Dominique Meeùs
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Louis Ségal, Principes d’économie politique :
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Marx a exposé sa théorie de la valeur dans le Livre I du Capital qui comprend également sa théorie de la plus-value. La théorie des prix de production qui n’est que le développement de celle de la valeur est exposée dans le Livre III du Capital. Mais lorsque parut ce dernier livre, les économistes bourgeois trouvèrent unanimement une « contradiction » entre le premier et le troisième livre. Dans le premier, Marx affirme prétendument que les marchandises se vendent à leur valeur, et, dans le troisième, qu’elles sont vendues non à leur valeur, mais à leur prix de production. Marx aurait prétendument changé d’opinion en cette matière dans la période entre le travail sur le 1er et le travail sur le 3e livre ou bien sa théorie ne tient pas debout. Avec cette « contradiction », les économistes bourgeois se proposent de réfuter toute la doctrine économique de Marx et de « démontrer » son inconsistance.
Il faut noter qu’avant de faire paraître le premier livre du Capital (1867), Marx avait déjà achevé, dans l’essentiel, le Livre III (Marx mourut en 1883 sans avoir eu le temps de préparer lui-même pour l’impression le troisième livre qui fut publié, en 1894, par les soins de F. Engels). Cela signifie que Marx n’avait pas modifié ses idées ; lorsqu’il écrivit le Livre I, sa théorie des prix de production était déjà achevée.
En réalité, il n’existe chez Marx aucune contradiction entre la théorie de la valeur et celle des prix de production.
Dans la société capitaliste, les marchandises sont le produit du capital. Une partie de la valeur de la marchandise ne coûte rien au capitaliste. Il peut donc la vendre au-dessous de la valeur et en tirer quand même un profit. Or, la p. 174concurrence oblige tel capitaliste à vendre ses marchandises au-dessous de la valeur, et donne la possibilité à tel autre de les vendre au-dessus de la valeur. C’est pourquoi le prix de production des diverses marchandises ne coïncide pas avec leur valeur.
La formation des prix de production ne peut être exactement expliquée que par la théorie marxiste de la valeur. Si l’on nie que la valeur des marchandises est déterminée par le travail, il est impossible de comprendre comment se forment le taux moyen du profit et le prix de production.
Le profit moyen constitue la moyenne de la masse totale de la plus-value. Dans le procès de la répartition de toute la plus-value entre les différentes branches de production lors de la transformation de la plus-value sociale en profit moyen, s’opère en même temps la transformation de la masse sociale de la valeur en prix de production des différentes marchandises. L’écart entre les prix de production et les valeurs n’est donc pas une violation de la loi de la valeur. Le prix de production c’est la forme sous laquelle se manifeste la loi de la valeur en régime de production marchande développée, c’est-à-dire en régime capitaliste.
En repoussant l’explication de la valeur par le travail et des prix de production par la valeur, les économistes bourgeois renoncent pratiquement à toute explication des prix. Quant à celles qu’ils essaient de donner, en réalité elles n’expliquent rien.
Les économistes bourgeois « expliquent » d’ordinaire les prix par la loi de l’offre et de la demande. Mais les fluctuations de l’offre et de la demande peuvent faire comprendre tout au plus pourquoi aujourd’hui le prix d’une telle marchandise est plus ou moins élevé qu’hier sans pouvoir expliquer le prix de la marchandise quand l’offre et la demande se neutralisent. Ces fluctuations n’expliquent pas pourquoi une telle marchandise coûte plus cher qu’une autre.
Une autre explication bourgeoise du prix, c’est la théorie dite des frais de production, en vertu de laquelle le prix de la marchandise est d’autant plus élevé que les frais de sa production sont plus considérables. Mais cette « explication » constitue plutôt une tentative de se dérober à une véritable explication. En effet, les frais de production, d’une p. 175étoffe par exemple, c’est le prix du fil, de la machine à tisser, etc. Mais qu’est-ce qui détermine le prix du fil ? Il est évident que ce sont les frais de sa production, c’est-à-dire le prix du coton, de la machine à filer, etc. Et le prix du coton ? Il est déterminé par le prix des graines de coton, de la charrue, etc., c’est-à-dire que le prix est expliqué par le prix, mais cela veut dire justement qu’il n’est pas expliqué du tout. Qu’est-ce que le prix de la marchandise ? C’est son prix ! Tel est le sens de la réponse fournie par la théorie des frais de production.
L’économie politique bourgeoise n’est nullement en état de fournir une explication scientifique de la formation des prix. En raison de son caractère de classe et de sa tendance à nier et à dissimuler l’exploitation de la classe ouvrière, l’économie politique bourgeoise fait appel à toute espèce d’échappatoires, édifie des « théories » qui n’expliquent rien et les fait passer pour de la « science pure ».
Parler après Marx d’une économie politique non marxiste ne peut avoir pour but que de duper les petits bourgeois, fussent-ils des petits bourgeois « hautement » cultivés. (V. I. Lénine : Œuvres complètes, tome 27, p. 333, édition russe.)
La transformation de la plus-value en profit et du taux de la plus-value en taux du profit offre une extrême importance pour le développement du capitalisme. En régime capitaliste, le développement des forces productives se déroule sous la force de l’accumulation du capital, ce qui est réalisé par l’exploitation grandissante de la classe ouvrière. La croissance de l’exploitation a pour expression celle du taux de la plus-value. Mais ce qui intéresse les capitalistes, ce n’est pas le taux de la plus-value, mais celui du profit : seul le taux du profit est l’indice de l’augmentation de la valeur de l’ensemble du capital. Chaque capitaliste pris isolément et toute la classe des capitalistes dans son ensemble tendent à obtenir un taux du profit le plus élevé possible.
Cependant, en réalité, il se produit non une croissance, mais une baisse du taux du profit.