Dominique Meeùs
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La lutte pour un nouveau partage du monde

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Examinons maintenant les changements que la guerre et la période d’après-guerre ont apportés dans les rapports entre les pays impérialistes.

La guerre impérialiste mondiale de 1914-1918 s’est terminée par la défaite des États de l’Europe centrale. Le nouveau partage du monde sur la base de cette issue de la guerre a été fixé par le traité de Versailles. L’Allemagne fut privée de ses colonies, on lui imposa le fardeau des réparations. Les colonies de l’Allemagne ont échu à la France, à l’Angleterre, à la Belgique et au Japon.

Mais en résultat de la guerre, les États-Unis, qui finançaient à cette époque la France et l’Angleterre, se sont extrêmement renforcés. La somme totale des dettes des adversaires de l’Allemagne et de l’Autriche, des « Alliés », envers les États-Unis se montait à 80 milliards de francs-or. Les réparations que l’Allemagne payait aux Alliés servaient presque entièrement au paiement des dettes envers les États-Unis. Et ceux-ci utilisent ces créances comme un moyen de pression économique et politique constante sur les États européens.

Depuis la guerre, les États-Unis ont obtenu la prépondérance dans toute l’économie capitaliste. Ils ont concentré la moitié de la production industrielle mondiale et près de la moitié des stocks d’or du monde.

La guerre a accentué l’inégalité du développement. Ainsi, en 1929, la production des principaux pays par rapport à celle d’avant-guerre était : aux États-Unis, 175,3 % ; en Angleterre, 98 % ; en Allemagne, 105,4 % ; en France, 139 %. La part de l’Angleterre dans la production mondiale de la fonte est tombée de 13,1 en 1913 à 8,6 % en 1927, et celle des États-Unis est passée de 39,8 à 42,8 %. La part de l’Angleterre dans la production mondiale de l’acier a p. 347baissé de 10,2 à 9,3 % et celle des États-Unis est passée de 41,6 à 44,7 %.

Le rôle des principaux pays impérialistes dans le commerce mondial a également changé. Pendant la période allant de 1913 à 1927, la part de l’Allemagne est descendue de 12,6 à 9,8 %, celle de la France de 9 à 6,6 %, celle de l’Angleterre de 16,1 à 14,1 % et celle des États-Unis s’est accrue de 10,1 à 14,2 %. Les États-Unis évincent l’Angleterre qui était avant la guerre le pays impérialiste le plus fort de ses positions économiques sur le marché mondial. C’est ce qui ressort du tableau suivant :

Part de l’Angleterre et des États-Unis dans les importations (en %)
De l’Amérique
du Sud
De la Chine Du Japon
1911-1913 1927 1913 1927 1913 1927
Angleterre :  28,3 19,7 36,9 28   16,8  7,2
États-Unis :  14,4 30,8  6   16,2 16,8 28,6

Dans le domaine de l’exportation des capitaux, les États-Unis ont également devancé l’Angleterre et la France qui occupaient, avant la guerre, la première place dans le monde. Ainsi l’exportation de capitaux d’Angleterre est tombée de 880 millions de dollars en 1913 à 740 en 1928, l’exportation de capitaux de France pour la même période a baissé de 225 millions de dollars à 180 millions, tandis que celle des États-Unis est passée de 50 millions à 934 millions de dollars. Depuis la guerre, les États-Unis ont commencé à exporter des capitaux en Europe, principalement en Allemagne. L’exportation de capitaux des États-Unis vers les colonies croît très rapidement : de 1913 à 1928, les capitaux américains investis dans les colonies se sont accrus de 194 %, les investissements de capitaux anglais de 18 % et les investissements français de 10 %. Les États-Unis évincent l’Angleterre de ses propres possessions ; en 1913, les investissements de capitaux anglais au Canada s’élevaient à 1 860 millions de dollars, ceux des États-Unis à 417 millions. Après la guerre, le tableau a beaucoup changé : les capitaux anglais au Canada faisaient en 1931 2 500 millions et ceux des États-Unis 4 200 millions de dollars.

À ce rapide changement dans le rapport des forces entre ces deux pays impérialistes les plus importants, ne correspond p. 348nullement le partage territorial résultant de la guerre de 1914. À la suite de cette guerre, les possessions coloniales des États-Unis n’ont pas augmenté. Par leur territoire, les colonies des États-Unis ne forment que 1,9 % de l’ensemble des colonies, et celles de l’Angleterre 43,8 % ; par leur population, les colonies américaines forment 3,3 % de l’ensemble de la population coloniale et les colonies anglaises 65,5 %.

Depuis la guerre la contradiction entre l’Angleterre et les États-Unis est devenue une des principales contradictions entre les pays impérialistes.

