Dominique Meeùs
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Le papier-monnaie prend naissance de la fonction de l’argent comme moyen de circulation. Dans cette fonction, l’argent passe constamment de main en main. Ce caractère momentané de la fonction de l’argent comme moyen de circulation a pour conséquence que la monnaie en or est de plus en plus remplacée par de simples billets, par le papier-monnaie qui représente la monnaie en or.
Si le papier-monnaie émis ne dépasse pas la quantité d’argent nécessaire à la circulation, il ne sera pas déprécié. Ainsi, admettons que pour la circulation, il faille un milliard de francs-or et qu’il a été lancé dans la circulation du papier-monnaie pour cette somme. Dans ce cas, chaque franc-papier remplace un franc-or. Pour un franc-papier on donnera autant de marchandises que pour un franc-or. Mais si, le besoin total de la circulation étant de un milliard, il a été émis 2 milliards de papier-monnaie, ces 2 milliards représenteront non pas 2 milliards, mais un seul milliard de francs-or. C’est que le papier-monnaie remplace la monnaie en or uniquement dans la circulation. C’est pourquoi toute la masse de papier-monnaie, quel qu’en soit le montant, ne représente que la quantité d’or nécessaire pour la circulation.
Dans la circulation de la monnaie-or, l’excédent est retiré de la circulation. La monnaie-or a de la valeur, elle peut être fondue en objets d’or ou conservée comme trésor. Alors que le papier-monnaie est sans valeur (quant à l’impression du papier-monnaie dont le coût est tout à fait minime, elle est une quantité négligeable) ; il remplit seulement la fonction de moyen de circulation. C’est pourquoi l’excédent de papier-monnaie n’est pas retiré de la circulation. S’il y a dans la circulation, admettons, 2 milliards de papier-monnaie et qu’il faille un milliard-or, ces 2 milliards de papier représentent un milliard-or et chaque franc-papier ne représente que 0,50 franc or. La marchandise valant un franc-or se vendra 2 francs-papier. La quantité de monnaie-or que l’on donnera contre le papier-monnaie diminuera de moitié.
Si la fonction de l’argent comme moyen de circulation engendre le papier-monnaie, la fonction de l’argent comme moyen de paiement, donne naissance à la monnaie de crédit. Lors de la vente de marchandises à crédit, l’acheteur (le p. 69débiteur) tire une traite sur le vendeur (le créditeur) par laquelle il s’engage à payer la somme donnée à la date déterminée. Cet engagement porte le nom de lettre de change ou de traite.
Supposons que A ait vendu à crédit pour 100 francs de marchandises à B et qu’il en ait reçu une traite de 100 francs dont l’échéance expire le 1er janvier. À son tour, A, en achetant de la marchandise à C et manquant d’argent liquide (pour avoir vendu sa marchandise à crédit), prend lui aussi l’engagement de payer au 1er janvier. Mais au lieu de donner une nouvelle traite à C, il lui donne la traite reconnue de B, si bien que le 1er janvier, C touchera de l’argent non pas de A, mais de B. À son tour, C peut payer avec cette traite son créditeur à lui, etc. La traite qui circule ainsi fait fonction d’argent.
Avec le développement du crédit et des banques (voir pour plus de détails sur les banques le chapitre 7) les traites sont de plus en plus concentrées dans ces dernières. A ayant reçu de B une traite de 100 francs, verse cette traite à la banque qui lui donne pour elle de l’argent (c’est ce qu’on appelle l’escompte des traites). Et B, lorsque viendra l’échéance, paiera à la banque. Concentrant beaucoup de traites de particuliers, la banque peut mettre en circulation ses traites que l’on appelle billets de banque avec l’engagement de les échanger contre de l’or à n’importe quel moment.
La banque fait des prêts et escompte les traites des particuliers avec ses billets. Ceux-ci ont ainsi pour couverture les traites des particuliers. En cas d’insolvabilité d’un des débiteurs de la banque, celle-ci ne sera pas en état de tenir ses engagements. Aussi, la loi stipule d’ordinaire que les billets de banque doivent avoir une couverture partielle en or. Dans certains pays, seule la banque d’État a le droit d’émettre des billets de banque.
Les billets de banque sont garantis partiellement par de l’or et partiellement par des traites privées. En cas de crise, les traites accumulées dans la banque perdent de leur valeur quand beaucoup de capitalistes font faillite. C’est pourquoi il est inévitable que les billets de banque perdent plus ou moins de leur valeur et que leur cours baisse.
Dans certaines conditions, les billets de banque deviennent du papier-monnaie sans aucune couverture. Ce qui eut p. 70lieu pendant la guerre mondiale de 1914-1918 et quelques années après. Pour faire face à leurs formidables dépenses, les gouvernements des pays belligérants émirent, par l’entremise des banques d’État, beaucoup de billets de banque. Bien que ceux-ci portassent une inscription disant qu’ils sont garantis dans telle ou telle mesure par l’or et que la banque s’engageât à les échanger contre de l’or, des lois spéciales promulguées pendant la guerre suspendirent l’échange de ces billets contre de l’or et, en fait, les billets de banque devinrent, d’effets de crédit, avec couverture-or, du papier-monnaie sans garantie.