Dominique Meeùs
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Louis Ségal, Principes d’économie politique : versions, table des matières, index des notions — Retour au dossier marxisme

2. La transformation de la plus-value en profit
Le profit et le taux de profit

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Le prix de revient

La plus-value est une partie de la valeur de la marchandise et non l’excédent du prix de la marchandise sur la valeur. Mais le capitaliste se représente la chose tout autrement. Lors de la vente de la marchandise, il transforme en argent ou réalise toute la valeur de celle-ci. Cette valeur se compose de celle des moyens de production, de celle de la force de travail et de la plus-value. De ces trois parties, le p. 166capitaliste n’a payé que les deux premières, qui forment pour lui les frais de production de la marchandise ou son prix de revient ; quant à la plus-value, elle ne lui coûte rien. La plus-value est l’excédent de la valeur de la marchandise sur le prix de revient de cette dernière. Mais on a l’impression que seul le prix de revient est la valeur réelle de la marchandise et que la plus-value n’est qu’un excédent ajouté à cette valeur.

L’excédent de valeur réalisé dans la vente de la marchandise, la plus-value, le capitaliste le considère donc comme l’excédent du prix de vente sur la valeur, et non pas comme l’excédent de la valeur sur le prix de revient. En sorte que la plus-value contenue dans la marchandise ne se réalise point par la vente, mais découle de cette vente même. (K. Marx : le Capital, t. 9, p. 69-70.)

Autrement dit, il semble que la plus-value n’ait rien de commun avec le travail de l’ouvrier.

Le prix de revient dissimule le fait que le travail de l’ouvrier est la seule source de plus-value. Le prix de revient se décompose en capital constant et variable, mais le capitaliste ne fait pas cette distinction ; il ne voit dans le prix de revient que des dépenses pour le capital fixe et circulant. Or, dans la rubrique générale du capital circulant, la dépense pour la force de travail et celle pour les matières premières (partie du capital constant) ne se distinguent en rien l’une de l’autre. Par conséquent, dans le prix de revient le rôle particulier du capital variable en tant que source unique de plus-value devient invisible. Outre cela, la dépense pour le capital variable s’effectue comme une dépense pour le salaire. Et la force du salaire crée l’apparence qu’on ne paie pas la force de travail, mais le travail, l’apparence du paiement de tout le travail de l’ouvrier. C’est pourquoi le fait est dissimulé que la plus-value est créée par le travail non payé.

Le profit, forme modifiée de la plus-value

Il ressort de cela que la plus-value semble engendrée par l’ensemble du capital, par le capital en général.

En cette qualité de rejeton du capital total avancé, la plus-value prend la forme du profit. (K. Marx : le Capital, t. 9, p. 67.)

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Le caractère modifié de cette forme consiste précisément en ce qu’elle voile l’essence même de la plus-value.

Le profit, tel que nous le trouvons ici, est donc identique à la plus-value ; mais il figure sous une forme particulière qui découle cependant nécessairement du mode de production capitaliste… Et parce que le prix de la forte de travail apparaît d’un côté [du côté ouvrier] sous la forme modifiée du salaire, la plus-value doit revêtir d’un autre côté [du côté capitaliste] la forme modifiée du profit. (K. Marx : le Capital, t. 9, p. 67.)

Le taux du profit

Le capitaliste mesure le degré de rentabilité de son capital non par le rapport de la plus-value au capital variable, c’est-à-dire non par le taux de la plus-value qui exprime le degré d’exploitation, mais par le rapport de la plus-value à l’ensemble du capital. Le rapport de la plus-value à l’ensemble du capital porte le nom de taux du profit.

Il est évident que le taux du profit est moindre que le taux de la plus-value, le premier étant le rapport de la plus-value à l’ensemble du capital et le second exprimant celui de la plus-value à une partie seulement de ce capital. Ainsi pour un capital de 10 000 francs qui se compose de 8 000 francs de capital constant et de 2 000 francs de capital variable et qui aurait produit 2 000 francs de plus-value, le taux de la plus-value (ou le degré d’exploitation) sera de 100 % et le taux du profit 20 % seulement.

Mais le taux du profit dépend de celui de la plus-value, la masse elle-même de la plus-value dépendant du degré d’exploitation. Si, dans notre exemple, le degré d’exploitation était non de 100 % mais de 150 %, le capital variable de 2 000 francs produirait une plus-value de 3 000 francs. Le taux du profit serait alors de 30 % (rapport de la masse de la plus-value, 3 000 francs ; à l’ensemble du capital, 10 000 francs). Par conséquent, plus le taux de la plus-value est élevé, plus est élevé celui du profit et, inversement, plus le taux de la plus-value est bas, et plus sera bas le taux du profit.

La plus-value étant produite par le capital variable seul et ce dernier n’étant qu’une partie du capital, le taux du profit dépend également de la part que le capital variable forme dans l’ensemble du capital, c’est-à-dire de la composition organique du capital.

Prenons deux capitaux de 10 000 francs dont le taux de la plus-value est le même, mettons de 100 %, mais dont l’un se p. 168compose de 7 000 francs de capital constant et de 3 000 francs de capital variable et l’autre de 8 000 et de 2 000 respectivement ; c’est-à-dire que la composition organique du deuxième capital est supérieure à celui du premier. La plus-value créée par le premier capital sera de 3 000 francs et celle produite par le deuxième de 2 000. Le taux du profit du premier capital sera de 30 % et celui du second de 20 %. Il sera plus bas pour le deuxième capital justement parce que le capital variable en forme une partie plus petite que dans le premier. Le taux du profit est d’autant plus élevé que la composition organique du capital est plus basse, et inversement il est d’autant plus bas que la composition organique du capital est plus élevée.

Différentes entreprises offrent une composition organique du capital différente. Dans les entreprises de la même branche de production, par exemple dans deux ou plusieurs entreprises du textile, la concurrence agit dans le sens de nivellement de la composition organique du capital. Dans des entreprises de branches différentes, la composition organique du capital est toujours inégale en raison de la différence de leur technique. Ainsi, dans une entreprise de textile, de métallurgie, etc., la composition organique du capital est inévitablement différente.

Du fait que dans diverses branches de production la composition organique du capital est différente, il découle qu’elles doivent présenter différents taux du profit. C’est-à-dire que des capitaux de même grandeur engagés dans des branches de production différentes doivent donner des profits inégaux. Cependant, tout le monde sait qu’en réalité, tous les capitalistes reçoivent un taux de profit moyen presque égal quelle que soit la branche dans laquelle ils aient engagé leurs capitaux et quelle que soit la composition organique de ceux-ci. Ne ressort-il pas de ceci que toute notre théorie selon laquelle dans des branches différentes doivent exister des taux de profit différents est inexacte et qu’elle ne peut pas expliquer les phénomènes réels du capitalisme ? Il n’y a ici aucune contradiction entre la théorie et la réalité.

L’inégalité des taux du profit dans les différentes branches a pour effet que la concurrence agit dans le sens de l’égalisation des taux du profit et de la formation d’un taux moyen dans toutes les branches.

Examinons comment se produit ce nivellement du taux du profit.

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