classe ouvrière le nationalisme et le chauvinisme et le fait servir à l’accomplissement des desseins de la bourgeoisie impérialiste. En un mot, elle est la propagatrice de l’opportunisme et de l’influence bourgeoise dans la classe ouvrière. Non seulement elle détourne par son idéologie la classe ouvrière de l’action révolutionnaire contre le capitalisme, mais, ayant entre ses mains l’appareil syndical, les caisses d’assurances, les coopératives ouvrières, etc., elle brise ainsi la lutte organisée de la classe ouvrière, les grèves, etc.
L’opportunisme scinde le mouvement ouvrier et affaiblit la force de l’ennemi principal de la bourgeoisie, le prolétariat révolutionnaire. Bien qu’à l’époque de l’impérialisme aient mûri toutes les conditions de la révolution prolétarienne, la bourgeoisie impérialiste, grâce à la scission du mouvement ouvrier, réussit artificiellement à différer sa ruine pour un certain temps.
La bourgeoisie crée et entretient ses agents dans la classe ouvrière à l’aide d’une partie de ses surprofits coloniaux. Cela signifie que la base économique de l’opportunisme, c’est le parasitisme et la décomposition du capitalisme. Mais précisément il découle aussi de cela que l’influence de l’opportunisme dans la classe ouvrière ne peut être que temporaire, que c’est seulement un moyen artificiel de la bourgeoisie de retarder la fin inévitable du capitalisme dépérissant. Et, en effet, chaque moyen de salut du capitalisme pourrissant ne peut être qu’un moyen artificiel.
L’enveloppe capitaliste a cessé de correspondre à son contenu et aux forces productives mûres pour le socialisme, et…
… sa putréfaction pourra durer assez longtemps (si, au pis aller, la guérison de l’abcès opportuniste traîne en longueur), mais elle sera néanmoins, fatalement, éliminée. (Lénine : l’Impérialisme, stade suprême du capitalisme, p. 139.)
L’aggravation sans précédent des contradictions de classe, amenée par l’impérialisme, conduit inévitablement au fait que s’accentue…
… l’incompatibilité de l’opportunisme avec les intérêts généraux et vitaux du mouvement ouvrier. (Lénine : l’Impérialisme, stade suprême du capitalisme, p. 128.)
L’oppression de l’oligarchie financière s’accentue à tel point que le rôle de l’opportunisme, en tant qu’agent de la bourgeoisie dans la classe ouvrière, devient de plus en plus clair aux grandes masses de la classe ouvrière.
D’autre part, le développement de l’impérialisme conduit inévitablement à l’épuisement des sources avec lesquelles la bourgeoisie entretient ses agents dans la classe ouvrière. En effet, avec le développement de l’impérialisme, s’aggravent non seulement les contradictions à l’intérieur des pays impérialistes, mais aussi les contradictions entre les métropoles et les colonies, ainsi qu’entre les pays impérialistes.
En exportant des capitaux dans les colonies et les pays vassaux, l’impérialisme y développe l’industrie ; il s’y crée un prolétariat, qui se trouve sous une double oppression, sous l’oppression de « sa » bourgeoisie et sous l’oppression du capital financier des pays impérialistes. Cette double oppression pèse également sur les millions de paysans des colonies et des pays vassaux. À l’oppression économique vient aussi s’ajouter l’oppression coloniale. Tout cela renforce dans les colonies et les pays vassaux le mouvement révolutionnaire contre l’impérialisme. La bourgeoisie des pays coloniaux et celle des pays impérialistes se trouvent du point de vue de classe dans le même camp : l’une comme l’autre exploite le prolétariat et la paysannerie des colonies. Mais, entre elles, il existe aussi des contradictions : la bourgeoisie coloniale est privée de l’indépendance politique et nationale et elle vise à monopoliser l’exploitation de « son » pays. Dans les débuts de la lutte contre l’impérialisme, le prolétariat utilise ces contradictions pour renforcer la lutte pour la libération nationale.
La lutte de libération dans les colonies, l’aggravation croissante des contradictions entre la bourgeoisie impérialiste p. 318et la population exploitée des pays coloniaux et vassaux, qui forme la majorité écrasante de la population de tout le globe, rétrécit de plus en plus les sources de surprofit du capital financier et par cela même diminue les sources de corruption de la couche supérieure de la classe ouvrière.
La croissance du mouvement révolutionnaire dans les colonies a une énorme importance pour la révolution prolétarienne.
Le renforcement du mouvement révolutionnaire dans toutes les colonies et dans tous les pays dépendants sans exception… importe au prolétariat en ce sens qu’il sape à la base les positions du capitalisme, en transformant les colonies et les pays dépendants, de réserves de l’impérialisme en réserves de la révolution prolétarienne. (J. Staline : Des principes du léninisme, p. 9.)
Enfin, un des facteurs les plus importants qui affaiblissent l’impérialisme, ce sont les contradictions entre les pays impérialistes, la lutte pour un nouveau partage du monde, qui conduit inéluctablement à des guerres mondiales. D’une part, la guerre signifie des calamités innombrables pour la classe ouvrière et pour tous les travailleurs, ce qui aggrave à l’extrême les contradictions de classe à l’intérieur des pays impérialistes. D’autre part, la lutte des impérialistes entre eux les affaiblit réciproquement et renforce par cela même les positions du prolétariat révolutionnaire.
Cette lutte entre les impérialistes…
… conduit à l’affaiblissement réciproque des impérialistes, à l’affaiblissement de la position du capitalisme en général, au rapprochement de l’heure de la révolution prolétarienne, à la nécessité pratique de cette révolution. (J. Staline : Des principes du léninisme, p. 9.)
Ainsi l’affaiblissement réciproque des pays impérialistes facilite la formation…
… d’un front unique mondial de la révolution contre le front mondial de l’impérialisme. (J. Staline : Des principes du léninisme, p. 30.)
La combinaison de ces trois séries de contradictions :
1. les contradictions entre la bourgeoisie et le prolétariat ; 2. les contradictions entre les métropoles et les colonies, et 3. les contradictions entre les pays impérialistes, rend inévitable la victoire de l’avant-garde révolutionnaire du prolétariat sur l’opportunisme et conduit la classe ouvrière à la révolution prolétarienne.
Cette intensification des contradictions est la force motrice la plus puissante de la période historique de transition ouverte par le triomphe définitif du capital financier mondial. (Lénine : l’Impérialisme, stade suprême du capitalisme, p. 135.)
L’impérialisme est un stade de transition, la dernière, la suprême étape du capitalisme.
L’impérialisme est la veille de la révolution sociale du prolétariat. (Lénine : l’Impérialisme, stade suprême du capitalisme, p. 20.)
Comme l’impérialisme porte les forces productives à leur complète maturité pour la socialisation, comme il est le capitalisme parasitaire, pourrissant, agonisant, il porte par cela même les contradictions de classe à leur plus haut degré d’acuité et prépare l’explosion révolutionnaire.
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