Dominique Meeùs
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Louis Ségal, Principes d’économie politique :
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L’accumulation du capital est étroitement liée à l’élévation de la composition organique du capital dans toutes les branches de la production. Or plus est élevée la composition organique du capital, plus est bas le taux du profit. Le taux moyen du profit étant le rapport de la masse totale de la plus-value à l’ensemble du capital social, le taux moyen du profit doit baisser à mesure de l’accumulation du capital et de l’élévation de sa composition organique. Ainsi, aux États-Unis, le taux du profit dans l’industrie de transformation était de 24 % en 1889, de 19,9 % en 1904, de 18,7 % en 1909, et de 16,5 % en 1914.
En régime capitaliste, la baisse du taux moyen du profit est une loi. Mais cela n’implique nullement la baisse de la masse du profit. Si un capital social de 100 milliards de francs a doublé, mettons en 20 ans, et a donc atteint le chiffre de 200 milliards, si sa composition organique passe de 70 milliards pour le capital constant et 30 milliards pour le capital variable à 160 milliards pour le capital constant, et 40 milliards, pour le capital variable, le taux de la plus-value étant de 100 %, dans le premier cas, la masse du profit sera de 30 milliards et le taux du profit de 30 % et, dans le second cas, la masse du profit sera de 40 milliards et le taux du profit de 20 %. La masse du profit s’est accrue ; mais son taux a subi une diminution.
L’élévation de la composition organique du capital entraîne la baisse du taux du profit, elle est liée à l’accumulation du capital et à la centralisation de celui-ci. Or l’accumulation du capital implique la croissance de la masse de la plus-value. C’est-à-dire que la baisse du taux du profit non seulement peut mais doit être suivie de la croissance de la plus-value soutirée à la classe ouvrière. La même cause — l’augmentation de la productivité du travail — engendre l’augmentation de la masse du profit et la baisse de son taux.
Tous les capitalistes ressentent la baisse du taux du profit, bien qu’ils ne se rendent pas compte de ses causes. p. 177Ils cherchent à s’opposer à cette baisse par toute une série de mesures. La principale c’est une exploitation accentuée de la classe ouvrière. Ce renforcement de l’exploitation peut se réaliser par deux voies : prolongation de la journée de travail et augmentation de l’intensité et de la productivité du travail. Les capitalistes se heurtant de plus en plus à la résistance ouvrière et, en général, la prolongation de la journée de travail ayant des limites physiologiques, les capitalistes renforcent l’exploitation principalement au moyen de la production de la plus-value relative.
Or, la production de la plus-value relative est intimement liée à l’élévation de la composition organique du capital, et cette élévation implique une nouvelle baisse du taux du profit. Pour compenser cette baisse, il faut de nouveau accroître le degré d’exploitation et ainsi de suite. La bourgeoisie oppose donc à la baisse du taux du profit des moyens qui, en fin de compte, ne font qu’accélérer la baisse du taux du profit et qui aggravent la contradiction entre la bourgeoisie et le prolétariat.
Les capitalistes cherchent à s’opposer à la baisse du taux du profit non seulement en augmentant le degré d’exploitation, mais encore en réduisant les salaires au-dessous de la valeur de la force de travail, en rendant meilleur marché les moyens de production, en conquérant de nouveaux débouchés où ils puissent vendre leurs marchandises à des prix plus élevés et par bien d’autres méthodes. En raison de ces facteurs, le taux du profit diminue d’une façon discontinue : la baisse peut s’arrêter pendant un certain temps, il peut même se produire un relèvement. Le taux du profit a tendance à baisser, et, malgré les facteurs opposés à cette baisse, malgré l’inégalité de celle-ci, la loi générale de son mouvement, ce n’est pas la croissance, mais la baisse. C’est pourquoi Marx parle de la loi de la baisse tendancielle du taux du profit.
