Dominique Meeùs
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Louis Ségal, Principes d’économie politique :
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Le capitaliste-affermataire n’engagerait pas son capital dans l’agriculture, si le taux du profit était inférieur à la moyenne. Par contre, pour le petit paysan, le but de la production c’est simplement de maintenir son existence. Aussi persiste-t-il dans son exploitation tant que son travail lui donne la moindre possibilité de subsister.
Le petit paysan est placé dans des conditions beaucoup plus défavorables que le gros affermataire. Le capitaliste peut louer une terre sans égard à son lieu de séjour, il peut même habiter la ville et investir son capital dans l’agriculture. C’est pourquoi il est libre de choisir la terre à louer.
Par contre, le petit cultivateur est attaché à son domicile, la culture est pour lui étroitement liée à son économie domestique. Il est donc obligé de prendre de la terre à ferme tout près de son domicile. Le grand propriétaire foncier en profite et fait payer au petit fermier un loyer à l’hectare plus p. 206élevé qu’au gros fermier, de même que le prix de la terre achetée par le petit cultivateur est supérieur à celui payé par le gros capitaliste. C’est pourquoi le grand propriétaire foncier préfère donner sa terre à ferme ou la vendre par petits que par grands lots. C’est donc la propriété privée du sol (et nullement les conditions naturelles) qui entrave la croissance de la grande production dans l’agriculture. Le petit cultivateur qui emprunte de l’argent à la banque pour acquérir de la terre ou en général pour entretenir son exploitation doit payer un taux d’intérêt élevé et s’endetter pour toute sa vie. Aussi, la vente de ses produits laisse-t-elle au petit paysan à peine de quoi vivre.
Dans les pays où prédomine la petite culture, les prix du blé sont inférieurs à ceux des pays de grande agriculture capitaliste. Cela n’est pas dû au rendement supérieur du travail paysan, qui est, au contraire, moins productif que celui de l’ouvrier salarié dans les entreprises agricoles capitalistes, mais au fait que
… le paysan donne gratuitement à la société (c’est-à-dire à la classe des capitalistes) une partie du produit supplémentaire. (V. I. Lénine : Œuvres complètes, tome 18, p. 24, édition russe.)
Ce bas prix est le résultat de la pauvreté des producteurs, mais nullement de la productivité de leur travail.
Le faible rendement du travail du petit cultivateur, la rente, les impôts, etc., tout cela l’oblige à fournir bien plus de travail pour maintenir tant bien que mal son existence. Le bas niveau de sa vie est donc en liaison avec le travail excessif qu’il doit fournir.
L’existence de la petite paysannerie dans toute société capitaliste s’explique non par la supériorité technique de la petite propriété agricole, mais par le fait que les petits paysans rabaissent leurs besoins au-dessous du niveau des besoins des ouvriers salariés et s’éreintent au travail infiniment plus que ces derniers. (V. I. Lénine : Œuvres complètes, tome 3, p. 5, édition russe.)
Voilà ce qu’est la fameuse « supériorité » de la petite exploitation paysanne sur la grande exploitation capitaliste.
Le petit cultivateur n’est nullement, en réalité, un propriétaire indépendant. Son indépendance n’est qu’apparente.
Il est exploité par le grand propriétaire foncier, le gros paysan, l’usurier, le marchand, par l’État des bourgeois et des propriétaires fonciers.
p. 207Mais le petit cultivateur s’accroche désespérément à son indépendance illusoire.
En effet, qu’est-ce qui attachait, attache et attachera encore le petit paysan d’Europe occidentale à sa petite économie marchande ? Avant tout et surtout le fait qu’il a son propre lopin de terre, l’existence de la propriété privée du sol. Des années durant, le petit paysan amasse de l’argent pour acheter un lopin de terre et quand il l’a acheté, il ne veut évidemment pas s’en séparer, il préfère souffrir toutes les privations, tomber dans un état misérable voisin de la barbarie, plutôt que de lâcher son morceau de terre, qui est la base île son économie individuelle. (J. Staline : « La transformation socialiste du village soviétique… », Correspondance internationale, 1930, p. 15.)