Dominique Meeùs
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La prolétarisation de la paysannerie

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Le petit artisan, exploité par le capital, est réduit, lui aussi, à une vie de privations et de travail excessif, mais il n’est pas lié par la propriété foncière que le paysan acquiert avec tant de peine. Le petit cultivateur qui possède déjà un lopin de terre rêve de devenir un paysan aisé.

Mais il n’y a qu’une minorité insignifiante dans la paysannerie qui puisse éviter la ruine.

Or, avant la ruine, il a défendu désespérément son indépendance économique… Résultat fatal : il se dégage une minorité de paysans riches, aisés… et la majorité tombe dans une misère de plus en plus grande qui détruit par une famine chronique et un travail excessif les forces de l’homme, amoindrit la qualité de la terre et du bétail. Résultat inévitable : création d’une minorité d’exploitations capitalistes basées sur le travail salarié et nécessité croissante, pour la majorité, de chercher « un gagne-pain auxiliaire », c’est-à-dire de se transformer en ouvriers salariés industriels et agricoles. (V. I. Lénine : Œuvres complètes, tome 4, p. 278.)

Le petit cultivateur est de plus en plus obligé de recourir à la vente de sa force de travail. Il devient semi-prolétaire. Son exploitation devient pour lui de plus en plus une source auxiliaire d’existence. Ainsi, en Allemagne, sur les 3 027 000 petits paysans qui possèdent une superficie de 0,05 à 2 hectares et qui, d’après les théoriciens social-démocrates, évincent la grande production, plus de la moitié, à savoir 53,9 %, travaillent en qualité d’ouvriers salariés dans l’industrie ou dans l’agriculture.

Le petit paysan qui se ruine ne rompt pas complètement avec son exploitation, non seulement pour les raisons indiquées ci-dessus, mais aussi parce que, bien souvent, cela lui p. 208est impossible, surtout pendant les crises, où il ne peut pas trouver du travail comme ouvrier salarié.

Le chômage ayant pris des proportions sans précédent, le paysan ruiné ne sait pas où aller et il est obligé de mener une existence misérable sur son lopin de terre, bien que la statistique bourgeoise le classe parmi les cultivateurs « indépendants ».

L’exode rural, le dépeuplement de la campagne est un phénomène qui a commencé bien avant la guerre. Ce fait avait créé pour les grandes exploitations la menace de manque de main-d’œuvre à bon marché. Pour enrayer l’exode rural, on attachait les paysans à la terre en leur accordant des possibilités de se créer des « exploitations indépendantes ».

Lorsque la petite production est évincée à un rythme trop accéléré, les gros cultivateurs cherchent à la consolider ou à la régénérer en lui vendant de la terre ou en lui en donnant à ferme. (V. I. Lénine : Œuvres complètes, tome 2, p. 453, édition russe.)

On crée aussi un type d’ouvrier agricole salarié possédant un lot :

L’attribution de la terre aux ouvriers agricoles a lieu bien souvent dans l’intérêt des cultivateurs eux-mêmes et voilà pourquoi le type de l’ouvrier agricole possédant un lot de terre est propre à tous les pays capitalistes. (V. I. Lénine : Œuvres complètes, tome 3, p. 129.)

Ainsi, en régime capitaliste, la croissance de la grande production agricole détermine jusqu’à un certain point la conservation et même la croissance du nombre des petites exploitations. Mais il est tout à fait clair que ces petites exploitations n’évincent pas les grandes entreprises capitalistes dont elles sont un appendice nécessaire. En réalité, ces exploitations « indépendantes » constituent, avec les petits producteurs évincés, une source permanente de main-d’œuvre pour les grandes exploitations capitalistes. De la sorte, l’évincement de la petite production se fait de manière à conserver en apparence l’existence de la petite production « indépendante ».

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