La baisse du taux du profit exprime l’élévation de la composition organique du capital qui, à son tour, implique la croissance des forces productives de la société capitaliste. La baisse du taux du profit exprime sous une forme capitaliste la croissance des forces productives de la société. p. 178Cette circonstance à elle seule dénote la nature profondément contradictoire de la production capitaliste. Le capitalisme développe les forces productives sociales pour en tirer le maximum de profit, mais la croissance des forces productives entraîne la baisse du taux du profit.
Le but du capital c’est l’accroissement maximum de la masse et du taux du profit. Le moyen propre à atteindre ce but c’est le développement des forces productives, la production de quantités aussi fortes que possible de marchandises. Plus se développent les forces productives et plus s’accentue la baisse du taux du profit. Pour endiguer cette baisse, les capitalistes développent encore plus les forces productives, ce qui a pour effet de faire baisser davantage le taux du profit. Ainsi pour arriver à son but, le capital est obligé de développer d’une façon illimitée les forces productives, sans tenir compte des limites que l’appropriation capitaliste impose à la consommation. Or, en régime capitaliste, la capacité de consommation de la société est déterminée non par les besoins, mais par le pouvoir d’achat. L’appropriation capitaliste réduit la consommation des masses à un niveau extrêmement bas. Toutes les marchandises fabriquées ne peuvent pas être vendues ni la plus-value qu’elles renferment réalisée. Aussi la tendance au développement illimité des forces productives se heurte-t-elle aux limites dressées par le capital. Cette contradiction apparaît dans les crises périodiques de surproduction.
En développant les forces productives, le capitalisme fixe lui-même des limites à ce développement. En régime capitaliste, la limite de la production ce ne sont ni les forces productives ni l’impossibilité technique de leur développement ultérieur, mais uniquement la forme capitaliste de production, c’est-à-dire le capital lui-même. Le but du capital — l’accroissement maximum du taux du profit — entre toujours en contradiction avec le moyen d’atteindre ce but — le développement illimité des forces productives.
La limite véritable de la production capitaliste c’est le capital lui-même, le fait que le capital, avec sa mise en valeur, apparaît comme le commencement et la fin, comme la cause et le but de la production… Si le mode de production capitaliste est donc un moyen historique de développer la force productive matérielle et de créer le marché mondial correspondant, il est en même temps la contradiction permanente entre cette mission historique et les conditions correspondantes de la production sociale. (K. Marx : le Capital, t. 10, p. 187-188.)
Plus le capitalisme se développe et plus s’approfondit la contradiction entre le mode de production sociale et sa forme capitaliste, plus s’aggrave l’antagonisme entre la bourgeoisie et le prolétariat. Le choc devient inévitable, dans lequel les forces productives sociales s’affranchissent par la voie révolutionnaire de leur forme capitaliste.
La baisse du taux du profit aggrave les contradictions du capitalisme. Mais cela ne signifie pas que le capitalisme périra de lui-même, automatiquement, « s’évaporera » par suite de la baisse du taux de profit, comme l’affirme un économiste allemand, H. Grossman, qui se considère comme un « marxiste révolutionnaire ».
Grossman a écrit un gros livre destiné à « prouver » qu’il doit arriver un moment où le taux du profit baissera tellement qu’il ne restera rien aux capitalistes pour la consommation et que le capitalisme fera inévitablement naufrage. Et ces sottises, Grossman tente de les attribuer à Marx.
La théorie d’un krach automatique du capitalisme est une théorie entièrement social-démocrate, antimarxiste et antiléniniste, quelles que soient les phrases « révolutionnaires » dont elle se couvre. Cette théorie d’un krach automatique du capitalisme aboutit à créer la passivité dans la classe ouvrière à détourner celle-ci de l’action révolutionnaire, et, par cela même, à aider au renforcement du capitalisme.
Le capitalisme ne se laissera pas emporter par un krach, si fortes que soient ses contradictions. Au contraire, l’aggravation de la contradiction fondamentale du capitalisme renforce la lutte du prolétariat pour sa libération. Le capitalisme ne peut être renversé que par la révolution prolétarienne.
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