Dominique Meeùs
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Louis Ségal, Principes d’économie politique :
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En règle générale, le capitalisme ne peut se développer d’une façon uniforme, précisément parce qu’il est le capitalisme avec sa contradiction entre la production sociale et l’appropriation capitaliste et avec l’anarchie, les crises, etc., etc., qui découlent de cette contradiction fondamentale. Mais l’inégalité s’affaiblit-elle au fur et à mesure que se développe le capitalisme ? Non, elle ne le peut pas, car le développement du capitalisme, c’est le développement de sa contradiction fondamentale. L’atténuation de l’inégalité du développement signifierait l’affaiblissement de la contradiction fondamentale du capitalisme. De ce seul fait, il ressort déjà que l’impérialisme étant l’étape suprême du développement du capitalisme et la contradiction fondamentale du capitalisme atteignant à l’époque de l’impérialisme son plus haut degré d’acuité, l’inégalité de développement, non seulement ne s’atténue pas, mais, au contraire, s’accentue à l’extrême. Mais cela n’est pas tout. Comme l’impérialisme n’est pas simplement une aggravation de la contradiction fondamentale du capitalisme, mais une étape particulière du capitalisme, profondément distincte de son développement antérieur, il ne se produit pas simplement une accentuation de l’inégalité de développement, mais un changement du caractère même de cette inégalité.
Les facteurs qui déterminent ce caractère particulier de l’inégalité du développement dans la période de l’impérialisme, c’est, en premier lieu, l’achèvement du partage du monde et la lutte pour un nouveau partage, lutte qui pousse chaque pays impérialiste à accumuler des forces pour devancer ses rivaux ; en second lieu, le niveau extrêmement élevé des forces productives permet à un pays de devancer rapidement les autres. Cette course acharnée de vitesse entre les pays capitalistes découle donc de la nature même de l’impérialisme comme étape particulière du capitalisme. Elle ne pouvait pas avoir lieu quand n’existait pas encore la domination des monopoles et du capital financier, quand le monde n’était pas encore définitivement partagé.
À l’époque de l’impérialisme, la différence dans le degré de développement des divers pays capitalistes est p. 335beaucoup moindre qu’auparavant, c’est-à-dire que le nivellement est plus grand qu’avant l’impérialisme. Mais ce qui en découle, ce n’est pas une atténuation de l’inégalité du développement des divers pays, mais, tout au contraire, une accentuation de cette inégalité.
C’est parce que les pays arriérés accélèrent leur développement et se mettent au niveau des pays avancés, que la lutte s’accentue entre les pays pour prendre le devant, et qu’apparaît la possibilité pour certains pays de dépasser les autres et de les évincer des marches, créant ainsi des conditions favorables aux conflits armés, à l’affaiblissement du front mondial du capitalisme, à la rupture de ce front par les prolétaires des différents pays capitalistes… Ainsi le nivellement est une des conditions du renforcement de l’inégalité du développement en période impérialiste. (J. Staline : « Discours de clôture à la 7e session du Comité exécutif de l’Internationale communiste », Correspondance internationale, no 20, 1927, p. 268.)
Avant l’époque de l’impérialisme, l’inégalité du développement s’exprimait dans le fait que certains pays capitalistes devançaient les autres par un développement lent et prolongé. Mais dans la période de l’impérialisme, les forces productives ont atteint un niveau extrêmement élevé, il s’est produit un nivellement des pays capitalistes avancés et la course de vitesse entre les différents pays en vue d’un nouveau partage du monde est la condition d’existence de chaque pays impérialiste. Dans ces conditions, le développement se produit par bonds, certains pays devancent rapidement certains autres, ce qui entraîne inévitablement des guerres impérialistes, l’affaiblissement réciproque des pays impérialistes. D’où la possibilité d’une rupture de la chaîne impérialiste à l’un de ses maillons, et de la victoire du socialisme dans un seul pays.
C’est en cela que consiste le caractère spécifique de la loi de l’inégalité du développement à l’époque de l’impérialisme, caractère profondément distinct de la loi du développement inégal du capitalisme en général. Dans la période de l’impérialisme,
… l’inégalité du développement capitaliste est devenue un facteur décisif de l’impérialisme. (J. Staline : « Rapport à la 15e conférence du P.C. de l’U.R.S.S. », Correspondance internationale, 1926, no 123, p. 1432.)
Cette loi, découverte par Lénine et développée par Staline, p. 336du développement inégal dans la période de l’impérialisme, est décisive pour les destinées du capitalisme.
Les enseignements de Lénine sur l’impérialisme comme dernière étape du capitalisme, sur l’importance décisive de la loi du développement inégal, sur la rupture de la chaîne de l’impérialisme à son maillon le plus faible et sur la voie de la révolution prolétarienne mondiale, qui commence par la victoire du socialisme dans un seul pays, ont reçu de l’histoire une brillante confirmation ; ils ont été justifiés par toute la marche de la crise générale du capitalisme, qui a commencé avec la guerre impérialiste mondiale de 1914-1918, qui s’est elle-même terminée par la rupture du front impérialiste mondial dans la Russie tsariste.