Dominique Meeùs
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Louis Ségal, Principes d’économie politique :
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L’existence et le développement du capitalisme (et même un développement beaucoup plus rapide) sont possibles sans la propriété privée du sol. Cela est prouvé par le fait même qu’avec le développement du capitalisme, la production agricole se sépare de plus en plus de la propriété privée du sol. Cette séparation se manifeste sous deux formes : la croissance de la location de la terre et celle de la dette hypothécaire à long terme.
Dans l’affermage, le capitaliste conduit son exploitation sur une terre qui ne lui appartient pas. La production agricole sur des terres affermées s’accroît dans tous les pays. Ainsi, en Grande-Bretagne — pays où le développement de l’agriculture capitaliste est le plus ancien — 15,3 % seulement de l’ensemble de la superficie agricole étaient cultivés en 1887 par les propriétaires fonciers eux-mêmes, 84,7 % l’étaient par les affermataires. En 1912, 89,1 % de la superficie étaient cultivés par des affermataires. Aux États-Unis — pays où le capitalisme est relativement jeune — la terre affermée formait en 1880, 25,6 % de l’ensemble de la surface cultivée et en 1925 déjà 47,4 %. Cette croissance de l’affermage n’est rien d’autre que la séparation grandissante de la production agricole d’avec la propriété foncière, et signifie que le capitalisme peut de plus en plus se passer de la propriété privée du sol.
La deuxième forme de la séparation de la terre comme moyen de production d’avec la propriété foncière est la croissance des dettes hypothécaires. En achetant de la terre, p. 198l’acheteur reçoit d’habitude de la banque un prêt à long terme sous l’hypothèque de la terre achetée. Le nouveau propriétaire touche la rente sur laquelle il verse à la banque l’intérêt pour l’argent emprunté. Si bien que dans le cas de l’hypothèque, l’intérêt payé à la banque n’est rien d’autre que la rente. La terre est hypothéquée non seulement lors de l’achat, mais en général chaque fois que le propriétaire foncier a besoin d’argent. Cette opération est fort avantageuse aux banques agricoles ou de crédit hypothécaire non seulement parce qu’elles touchent la rente sous forme d’intérêt, mais aussi parce qu’en cas d’insolvabilité du débiteur, la terre devient la propriété de la banque. Et comme d’autre part le prix de la terre monte, la revente de ces terrains apporte à ces banques des profits importants.
Les terres hypothéquées restent formellement la propriété de leur propriétaire officiel, mais pratiquement elles appartiennent à la banque. Car la propriété de la terre c’est le droit à la rente. Or, la terre étant hypothéquée, le propriétaire est obligé de verser la rente à la banque sous forme d’intérêt.
Le mode capitaliste de production a surtout eu le résultat… d’établir une distinction très nette entre la terre, condition de travail et la propriété foncière ou le propriétaire foncier pour lequel la terre ne représentait en somme qu’une contribution déterminée que son monopole lui permettait de réclamer du capitalisme industriel — l’affermataire. (K. Marx : le Capital, t. 13, p. 9-10.)