Dominique Meeùs
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La théorie de Rosa Luxembourg

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En conclusion, arrêtons-nous encore sur la théorie semi-menchévik de l’impérialisme de Rosa Luxembourg. Nous avons déjà plus haut pris connaissance de la théorie de l’accumulation de Rosa Luxembourg. Cette dernière est la base de sa théorie de l’impérialisme selon laquelle l’impérialisme est conditionné par l’impossibilité de l’accumulation dans un régime capitaliste pur, c’est-à-dire dans une société capitaliste qui comprend seulement des ouvriers et des capitalistes. L’impérialisme, c’est, selon son opinion, la politique de la soumission des « tierces personnes », c’est-à-dire des pays agraires arriérés, aux pays industriels capitalistes, hautement développés, politique qui découle de l’impossibilité de l’accumulation.

Il n’est pas difficile de voir que Rosa Luxembourg, pareillement à Kautsky, nie l’impérialisme en tant qu’étape particulière dans le développement du capitalisme. Elle déduit l’impérialisme non pas du fait que le capitalisme a subi des modifications internes essentielles (domination des monopoles, capital financier), mais de l’existence d’une prétendue impossibilité de l’accumulation en régime capitaliste pur. Mais si l’impérialisme découle de l’impossibilité de l’accumulation, c’est que le capitalisme a toujours été impérialiste, car l’accumulation, selon Rosa Luxembourg, n’est jamais possible en régime capitaliste pur. Par conséquent, l’impérialisme existe depuis qu’existe le capitalisme, il n’est pas une étape de son développement.

Selon Rosa Luxembourg, les crises découlent non de la contradiction intérieure fondamentale du capitalisme, mais de la contradiction extérieure entre le capitalisme et les « tierces personnes » non capitalistes. De même, l’impérialisme n’est pas non plus le produit du développement des contradictions intérieures du capitalisme, mais l’expression de cette contradiction extérieure. Mais il s’ensuit que le capitalisme devra périr non du développement de ses contradictions intérieures, mais de la disparition des p. 329« tierces personnes » qui rendent possible l’accumulation du capital. Il est vrai que Rosa Luxembourg faisait cette réserve que la révolution prolétarienne aura lieu bien avant la disparition de ces « tierces personnes ». Mais cette réserve contredit sa théorie dont il découle que le capitalisme peut exister tant qu’existeront les « tierces personnes », les petits producteurs.

Il ressort de la théorie de l’impérialisme de Rosa Luxembourg que le capitalisme s’effondrera automatiquement et que cet effondrement doit avoir lieu quand disparaîtra la possibilité de l’accumulation. À l’opposé de l’aile opportuniste de la social-démocratie d’avant-guerre, Rosa Luxembourg se prononçait pour la nécessité de la révolution prolétarienne. Mais elle se représentait cette révolution uniquement comme un acte spontané. Ainsi, de même que l’aile opportuniste (y compris Trotski), elle niait la nécessité du parti en tant qu’avant-garde révolutionnaire, en tant que chef dirigeant et organisateur du prolétariat en vue de la révolution, et se mit du côté des mencheviks contre les bolcheviks dans la question des statuts du parti.

De sa théorie de l’accumulation et de l’impérialisme, il découle que le capitalisme fera automatiquement naufrage, et cette dernière affirmation conduit Rosa Luxembourg à compter sur le mouvement spontané des masses. C’est précisément pour cela que Rosa Luxembourg considérait la grève générale, et non l’insurrection armée comme l’arme principale de la révolution.

Tout en menant à la tête de l’aile gauche de la social-démocratie allemande d’avant la guerre, la lutte contre l’opportunisme, Rosa Luxembourg dans les problèmes fondamentaux de la tactique de la révolution prolétarienne, hésitait toutefois entre le menchévisme et le bolchévisme et intervint souvent contre le bolchévisme. Les social-démocrates de gauche dans l’Allemagne d’avant-guerre…

… possèdent également un grand et sérieux bagage révolutionnaire… C’est justement pour cela que les bolcheviks les considéraient comme des social-démocrates de gauche, les soutenaient et les poussaient en avant. Mais cela ne supprime pas et ne peut pas supprimer le fait que les social-démocrates de gauche en Allemagne commirent en même temps toute une série d’erreurs politiques et théoriques des plus graves, qu’ils ne s’étaient pas encore libérés de leur bagage menchevik et, par conséquent, avaient besoin de la critique la plus sérieuse de la part des bolcheviks. (J. Staline : « Sur quelques questions de l’histoire du bolchévisme », Internationale communiste, 15 nov.-1er déc. 1931, p. 1612.)

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C’est pourquoi toute tentative de présenter la question comme si les bolcheviks sous-estimaient les erreurs des « gauches » n’est rien d’autre qu’une tentative de faire reparaître la calomnie trotskiste suivant laquelle les bolcheviks ne sont devenus de véritables marxistes révolutionnaires que lorsqu’en 1917 ils se sont prétendument « réarmés » par l’étude de la théorie et de la tactique menchéviks de Trotski.

Ainsi nous voyons que la seule théorie juste et scientifique est la théorie léniniste de l’impérialisme qui continue et développe la doctrine de Marx de la ruine du capitalisme. Le grand mérite de Lénine consiste non seulement dans la découverte du fait que l’impérialisme est la veille de la révolution prolétarienne, mais aussi dans le fait que, sur la base de l’analyse des lois de l’impérialisme, il a développé la doctrine de Marx et d’Engels de la révolution prolétarienne et de la dictature du prolétariat. Le grand mérite de Lénine consiste également dans le fait que, après avoir découvert la loi du développement inégal des différents pays â l’époque de l’impérialisme, il a aussi découvert qu’il en découle la possibilité de la victoire du socialisme dans un seul pays.

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