Dominique Meeùs
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La théorie de la sous-consommation

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Le représentant le plus en vue de la deuxième théorie social-démocrate, celle de la sous-consommation, est Tarnov, que nous avons déjà mentionné. Cette théorie non plus n’est pas neuve, comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent, elle remonte au commencement du 19e siècle, où elle fut lancée par l’économiste petit-bourgeois suisse, Sismondi. Celui-ci affirmait que comme les crises découlent de la sous-consommation des masses, comme ces dernières sont vouées en régime capitaliste à la sous-consommation, les crises sont donc impossibles à éliminer. Sismondi en conclut qu’il faut revenir en arrière, à la petite production.

La social-démocratie contemporaine, dans la personne de Tarnov et d’autres, s’est emparée de cette théorie et en a tiré une conclusion tout à fait opposée : comme la crise découle de la sous-consommation, comme les capitalistes souffrent des crises non moins que la classe ouvrière, les capitalistes sont directement intéressés a ce que les ouvriers consomment davantage. Il suffit donc que les capitalistes payent aux ouvriers de hauts salaires et les crises disparaîtront à jamais. Et Tarnov berce les ouvriers par des fables sur la possibilité d’une augmentation des salaires par les capitalistes eux-mêmes. Il ne faut pour cela qu’une seule chose, c’est que les ouvriers travaillent davantage.

Si Sismondi, en constatant la sous-consommation des masses, conclut que le capitalisme n’est pas progressif et préconise le retour à la petite production, Tarnov et d’autres font, au contraire, l’apologie du capitalisme en s’efforçant de prouver que les capitalistes sont intéressés à l’augmentation des salaires et que cette augmentation mettra fin aux crises en régime capitaliste.

Les recettes social-démocrates pour surmonter les crises en régime capitaliste sont aussi peu originales que leurs explications des crises.

Le merveilleux moyen de surmonter les crises par l’augmentation des salaires a déjà été inventé à la fin du siècle p. 274dernier par l’économiste bourgeois allemand Sombart dans le but de duper les ouvriers.

Pour se rendre compte que l’augmentation des salaires ne peut empêcher la crise, il suffit de voir qu’à la veille de la crise, à savoir dans la période d’essor industriel, les salaires augmentent ordinairement. L’augmentation des salaires dans la période d’essor ne fait qu’annoncer la crise.

Mais, peut-on dire, quelle est donc la signification de la contradiction entre la production et la consommation en régime capitaliste, contradiction objectée par Lénine aux apologistes bourgeois qui nient le lien entre les crises et le bas niveau de la consommation des masses ?

La contradiction entre la production et la consommation en régime capitaliste, dévoilée par Marx et par Lénine, n’a rien de commun avec la théorie de la sous-consommation.

La sous-consommation (qui expliquerait prétendument les crises) existait sous les régimes économiques les plus différents, mais les crises ne sont le signe distinctif que d’un seul régime, le régime capitaliste. (V. I. Lénine : Œuvres complètes, t. 2, p. 36, édition russe.)

Il ne s’agit donc pas seulement de la sous-consommation, il ne s’agit pas simplement de la contradiction entre la production et la consommation, mais du caractère de cette contradiction comme la forme sous laquelle se manifeste la contradiction fondamentale du capitalisme. C’est ce que ne pouvait voir l’idéologue de la petite-bourgeoise Sismondi, c’est ce que ne veulent pas voir les apologistes social-démocrates du capitalisme.

Il s’agit du fait que le capitalisme, pour ses besoins d’accumulation, tend à élargir sans fin la production sociale et en réduisant la consommation des masses, il dresse lui-même un obstacle à cette extension. Il s’agit donc de la contradiction entre la production sociale et l’appropriation capitaliste. Comme la théorie de la disproportion, la théorie social-démocrate de la sous-consommation nie cette contradiction pour prouver que les crises peuvent être supprimées en régime capitaliste.

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