Dominique Meeùs
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Louis Ségal, Principes d’économie politique :
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La propriété privée du sol détache d’une application productive des capitaux énormes lors de l’achat de terrains. La terre, comme telle, n’a pas de valeur, n’étant pas le produit du travail. Cependant, dans la société capitaliste, elle est une marchandise, elle s’achète et elle se vend. Ne possédant pas de valeur, la terre a pourtant un prix ; tel terrain se vend et s’achète à tel ou tel prix. Or, le prix de toutes les p. 196marchandises est déterminé par la valeur. Par quoi est déterminé le prix de la terre, qui n’a point de valeur ?
Si un terrain donné rapporte annuellement 100 francs de rente, le propriétaire de ce terrain, en le vendant, devra toucher une somme d’argent qui, placée dans une banque, donnera annuellement un revenu de 100 francs. Si la banque paye un taux d’intérêt de 5 %, le propriétaire du terrain vendra ce dernier pour 2 000 francs, car 2 000 francs avec un intérêt de 5 % rapportent 100 francs par an. Le prix de la terre, dans le cas donné, est 2 000 francs. Le prix de la terre c’est la rente capitalisée, c’est-à-dire la rente convertie en intérêt, en revenu d’un capital de prêt d’une grandeur déterminée. Lors de la vente du terrain, le propriétaire cède à l’acheteur le droit à la rente. Il touche pour cela un tribut qui lui permet de recevoir à l’avenir un revenu sous la forme d’intérêt.
Lorsque le capitaliste achète le terrain, la somme d’argent qu’il a payée n’est pas une application productive du capital. Il pourrait organiser la production sur un terrain loué aussi bien que sur un terrain acheté. S’il n’avait pas dépensé un capital-argent pour l’achat du terrain, il aurait pu acheter plus de moyens de production et de force de travail, améliorer les procédés de culture, etc.
C’est pourquoi la dépense de capital argent pour l’achat de la terre n’est pas un placement de capital agricole. Elle est en contradiction avec le mode capitaliste de production. (K. Marx : le Capital, t. 14, p. 100-101.)
Avec le développement du capitalisme, le prix de la terre ne tombe pas, mais augmente. Cet accroissement du prix de la terre est provoqué par deux causes. La première, c’est la croissance de la rente. La rente augmente parce que, avec le développement du capitalisme, la demande de terre grandit et qu’il se produit de nouveaux investissements de capitaux dans l’agriculture. Mais l’accroissement de la rente signifie l’augmentation du prix de la terre. Si dans l’exemple cité la rente est non de 100, mais de 200 francs, il faudra un capital de 4 000 francs pour obtenir un revenu annuel de 200 francs au taux de 5 %.
La deuxième cause de l’accroissement du prix de la terre c’est la baisse du taux d’intérêt. Ce dernier est au-dessous du taux moyen du profit. C’est pourquoi, avec la baisse du taux moyen du profit, diminue aussi le taux d’intérêt. La p. 197rente étant de 100 francs et le taux d’intérêt de 5 %, le prix de la terre sera de 2 000 francs. Avec une rente de 100 francs et un taux d’intérêt de 4 %, le prix de la terre sera de 2 500 francs. Pour une rente de 200 francs et un taux d’intérêt de 4 %, le prix de la terre devra atteindre 5 000 francs. La croissance de la rente et la baisse simultanée du taux d’intérêt accélèrent l’augmentation des prix de la terre.
La propriété privée du sol détourne donc de plus en plus de capitaux de leur application productive. Plus le capitalisme se développe, plus la propriété privée du sol devient un obstacle au développement des forces productives de l’agriculture.