Dominique Meeùs
Dernière modification le
Louis Ségal, Principes d’économie politique :
versions,
table des matières,
index des notions —
Retour au dossier marxisme
Les propriétaires fonciers (il s’agit ici des gros propriétaires fonciers) sont des exploiteurs. Mais parmi les exploiteurs ils forment un groupe à part, opposé à la bourgeoisie. La propriété foncière n’est pas la condition nécessaire de l’existence du capitalisme. La classe des propriétaires fonciers est un reste de la féodalité au sein du capitalisme.
Dans le mode capitaliste de production, le capitaliste est l’agent non seulement nécessaire mais absolu de la production. Le propriétaire foncier y est complètement inutile. Tout ce qu’il faut c’est que la terre ne soit pas la propriété commune, qu’elle s’oppose à l’ouvrier comme quelque chose qui ne lui appartient pas. Il en est ainsi quand elle est la propriété publique et que l’État touche lui-même la rente foncière. Le propriétaire foncier, agent tellement essentiel de la production dans l’antiquité et le moyen âge, est superflu dans la production industrielle. (K. Marx : Histoire des doctrines économiques, tome 3, p. 250.)
Avec le passage de la terre entre les mains de l’État bourgeois, c’est-à-dire lors de la nationalisation bourgeoise du sol, on pourrait abolir la rente absolue qui est le résultat du monopole de la propriété privée du sol. La rente différentielle subsisterait dans ce cas, car elle est le résultat non de la propriété foncière privée, mais d’un autre genre de monopole, à savoir le monopole de l’économie capitaliste sur la terre, monopole qui découle de l’étendue limitée de la terre et de ses meilleurs lots. Si l’on pouvait produire de la terre, le profit supplémentaire dans l’agriculture aurait le même caractère inconstant que dans l’industrie et ne se transformerait pas en rente différentielle. L’étendue limitée de la terre aboutit au fait que, parmi les capitalistes qui investissent leurs capitaux dans l’agriculture, les uns sont dans des conditions plus avantageuses que les autres. Ce monopole de l’économie capitaliste sur la terre, qui engendre la rente différentielle, de même que la rente différentielle elle-même, ne peuvent pas être supprimés par le passage de la terre dans les mains de l’État bourgeois. Avec la nationalisation bourgeoise de la terre, la rente différentielle subsisterait, mais ce serait l’État qui l’encaisserait. Bien que la nationalisation du sol par l’État bourgeois aurait pour effet d’accélérer le développement du capitalisme, la bourgeoisie ne peut pas la réaliser pratiquement pour deux raisons.
D’abord, l’abolition de la propriété privée du sol en régime capitaliste serait un coup porté à la propriété privée en général.
S’attaquer à une forme quelconque de propriété, ce serait les menacer toutes. (K. Marx : Histoire des doctrines économiques, tome 3, p. 250)
Le coup porté à la propriété foncière faciliterait des coups ultérieurs inévitables à la propriété en général. (V. I. Lénine : Œuvres complètes, tome 7, p. 223.)
En second lieu, à mesure du développement du capitalisme, le bourgeois lui-même est du reste devenu propriétaire foncier.
D’une part, la bourgeoisie achète de plus en plus de terre, et, d’autre part, la terre qui n’appartient pas à la bourgeoisie, de plus en plus hypothéquée, devient pratiquement la propriété des banques capitalistes.
p. 200Au fur et à mesure de l’aggravation des contradictions entre la bourgeoisie et le prolétariat qui lutte pour l’abolition de la propriété privée en général, les intérêts de la bourgeoisie et des gros propriétaires fonciers se rapprochent et s’interpénètrent de plus en plus. La bourgeoisie maintient la propriété privée du sol qui entrave le développement du capitalisme. Ce dernier devient un facteur qui freine la croissance des forces productives de la société.
Dans de pareilles conditions, la propriété privée du sol ne peut être supprimée que par la révolution : dans certains pays, par la révolution bourgeoise démocratique se transformant en révolution socialiste, dans d’autres, dans les pays capitalistes plus avancés, par la révolution prolétarienne. La nationalisation de la terre par l’État prolétarien ouvre la voie non au développement libre du capitalisme, mais, au contraire, est le commencement de la liquidation du capitalisme et représente une des bases les plus importantes de la construction du socialisme et du développement rapide des forces productives sociales.
En U. R. S. S., la nationalisation du sol a aboli d’un coup la propriété privée du sol et la rente foncière. C’est là l’une des raisons les plus importantes du développement rapide de l’agriculture, l’une des plus importantes conditions de la rapide croissance des formes socialistes de l’agriculture.