Dominique Meeùs
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Louis Ségal, Principes d’économie politique :
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La question de la composition de la valeur du produit social ne présente aucune difficulté. Nous savons déjà que sa valeur consiste en capital constant, en capital variable et en plus-value. En ce qui concerne la composition du produit social en valeur d’usage ou suivant ses parties composantes matérielles, pour analyser cette question, il n’est pas nécessaire d’étudier toutes les différentes sortes des marchandises qui entrent dans la composition du produit social et toutes les branches de la production. De ce qui a été exposé précédemment, il ressort que, pour la reproduction, il est nécessaire que dans la composition du produit social il y ait des moyens de production et des objets de consommation. C’est pourquoi il est tout à fait suffisant que toutes les branches de la production soient groupées en deux grandes sections : 1. les branches qui produisent les moyens de production, et 2. les branches qui produisent les moyens de subsistance. Quelque différentes que soient les marchandises de tout le produit social, elles peuvent, de la même façon, être divisées en deux groupes : 1. les produits p. 221de la première section de la production sociale qui sont consommés par toutes les branches de la production comme capital constant — machines, matières premières, matériaux auxiliaires, combustible, etc. ; 2. les produits de la seconde section de la production sociale qui sont consommés comme revenu par les ouvriers et les capitalistes — les objets de première nécessité et les objets de luxe. Marx a décomposé tout le produit social selon sa forme naturelle par cette division de la production sociale en deux grandes sections.
La composition de tout le produit social en valeur et en forme naturelle est présentée démonstrativement et illustrée par Marx de la façon suivante.
Supposons que tout le produit annuel de la société ait une valeur de 9 000 (milliers ou millions de francs — cela est égal) et consiste en moyens de production (le produit de la section I de la production sociale) d’une valeur de 6 000 et en objets de consommation (le produit de la section II) d’une valeur de 3 000. Supposons ensuite que le produit de la section I ait la composition suivante en valeur : 4 000 de capital constant dépensé pour sa production + 1 000 de capital variable dépensé + 1 000 de plus-value.
Désignons le capital constant par la lettre C, le capital variable par la lettre V et la plus-value par la lettre M. (Ces initiales, employées par Marx, représentent les premières lettres des noms allemands des capitaux constants et variables, et de la plus-value. NdlR.)
Alors la composition de la valeur du produit de la section I (qui consiste en moyens de production) peut être représentée de la façon suivante :
4 000 C + 1 000 V + 1 000 M = 6 000.
Prenons maintenant le produit de la section II. Supposons que sa valeur consiste en 2 000 pour la valeur du capital constant + 500 pour la valeur du capital variable + 500 pour la plus-value. La composition de la valeur du produit de la section II (qui consiste en objets de consommation) sera, par conséquent, représentée ainsi :
2 000 C + 500 V + 500 M = 3 000.
p. 222En réunissant ces deux séries, nous obtenons le schéma suivant :
Section I : | 4 000 C | + | 1 000 V | + | 1 000 M | = | 6 000 |
Section II : | 2 000 C | + | 500 V | + | 500 M | = | 3 000 |
Produit total : | 6 000 C | + | 1 500 V | + | 1 500 M | = | 9 000 |
Dans ce schéma est montré le lien réciproque des parties composantes de la valeur du produit social (C + V + M) et de ses parties composantes matérielles (les deux sections). Dans cette division du produit social en parties composantes de la valeur et de la valeur d’usage dans leurs liens réciproques, Marx a exprimé le caractère double de l’ensemble du travail social dans la société capitaliste, comme travail créant en même temps des valeurs et des valeurs d’usage, créant une nouvelle valeur et transférant au produit social la valeur des moyens de production dépensés dans toute la société. Marx a pu dévoiler cette composition compliquée du produit social parce qu’il voyait le caractère contradictoire de la marchandise elle-même et du travail qui crée la marchandise, — ce que n’avait pas vu Smith, qui, par suite de cela, n’avait pas pu comprendre la reproduction du capital social.
Après avoir éclairci cette composition double du produit du capital social, nous pouvons passer à l’étude de la façon dont se produit la reproduction du capital social.
Nous savons déjà que pour la reproduction il est nécessaire, en premier lieu, de remplacer les moyens de production dépensés par de nouveaux, et, en second lieu, de reconstituer la force de travail dépensée.
Les capitalistes, qui ont besoin de nouveaux moyens de production, les achètent chez d’autres capitalistes. Par exemple, le fabricant de tissus ne produit pas lui-même les métiers, il les achète chez le fabricant de métiers. Ce dernier, en vendant les métiers au fabricant de tissus, réalise leur valeur, la transforme en argent. La valeur d’usage des métiers sera réalisée par le fabricant de tissus, qui emploiera les métiers achetés à la fabrication des tissus. D’autre part, la réalisation de la valeur des métiers, leur vente, est nécessaire pour que le fabricant puisse acheter de nouveaux moyens de production et de la force de travail pour la fabrication de nouveaux métiers. Il en est de même pour tous les autres moyens de production qui entrent dans la p. 223composition du produit social. De là, nous pouvons conclure que, pour la reproduction, est nécessaire la réalisation du produit de la section I de la production sociale (moyens de production).
Prenons maintenant la partie du produit social qui consiste en objets de consommation (section II). En vendant les objets de consommation aux ouvriers et aux capitalistes, les fabricants de ces objets de consommation réalisent leur valeur. La valeur d’usage d’une partie de ces produits est réalisée par les ouvriers qui les consomment et reconstituent ainsi leur force de travail ; la valeur d’usage de l’autre partie est réalisée par les capitalistes qui dépensent leur plus-value pour acheter des objets de consommation. S’ils ne vendent pas leurs marchandises, s’ils ne réalisent pas leur valeur, les capitalistes qui produisent les objets de consommation ne pourront pas fabriquer de nouveaux objets de consommation. Mais cela signifie que, pour toute la reproduction sociale, est nécessaire la réalisation non seulement des moyens de production, mais aussi des objets de consommation, qui entrent dans la composition du produit social.
Ainsi, le procès de la reproduction du capital social comprend la réalisation des parties composantes du produit social. La réalisation de leur valeur se produit au moyen de la circulation (achat et vente), et la réalisation de leur valeur d’usage se produit lorsqu’elles entrent dans la production ou dans la consommation. La théorie de la reproduction doit montrer comment se produit cette réalisation. C’est pourquoi la théorie de Marx de la reproduction et de la circulation du capital social s’appelle aussi la théorie de la réalisation.