Notons encore, parmi les principales contradictions entre les impérialistes, celles entre les États-Unis et le Japon, l’Angleterre et le Japon, la France et l’Angleterre, la France et l’Allemagne, l’Italie et la France, l’Italie et l’Allemagne, sans compter toute une série d’autres contradictions moins importantes.

La guerre usurpatrice de l’impérialisme japonais en Chine et sa tendance à commettre de nouvelles usurpations sur les rives du Pacifique menacent les intérêts « vitaux » des autres pays impérialistes, surtout ceux des États-Unis et de l’Angleterre. Les contradictions entre ces trois impérialistes de proie ont# atteint ici une acuité inouïe.

Depuis la Première Guerre mondiale, le rapport des forces entre l’Allemagne vaincue et ses vainqueurs a également changé. L’Allemagne a rapidement rétabli son industrie et, par sa technique et son importance industrielle, a pris la première place après les États-Unis. La tension des contradictions en Europe s’est surtout accentuée après l’arrivée au pouvoir des fascistes en Allemagne.

Le fascisme allemand est le principal instigateur d’une nouvelle guerre impérialiste. Il est le détachement de choc de la contre-révolution mondiale. (Contre la guerre et le fascisme : l’Unité (Résolutions du 7e congrès de l’Internationale communiste), p. 9. Bureau d’éditions, 1935.)

La guerre de pillage de l’impérialisme japonais en Chine et la guerre du fascisme italien contre l’Abyssinie sont en fait le commencement d’un nouveau partage du monde.

La préparation militaire et technique de la nouvelle guerre impérialiste mondiale se poursuit fébrilement.

L’effectif des armées des cinq pays impérialistes principaux p. 349(France, Angleterre, Italie, États-Unis, Japon) est passé de 1 846 000 hommes en 1913-1914 à 2 532 000 en 1933. Et en y ajoutant l’effectif des armées de l’Allemagne, de la Pologne, de la Roumanie, de la Tchécoslovaquie et d’une série d’autres États plus petits, nous obtiendrons le chiffre de 4 060 000 hommes. Les dépenses militaires des cinq principaux États impérialistes sont passées de 1 182 millions de dollars en 1914 à 3 500 millions de dollars en 1931. En y ajoutant la somme consacrée par ces États au remboursement des dettes de guerre, nous obtiendrons l’énorme chiffre de 8 380 millions de dollars de dépenses de guerre en 1931.

La technique militaire a fait de grands pas en avant. L’industrie de guerre est la seule branche qui ne connaisse pas de crise de surproduction, son « marché d’écoulement » s’élargit constamment.

Le danger de l’explosion d’une nouvelle guerre impérialiste menace l’humanité de jour en jour. (Contre la guerre et le fascisme : l’Unité, p. 26.)

L’unique pays qui mène une politique de paix conséquente est l’U.R.S.S., qui est devenue un facteur de premier plan de la politique mondiale. La victoire du socialisme en U.R.S.S., la croissance de sa puissance économique, politique et militaire, l’union des grandes masses laborieuses de tous les peuples de l’Union soviétique autour du Parti bolchevik dirigé par Staline, — tout cela a extrêmement augmenté l’importance internationale de l’Union soviétique. L’U.R.S.S. poursuit une politique internationale de collaboration avec tous les États qui, dans le moment donné, ont intérêt au maintien de la paix. Le pays de la dictature du prolétariat est l’unique rempart de la paix.

La préparation d’une nouvelle guerre impérialiste mondiale est liée de la façon la plus étroite à la préparation d’une nouvelle intervention contre l’U.R.S.S. en vue de détruire la base de la révolution prolétarienne mondiale et de transformer l’immense territoire du pays des Soviets avec ses innombrables richesses naturelles et ses dizaines de millions d’habitants en objet de l’exploitation la plus effrénée de la part du capital financier international.

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Bien qu’à l’heure actuelle, l’aggravation des contradictions impérialistes rende plus difficile la formation d’un bloc antisoviétique, les gouvernements fascistes et les partis de guerre dans les pays capitalistes n’en cherchent pas moins à résoudre ces contradictions aux dépens de la patrie de tous les travailleurs, aux dépens de l’Union soviétique. (Contre la guerre et le fascisme : l’Unité, p. 26.)

L’ensemble de toutes les contradictions fondamentales du monde actuel que nous avons examinées (la lutte de deux systèmes, la croissance de la décomposition du capitalisme et l’aggravation des contradictions de classe, le développement du mouvement révolutionnaire dans les colonies, l’aggravation des contradictions entre les impérialistes) signifie que le capitalisme subit une crise générale de son système à laquelle il n’est pas d’autre issue que la victoire de la dictature du prolétariat dans le monde entier.

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