Dominique Meeùs
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La victoire du socialisme dans un seul pays

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Cette possibilité découle de l’accentuation de l’inégalité du développement politique et économique des divers pays à l’époque de l’impérialisme. Cette inégalité accrue, du moment où le partage du monde est achevé et où il se produit une lutte pour un nouveau partage, devient une force décisive du développement et conduit inévitablement à des guerres impérialistes qui affaiblissent l’impérialisme. Les contradictions entre les États impérialistes s’aggravent à tel point que le prolétariat qui a établi sa dictature dans un seul pays a la possibilité d’utiliser ces contradictions pour renforcer son État et, avec l’appui du prolétariat des autres pays dans lesquels le capitalisme n’est pas encore renversé, pour construire le socialisme.

En utilisant adroitement les contradictions entre les États impérialistes, le prolétariat victorieux dans un seul pays peut retarder l’attaque concertée de tous les États impérialistes contre le pays de la dictature du prolétariat jusqu’au moment où le rapport des forces sera plus favorable à l’État socialiste.

La victoire du socialisme tout d’abord dans un seul pays aggrave les contradictions de classe à l’intérieur des pays impérialistes, elle montre aux grandes masses prolétariennes de ces pays la voie à suivre pour s’affranchir de l’insupportable esclavage capitaliste, elle accélère le déclin de l’influence de l’idéologie réformiste sur la classe ouvrière.

L’inégalité de développement économique et politique est une loi inéluctable du capitalisme. De là, il sied de déduire qu’une victoire du socialisme est possible, pour commencer, dans quelques États capitalistes seulement, ou même dans un seul. Le prolétariat vainqueur dans ce pays, après avoir exproprié les capitalistes et organisé, chez lui, la production socialiste, se lèverait contre le reste du monde capitaliste, attirant à lui les masses opprimées des autres nations, fomentant chez elles des insurrections contre les capitalistes, employant, au besoin, la force armée contre les classes exploiteuses et leurs États. (Lénine : « Sur le mot d’ordre des États-Unis d’Europe », Contre le courant, t. 1, p. 140. Bureau d’éditions, 1927.)

L’impérialisme relie étroitement tous les pays du monde en une économie mondiale unique, l’impérialisme est un système de domination et d’oppression mondiales ; les contradictions créées par l’impérialisme sont des contradictions p. 332mondiales. Les contradictions intérieures de chaque pays sont donc une partie composante des contradictions mondiales de l’impérialisme et on ne peut les en séparer. C’est pourquoi…

… il faut maintenant considérer la révolution prolétarienne avant tout comme le résultat du développement des contradictions dans le système mondial de l’impérialisme, comme le résultat de la rupture de la chaîne du front impérialiste mondial dans tel ou tel pays. (J. Staline : Des principes du léninisme, p. 31.)

Mais si la révolution prolétarienne est la rupture de la chaîne du front impérialiste mondial, il n’est nullement obligatoire que cette chaîne soit rompue dans le pays capitaliste le plus avancé.

Il peut se faire que le pays qui a commencé la révolution, le pays qui a rompu le front du Capital, soit moins développé sous le rapport capitaliste que les autres pays, plus avancés et restés, cependant, dans le cadre du capitalisme. (J. Staline : Des principes du léninisme, p. 32.)

Cela ne signifie pas, bien entendu, qu’un tel pays puisse être le pays le moins développé au point de vue capitaliste.

Pour que la révolution triomphe dans un pays donné, il est nécessaire qu’il y existe un prolétariat capable de s’organiser pour la victoire sur la bourgeoisie et d’entraîner avec lui les autres masses exploitées, il est nécessaire que dans ce pays, le capitalisme ait déjà atteint un niveau moyen de développement.

Il en fut précisément ainsi en 1917, en Russie : elle était un pays arriéré par rapport à des pays comme la France, l’Allemagne, l’Angleterre, etc. Mais le capitalisme y avait atteint un niveau tel qu’elle avait déjà une grande industrie concentrée, des monopoles et un capital financier, ainsi qu’un prolétariat révolutionnaire ayant à sa tête le Parti bolchevik. Sans être le pays le moins développé, la Russie s’est toutefois trouvée en 1917 le chaînon le plus faible du front impérialiste, car toutes les contradictions fondamentales de l’impérialisme mondial s’y enchevêtraient comme dans un nœud et s’y concentraient à cette époque.

Ce que Lénine a apporté de nouveau dans le marxisme sur la question de la révolution prolétarienne consiste, par conséquent, en ce que, à l’époque de l’impérialisme, la révolution prolétarienne peut commencer et le socialisme p. 333peut vaincre d’abord dans un seul pays capitaliste, et ensuite se propager dans les autres pays. Cette théorie de Lénine de la victoire du socialisme dans un seul pays découle directement de sa théorie de l’impérialisme, qui est la continuation directe et le développement du marxisme. Elle a encore été développée par le camarade Staline dans la lutte contre le trotskisme et le bloc zinoviéviste-trotskiste.

Celui qui nie l’accentuation de l’inégalité du développement à l’époque de l’impérialisme et la possibilité de construire le socialisme dans un seul pays, nie en fait la possibilité de la révolution prolétarienne. Si le prolétariat du pays qui s’est trouvé le maillon le plus faible de la chaîne impérialiste et dans lequel le renversement de la bourgeoisie est déjà possible doit ajourner la révolution jusqu’au moment où dans les autres pays se créera également une situation révolutionnaire, cela signifie que la révolution prolétarienne ne commencera jamais. Car l’inégalité du développement rend au plus haut point invraisemblable la création simultanée d’une situation révolutionnaire dans tous les pays capitalistes les plus importants. Les chefs social-démocrates trompent la classe ouvrière en disant qu’ils ne sont pas contre la révolution, mais qu’on ne peut pas la commencer parce que les ouvriers des autres pays ne la commencent pas. Une telle position de la question signifie un renoncement complet à la révolution.

Le trotskisme contre-révolutionnaire défend ce point de vue social-démocrate. Comme nous l’avons vu plus haut, Trotski se place en substance sur le terrain de la théorie du « surimpérialisme » de Kautsky, qui nie l’accentuation de l’inégalité du développement à l’époque de l’impérialisme. C’est pourquoi Trotski est intervenu et intervient contre la théorie léniniste de l’inégalité du développement à l’époque de l’impérialisme et de la possibilité de construire le socialisme dans un seul pays. Il affirme que l’inégalité de développement a toujours été propre au capitalisme et qu’à l’époque de l’impérialisme se produit non une accentuation, mais une atténuation de cette inégalité.

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