Dominique Meeùs
Dernière modification le   
Louis Ségal, Principes d’économie politique : versions, table des matières, index des notions — Retour au dossier marxisme

L’intérêt et le profit bancaire

Up: 6. Le capital de prêts et l’intérêt Previous: Le taux d’intérêt est moindre que le taux moyen du profit
p. 184

En fait, les capitalistes prêteurs, pour lesquels le prêt d’argent n’est pas une opération accidentelle mais une forme régulière et unique d’emploi de leur capital, prêtent non seulement leurs propres capitaux, mais aussi les capitaux étrangers et les dépôts concentrés chez eux. Ce sont les banquiers et leur revenu — le profit bancaire — est égal au taux moyen du profit et souvent même le dépasse.

Voyons, maintenant, comment cela se produit.

Les industriels gardent une partie de leur capital sous la forme monétaire à titre de réserve pour le cas du renchérissement du prix des matières premières, etc. Le prix obtenu à chaque vente de marchandises renferme une indemnité pour l’usure du capital fixe (machines, édifices, etc.) mais ce dernier n’est remplacé qu’après son usure complète, après plusieurs années. Par conséquent, il s’accumule peu à peu sous la forme monétaire une somme déterminée qui reste temporairement disponible. Il en est de même pour la plus-value employée pour l’accumulation du capital (la reproduction élargie) et qui ne devient pas un capital nouveau après chaque vente. Il est d’autres conditions de la reproduction capitaliste qui conduisent à la formation d’un capital temporairement disponible. Ce capital argent temporairement disponible se crée également chez les commerçants.

D’autre part, les capitalistes ont souvent besoin de crédit pour élargir la production ou pour acheter des matières premières, etc. Tandis que tel capitaliste possède un capital argent temporairement disponible, tel autre cherche à contracter un emprunt ! Les banques concentrent ces capitaux temporairement disponibles et elles les prêtent. En outre, elles gardent les économies des petits déposants. Elles sont donc les intermédiaires entre l’offre et la demande de capitaux. Par conséquent, les banques prêtent non seulement leur propre capital, mais encore celui des autres qui leur est temporairement confié (dans la période de l’impérialisme, le rôle des banques change, bien qu’elles remplissent toujours cette fonction d’intermédiaires). (Voir à ce sujet le dernier chapitre.)

Pour les dépôts acceptés, les banques payent un intérêt moindre que l’intérêt perçu pour les prêts. Supposons qu’une p. 185banque possède 100 millions de francs de capital à elle et 300 millions de francs de dépôts. Supposons qu’elle paye aux déposants 3 % et touche sur les prêts 5 %. En admettant que tout ce capital de 400 millions de francs fasse une rotation par an, nous aurons à la fin de l’année le résultat suivant : le revenu de la banque, les intérêts sur prêts consentis seront de 20 millions de francs (5 % sur 400 millions), les intérêts payés aux déposants de 9 millions (3 % sur 300 millions). Le profit de la banque sera de 11 millions de francs, soit 11 % pour le capital propre de la banque (100 millions).

Bien que le taux d’intérêt perçu sur les prêts soit inférieur au taux moyen du profit, le taux du profit de la banque sur son propre capital n’est pas inférieur au taux moyen. La banque reçoit ce profit sous forme d’intérêt sur prêts.

L’intérêt est une partie de la plus-value, une partie du travail supplémentaire non payé de la classe ouvrière. Mais dans cette forme disparaît complètement toute trace de l’origine de la plus-value.

Dans son mouvement, le capital commercial affecte les formes de capital-argent et de capital-marchandise. Le capital de prêts circule constamment sous une seule forme, celle du capital-argent. La formule du mouvement du capital de prêts est : A — A′. La source des intérêts semble être ici l’argent comme tel.

Produire la valeur, porter de l’intérêt devient une propriété de l’argent comme celle du poirier est de donner des poires… Dans la formule A — A′ nous avons la forme irrationnelle du capital, le degré suprême de la déformation et de la matérialisation des relations de production… Nous avons devant nous la propriété de l’argent ou de la marchandise d’accroître sa propre valeur sans égard à la reproduction, forme suprême de mystification du capital. (K. Marx : le Capital, t. 11, p. 208.)

Up: 6. Le capital de prêts et l’intérêt Previous: Le taux d’intérêt est moindre que le taux moyen du profit