Dominique Meeùs
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Le parasitisme et la décomposition du capitalisme

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Comme, à son stade suprême de développement, le capitalisme rend les forces productives mûres pour une socialisation complète et empêche en même temps cette socialisation, la décomposition du capitalisme est inévitable.

Les rapports de l’économie privée et de la propriété individuelle constituent un tégument qui ne correspond plus à ce qu’il recouvre, et destiné à pourrir infailliblement si l’on en diffère artificiellement l’élimination. (Lénine : l’Impérialisme, stade suprême du capitalisme, p. 139.)

La décomposition du capitalisme au stade suprême de son développement est conditionnée par la nature même de l’impérialisme, en tant que capitalisme de monopoles. Tout d’abord, le monopole lui-même, pour autant qu’il est le contraire de la concurrence, pour autant qu’il assure des profits élevés au moyen de la hausse des prix, diminue les mobiles du perfectionnement de la technique de la production, c’est-à-dire crée une tendance à la stagnation. Les cas deviennent de plus en plus fréquents où les inventions nouvelles sont achetées par les organisations monopolistes, non pour les appliquer, mais pour qu’elles ne puissent être mises en pratique.

Le monopole, qui est le contraire de la concurrence, ne l’abolit pas, il coexiste avec elle. C’est pourquoi le progrès technique ne s’arrête pas. Mais en même temps les monopolistes l’entravent consciemment. Depuis quelques années, les savants bourgeois et les grands capitalistes affirment de plus en plus que tout le malheur de l’humanité consiste dans le développement de la technique, qui est trop avancée. Ainsi, en 1931, au congrès des syndicats réformistes allemands, un des principaux rapporteurs, le professeur Lederer, s’est ouvertement déclaré convaincu de la nécessité d’entraver le progrès technique. Et l’organe dirigeant de p. 311l’industrie lourde allemande, Die Deutsche Bergwerks Zeitung, déclarait déjà en 1930, ouvertement et sans aucune explication, que le capitalisme a heureusement la chance d’être encore capable d’entraver le progrès technique.

Depuis la crise économique mondiale actuelle, dans tous les pays capitalistes, en particulier aux États-Unis, ont apparu toute une série de projets qui préconisent des mesures telles que l’interdiction des inventions, le retour au travail manuel, etc.

La contradiction entre la production sociale et l’appropriation capitaliste est devenue, à l’époque de l’impérialisme, à tel point aiguë que le capitalisme s’est transformé en capitalisme pourrissant. Et malgré le fait qu’à l’époque de l’impérialisme les forces productives croissent tout de même en raison de l’aggravation de la lutte entre les capitalistes…

… la tendance à la stagnation et à la putréfaction propre au monopole continue à agir de son côté et, dans certaines branches d’industrie, dans certains pays, il lui arrive de prendre le dessus pour un certain temps. (Lénine : l’Impérialisme, stade suprême du capitalisme, p. 110.)

L’exportation du capital et la possession de colonies sont des facteurs qui accentuent la décomposition du capitalisme et transforment l’impérialisme en capitalisme parasitaire. Plus se développent l’exportation du capital et l’exploitation des colonies et plus se développe dans les États impérialistes la couche des capitalistes et de la petite bourgeoisie qui tire son revenu des emprunts étrangers, la couche des gens qui, tout à fait détachés de la production, vivent de la « tonte des coupons »…

… des gens dont l’oisiveté est la profession.

Lénine : l’Impérialisme, stade suprême du capitalisme, p. 110.

Cette couche de rentiers s’est accrue encore avant la guerre à tel point que, par exemple, en Angleterre le revenu des rentiers dépassait de cinq fois celui du commerce extérieur (et il faut considérer que l’Angleterre était le pays dont le commerce était le plus développé).

Dans la période d’après-guerre se poursuit la croissance du parasitisme des pays capitalistes. La somme totale des dividendes et des intérêts payés aux États-Unis, malgré une baisse dans les années de la crise, a passé de 1,8 milliard p. 312de dollars en 1913 à 6,1 milliards de dollars en 1933. En Angleterre, les revenus des titres à intérêts sont passés de 95 684 000 livres sterling en 1913-14 à 343 743 000 livres sterling en 1931-32, ce qui fait 10 % du revenu national du pays. Mais les revenus de ceux qui touchent la rente sur les investissements à l’étranger croissent d’une façon encore plus intensive. Ainsi, aux États-Unis, le revenu national de 1932 est presque égal à celui de 1915, mais les revenus tirés des investissements à l’étranger, y compris le remboursement de dettes de guerre, ont augmenté de plus de trois fois.

L’exportation du capital, une des bases économiques essentielles de l’impérialisme, accroît encore l’isolement complet de la couche des rentiers envers la production, donne un cachet de parasitisme à l’ensemble du pays, vivant de l’exploitation du travail de quelques pays et colonies transocéaniques. (Lénine : l’Impérialisme, stade suprême du capitalisme, p. 110.)

L’impérialisme c’est la domination du capital financier d’un petit groupe de pays sur le reste du monde, et c’est pourquoi, avec la croissance de la couche des rentiers, ces pays impérialistes deviennent des États rentiers qui dominent et exploitent tous les autres pays. Les États impérialistes se transforment en États rentiers parasitaires qui soutirent des surprofits fabuleux des colonies et des semi-colonies. À cette occasion surviennent des changements considérables dans les métropoles elles-mêmes, changements qui témoignent du parasitisme et de la décomposition toujours croissante du capitalisme. À côté de la situation sans cesse aggravée des masses prolétariennes, on constate le développement de l’industrie de luxe, la croissance du nombre des domestiques, des personnes occupées à servir la bourgeoisie dans les restaurants, hôtels de luxe, villes d’eaux, théâtres, etc. ; par contre, le nombre des ouvriers occupés dans les principales branches de l’industrie diminue. Ainsi, en Angleterre, le nombre des salariés occupés dans les branches qui produisent des objets de consommation pour la bourgeoisie s’est accru, de 1923 à 1930, de 28 %, tandis que le nombre des ouvriers des principales branches d’industrie a diminué de 30 %.

Le caractère parasitaire et la décomposition de l’impérialisme se manifestent avec le plus d’éclat dans la croissance du militarisme. En premier lieu, la croissance de l’industrie de guerre signifie que des forces productives énormes p. 313sont détournées de leur destination pour produire des moyens de destruction. À l’époque de l’impérialisme, aucune branche d’industrie ne peut rattraper l’industrie de guerre. Dans aucune branche d’industrie il ne se fait autant d’inventions et de perfectionnements que dans l’industrie de guerre. En second lieu, la guerre elle-même c’est la destruction directe des forces productives dans des proportions gigantesques, catastrophiques.

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