Dominique Meeùs
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4. La lutte pour le partage du monde entre les unions capitalistes

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Les monopoles internationaux

Outre le partage du monde par la voie de l’exportation du capital par les grands monopoles, le partage du monde s’effectue aussi par la voie directe. Dans les branches d’industrie, où la concentration est parvenue à un niveau particulièrement élevé, les unions monopolistes dépassent les limites d’un pays, elles embrassent toute une série de pays. Les grands monopoles de plusieurs pays s’entendent entre eux et organisent des cartels internationaux.

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Ainsi, avant la guerre, l’industrie électrique dans le monde entier était monopolisée surtout par l’Allemagne et les États-Unis. En Allemagne, il y avait la Compagnie générale d’électricité (A.E.G.), avec des entreprises et des succursales dans une série de pays d’Europe et d’Amérique. Aux États-Unis, l’industrie électrique était monopolisée par la General Electric Company, dont le réseau d’entreprises et de succursales s’étendait à toute l’Amérique et commençait aussi à pénétrer en Europe. En 1907, ces deux trusts mondiaux ont conclu un accord relatif au partage des sphères d’influence dans le monde entier, l’un d’eux recevait le marché européen et une partie du marché asiatique, l’autre, le marché américain. Pendant la durée de cet accord, la concurrence devait cesser entre les deux trusts.

Des accords internationaux analogues entre les plus grands trusts des différents pays impérialistes existaient avant la guerre aussi dans une série d’autres branches. En 1910, on comptait en tout environ 100 cartels internationaux. Le monopole international est déjà un « supermonopole ».

Ce nouveau degré de concentration universelle du capital et de la production est incomparablement plus élevé que les précédents. (Lénine : l’Impérialisme, stade suprême du capitalisme, p. 76.)

L’existence de monopoles internationaux prouve que les forces productives sont mûres pour le socialisme, pour la socialisation complète et pour l’organisation planifiée non seulement à l’échelle nationale, mais aussi à l’échelle mondiale.

L’importance des monopoles internationaux

Si les unions monopolistes des capitalistes à l’intérieur des différents pays n’abolissent pas la concurrence, n’organisent pas l’économie à l’intérieur du pays, mais au contraire renforcent et aggravent la lutte, les monopoles internationaux peuvent d’autant moins organiser la production à l’échelle mondiale. Les monopoles internationaux sont encore moins stables que les monopoles à l’intérieur de chaque pays. Lorsque les grands capitalistes forment des cartels, ils se basent sur le rapport des forces entre eux : les capitalistes qui possèdent un plus grand capital p. 302reçoivent une plus grande quote-part dans l’écoulement. Mais par suite de l’inégalité du développement, le rapport des forces change constamment et, avec le temps, il se crée un rapport des forces auquel ne correspond plus l’accord primitif, conclu sur la base d’un rapport des forces qui n’existe déjà plus maintenant. La lutte s’engage entre les membres de l’union monopoliste pour la révision des conditions de l’accord, lutte qui se termine ou par la désagrégation du cartel et par la formation d’un nouveau, ou par la conclusion d’un nouvel accord sur la base du nouveau rapport des forces.

Dans les rapports internationaux, cette lutte a un caractère beaucoup plus aigu. L’inégalité du développement des différents pays, comme nous le montrerons plus bas (voir le paragraphe 9), s’accentue encore plus à l’époque de l’impérialisme, comparativement à l’époque du capitalisme prémonopoliste. C’est pourquoi le rapport des forces des membres des cartels internationaux change rapidement. Dans la majorité des cas les unions monopolistes internationales ne peuvent pas prendre la forme de trusts, dans lesquels fusionnent entièrement les entreprises membres de l’union ; elles existent surtout sous la forme de cartels, qui sont en général des organismes moins stables que les trusts. Enfin dans la lutte pour la fixation des conditions de l’accord, les membres du cartel international, c’est-à-dire les unions monopolistes des différents pays impérialistes, ont entre leurs mains un moyen de pression dont ne disposent pas les capitalistes du même pays lorsqu’ils forment une union monopoliste à l’intérieur du pays. Ce moyen, c’est la force armée de l’État. En cas de changements dans le rapport des forces, la lutte pour le partage des marchés se fait à l’aide de la guerre. Ainsi, lors de la guerre impérialiste mondiale de 1914-1918, presque tous les cartels internationaux se sont disloqués et après la guerre il s’en est créé de nouveaux sur la base du nouveau rapport des forces issu de la guerre. Mais pendant les dix-sept années écoulées depuis la fin de la guerre, le rapport des forces a de nouveau changé et c’est pourquoi un nouveau partage du monde est à l’ordre du jour.

L’existence des cartels internationaux ne signifie pas la cessation de la lutte pour le partage du monde, ni une transition vers la collaboration pacifique des puissances impérialistes, mais seulement une forme de lutte déterminée.

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La lutte demeure, son contenu ne change pas. C’est la lutte pour la plus grande part possible dans l’exploitation de la population de tout le globe terrestre par une petite poignée de magnats impérialistes « avancés ». Mais les formes de lutte se modifient.

La lutte se produit tantôt sous une forme « pacifique », sous la forme d’accords temporaires (formation de cartels), tantôt sous la forme d’une collision armée ouverte, sous la forme d’une guerre.

Les formes mêmes de la lutte peuvent changer et changent constamment suivant des causes diverses, relativement temporaires et particulières, alors que l’essence de la lutte, son contenu de classe ne saurait vraiment varier tant qu’il y aura des classes. (Lénine : l’Impérialisme, stade suprême du capitalisme, p. 88.)

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