Dominique Meeùs
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Possibilité et nécessité des crises

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Ainsi, l’anarchie de la production, dans la production marchande simple, a une incomparablement moindre importance que sous la domination du système capitaliste de production.

Dans le chapitre 3, nous avons montré comment la possibilité des crises apparaît déjà avec le dédoublement de la marchandise en marchandise et en argent, comment les crises, sous une forme embryonnaire, sont renfermées dans la marchandise en général.

C’est pourquoi la possibilité des crises existe déjà dans la production marchande simple. Mais cela est encore une possibilité seulement abstraite, c’est-à-dire une possibilité telle que, dans les conditions de la production marchande simple, elle ne peut pas encore se transformer en réalité.

Dans la production marchande simple, la production a pour but la satisfaction des besoins des producteurs de marchandises et non le profit. Le marché est limité parce que la division du travail n’est pas encore complètement développée. Dans la plupart des cas, le marché est local et facile à observer.

En outre, les forces productives de la société sont encore très peu développées — la production est encore une production individuelle à la main ; elle n’est pas une production de masse, elle s’effectue dans des dimensions limitées et ne peut pas s’élargir rapidement. C’est pourquoi, en régime de production marchande simple, il n’y a pas de crises générales de surproduction.

L’apparition de la production capitaliste conduit à un plus grand renforcement de la possibilité des crises et crée les conditions dans lesquelles la possibilité des crises se transforme en leur nécessité, et dans lesquelles les crises deviennent inévitables. En régime capitaliste, la production marchande prend une extension générale. La force motrice de la production c’est le profit ; chaque capitaliste cherche à élargir au maximum la production afin de tirer le maximum de profit. La production se fait en grand, avec l’emploi de machines. C’est pourquoi elle peut être rapidement élargie. Le crédit se développe, reliant en une seule chaîne tous les capitalistes. Avec le développement de la division du travail s’accentue l’anarchie de la production. En même p. 251temps, le capitalisme réduit le niveau de vie des masses ; la classe ouvrière se paupérise. L’élargissement de la production provoqué par la tendance du capital à obtenir une masse toujours plus grande de plus-value se heurte au pouvoir de consommation limité des masses. Toutes ces conditions rendent les crises inévitables.

L’économie marchande simple est caractérisée par la contradiction entre le travail social et le travail privé, sans qu’il y ait contradiction entre le mode de production et le mode d’appropriation (voir ch. 4). En régime capitaliste, la contradiction entre le travail social et le travail privé se transforme en contradiction entre la production sociale et l’appropriation capitaliste.

… l’appropriation par des particuliers du produit du travail social organisé par l’économie marchande, voilà ce qui constitue l’essence du capitalisme.

Lénine : Œuvres, t. 1, p. 237.

Comme la possibilité des crises, qui caractérisait déjà la production marchande simple, ne se transforme en leur nécessité que sur la base du capitalisme, il est évident que nous devons chercher la cause des crises, non directement dans l’anarchie de la production, mais plus profondément, — à savoir dans la contradiction fondamentale du capitalisme, qui le différencie de la production marchande simple. En quoi consiste l’essence même de la contradiction fondamentale du capitalisme ?

On ne doit pas se représenter cette contradiction dans la forme simplifiée : d’un côté, la production sociale, de l’autre le capitaliste ; d’une part les produits sociaux, de l’autre le capitalisme qui se les approprie.

La contradiction fondamentale du capitalisme consiste en ce que la production sociale est subordonnée à la classe des capitalistes. L’appropriation capitaliste n’est pas seulement l’appropriation des produits du travail des ouvriers par les capitalistes. C’est parce que les capitalistes sont les propriétaires des moyens de production sociaux qu’ils s’approprient les produits du travail social. La contradiction fondamentale du capitalisme réside, par conséquent, dans la domination du capital sur le travail social.

Il découle de cela que la production sociale elle-même p. 252existe non pour la satisfaction des besoins de la société, mais pour la satisfaction des besoins du Capital.

La limite véritable de la production capitaliste, c’est le capital lui-même, le fait que le capital, avec sa mise en valeur apparaît comme le commencement et la fin, comme la cause et le but de la production ; que la production n’est que de la production pour le capital, tandis que les moyens de production sont de plus en plus des moyens de l’extension continuelle du procès vital de la société des producteurs. (K. Marx : le Capital, t. 10, p. 187.)

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