Dominique Meeùs
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Louis Ségal, Principes d’économie politique :
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Le capital argent prêté pour un délai déterminé porte le nom de capital de prêt. Le revenu touché par le propriétaire de ce capital porte le nom d’intérêt. Le rapport de ce revenu au montant du capital prêté porte le nom de taux d’intérêt. Si, par exemple, le capital prêté de 1 000 francs rapporte annuellement à son propriétaire un revenu de 100 francs, cette dernière somme s’appellera les intérêts ; ils forment 10 % du montant du capital prêté, le taux d’intérêt est donc de 10 %.
L’industriel ou le commerçant, en empruntant de l’argent p. 183pour l’engager dans la production ou dans le commerce, paye l’intérêt sur son profit. Supposons que l’industriel ou le commerçant ait emprunté 100 000 francs. Avec un taux moyen de profit de 10 %, la masse de profit sera de 10 000 francs. Sur ce profit, le capitaliste qui a contracté l’emprunt paye l’intérêt au prêteur. Si le taux d’intérêt est de 5 %, les intérêts sur le capital de 100 000 francs s’élèveront à 5 000 francs payés sur les 10 000 francs de profit. Par conséquent, l’intérêt est une partie du profit, mais ce dernier étant une forme modifiée de la plus-value, l’intérêt est donc lui aussi une partie de la plus-value.
L’intérêt étant une partie du profit, le taux d’intérêt ne peut pas être supérieur au taux moyen du profit ; bien au contraire, il doit lui être inférieur. En empruntant de l’argent et en l’engageant dans la production, l’industriel convertit cet argent de capital inactif en capital actif, en une partie du capital productif. Cette partie du capital investie dans la production conjointement avec l’ensemble du capital productif, crée la plus-value. Elle donne un profit d’une grandeur déterminée selon la loi du taux moyen du profit. Mais comme une partie du capital entre les mains de l’industriel est pour lui un capital étranger, il donne une partie du profit produit par ce capital étranger au propriétaire de ce dernier, au capitaliste prêteur. Par conséquent, le taux d’intérêt doit être inférieur au taux moyen du profit. S’il lui était égal, l’industriel ou le commerçant n’auraient pas intérêt à contracter des emprunts.
Sans doute, il existe des cas où l’industriel consent à payer un taux d’intérêt égal au taux moyen du profit, par exemple s’il n’arrive pas, sans un capital étranger, à mettre en valeur son capital propre ou s’il est menacé de faillite. Le taux d’intérêt est généralement très élevé pendant les crises. Mais en règle générale il est inférieur au taux moyen du profit.
Pourquoi les capitalistes prêteurs se contentent-ils de revenus au-dessous du taux moyen du profit ? Ne pourraient-ils pas eux-mêmes engager leur capital dans la production ou dans le commerce et en tirer un revenu beaucoup plus élevé ?
En fait, les capitalistes prêteurs, pour lesquels le prêt d’argent n’est pas une opération accidentelle mais une forme régulière et unique d’emploi de leur capital, prêtent non seulement leurs propres capitaux, mais aussi les capitaux étrangers et les dépôts concentrés chez eux. Ce sont les banquiers et leur revenu — le profit bancaire — est égal au taux moyen du profit et souvent même le dépasse.
Voyons, maintenant, comment cela se produit.
Les industriels gardent une partie de leur capital sous la forme monétaire à titre de réserve pour le cas du renchérissement du prix des matières premières, etc. Le prix obtenu à chaque vente de marchandises renferme une indemnité pour l’usure du capital fixe (machines, édifices, etc.) mais ce dernier n’est remplacé qu’après son usure complète, après plusieurs années. Par conséquent, il s’accumule peu à peu sous la forme monétaire une somme déterminée qui reste temporairement disponible. Il en est de même pour la plus-value employée pour l’accumulation du capital (la reproduction élargie) et qui ne devient pas un capital nouveau après chaque vente. Il est d’autres conditions de la reproduction capitaliste qui conduisent à la formation d’un capital temporairement disponible. Ce capital argent temporairement disponible se crée également chez les commerçants.
D’autre part, les capitalistes ont souvent besoin de crédit pour élargir la production ou pour acheter des matières premières, etc. Tandis que tel capitaliste possède un capital argent temporairement disponible, tel autre cherche à contracter un emprunt ! Les banques concentrent ces capitaux temporairement disponibles et elles les prêtent. En outre, elles gardent les économies des petits déposants. Elles sont donc les intermédiaires entre l’offre et la demande de capitaux. Par conséquent, les banques prêtent non seulement leur propre capital, mais encore celui des autres qui leur est temporairement confié (dans la période de l’impérialisme, le rôle des banques change, bien qu’elles remplissent toujours cette fonction d’intermédiaires). (Voir à ce sujet le dernier chapitre.)
Pour les dépôts acceptés, les banques payent un intérêt moindre que l’intérêt perçu pour les prêts. Supposons qu’une p. 185banque possède 100 millions de francs de capital à elle et 300 millions de francs de dépôts. Supposons qu’elle paye aux déposants 3 % et touche sur les prêts 5 %. En admettant que tout ce capital de 400 millions de francs fasse une rotation par an, nous aurons à la fin de l’année le résultat suivant : le revenu de la banque, les intérêts sur prêts consentis seront de 20 millions de francs (5 % sur 400 millions), les intérêts payés aux déposants de 9 millions (3 % sur 300 millions). Le profit de la banque sera de 11 millions de francs, soit 11 % pour le capital propre de la banque (100 millions).
Bien que le taux d’intérêt perçu sur les prêts soit inférieur au taux moyen du profit, le taux du profit de la banque sur son propre capital n’est pas inférieur au taux moyen. La banque reçoit ce profit sous forme d’intérêt sur prêts.
L’intérêt est une partie de la plus-value, une partie du travail supplémentaire non payé de la classe ouvrière. Mais dans cette forme disparaît complètement toute trace de l’origine de la plus-value.
Dans son mouvement, le capital commercial affecte les formes de capital-argent et de capital-marchandise. Le capital de prêts circule constamment sous une seule forme, celle du capital-argent. La formule du mouvement du capital de prêts est : A — A′. La source des intérêts semble être ici l’argent comme tel.
Produire la valeur, porter de l’intérêt devient une propriété de l’argent comme celle du poirier est de donner des poires… Dans la formule A — A′ nous avons la forme irrationnelle du capital, le degré suprême de la déformation et de la matérialisation des relations de production… Nous avons devant nous la propriété de l’argent ou de la marchandise d’accroître sa propre valeur sans égard à la reproduction, forme suprême de mystification du capital. (K. Marx : le Capital, t. 11, p. 208.)
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