Dominique Meeùs
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L’abolition de l’esclavage salarié

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En régime capitaliste, le prolétariat est une classe d’ouvriers salariés, privés des moyens de production. Or, en U.R.S.S., les moyens de production appartiennent au prolétariat dans la personne de son État. La classe ouvrière possède donc non seulement sa force de travail, mais aussi les moyens de production. La force de travail n’est plus une marchandise. En apparence, il semble qu’en U.R.S.S. aussi l’ouvrier vend sa force de travail : il entre comme salarié dans les entreprises de l’État, touche des salaires, etc. Mais à qui vend-il sa force de travail ? En régime capitaliste, il la vend à un capitaliste. En U.R.S.S., la classe ouvrière dans son ensemble « vend » sa force de travail non à une tierce personne, mais à elle-même. Mais cette vente par chaque ouvrier individuel, de sa force de travail à son propre État, n’est pas une vente au sens propre du mot. C’est la forme de la participation de chaque ouvrier au travail social et au produit du travail. La différence essentielle entre le socialisme et le capitalisme consiste précisément dans la propriété des moyens de production.

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Le mode de production capitaliste, par exemple, consiste en ceci que les conditions matérielles de la production sont attribuées aux non-travailleurs sous forme de propriété capitaliste et de propriété foncière, tandis que la masse ne possède que les conditions personnelles de la production : la force de travail.

En régime socialiste, « les conditions matérielles de la production formeront la propriété collective des travailleurs eux-mêmes ». (K. Marx et F. Engels : Critiques des programmes…, p. 25.)

Ce principe socialiste de la propriété collective est réalisé de la façon la plus conséquente dans nos entreprises d’État, c’est-à-dire que chaque entreprise appartient directement non aux ouvriers qui sont occupés dans celle-ci, mais à la classe ouvrière dans son ensemble, dans la personne de son État. En ce qui concerne les kolkhoz, seule la partie la plus importante des moyens de production (la terre, les tracteurs) appartient à l’État ; les autres moyens de production appartiennent à chaque kolkhoz séparément. C’est pourquoi les kolkhoz représentent une forme de rapports socialistes moins développée que les entreprises d’État qui sont des entreprises de type socialiste conséquent. Mais les uns et les autres sont des entreprises socialistes dans lesquelles il n’y a pas de propriété privée des moyens de production, dans lesquelles il n’y a pas deux classes — des exploiteurs et des exploités, dans lesquelles il n’y a pas d’exploitation.

Le trotskisme nie le caractère socialiste des entreprises soviétiques d’État et des kolkhoz. Au point de vue de l’opposition zinoviévo-trotskiste, nos entreprises sont des entreprises capitalistes d’État, car il existe encore l’argent, le salaire, etc. Et le fait que les capitalistes ont été expropriés par l’État prolétarien, que les moyens de production ont passé dans les mains de la classe ouvrière, c’est-à-dire le principal caractère qui distingue nos entreprises des entreprises capitalistes, ce fait est ignoré par le trotskisme. Cela ne fait que souligner une fois de plus le caractère entièrement contre-révolutionnaire de la « théorie » zinoviévo-trotskiste. En effet, si après l’expropriation des capitalistes, les entreprises confisquées par l’État ouvrier continuent à rester des entreprises capitalistes, il n’y a pas de raison en général de faire la révolution et d’exproprier les capitalistes. Cette appréciation trotskiste de nos entreprises correspond pleinement à la théorie trotskiste contre-révolutionnaire de l’impossibilité de la construction du socialisme en U.R.S.S.

Le caractère socialiste de nos entreprises d’État p. 110s’exprime non seulement dans le fait que leur base c’est la propriété socialiste, mais aussi dans le changement radical de tous les rapports par comparaison avec le régime capitaliste. Les moyens de production ne sont plus l’incarnation du capital dominant l’ouvrier. Ils sont subordonnés à la classe ouvrière et servent à édifier le socialisme et à augmenter le bien-être des masses. Ils représentent du

… travail accumulé qui sert de moyen au travail vivant pour faire une nouvelle production. (K. Marx : Travail salarié…, p. 41.)

Le développement de la production n’est plus subordonné au principe de la concurrence et du profit capitaliste, mais est dirigé conformément à un plan d’ensemble en vue de l’amélioration systématique des conditions matérielles et culturelles des travailleurs. (J. Staline : Deux Bilans, p. 50.)

La plus-value est supprimée. Tout le travail des ouvriers sert à construire la société socialiste. Une partie du produit social est employée pour la consommation immédiate, l’autre pour l’accumulation socialiste. Ce produit accumulé forme la propriété collective de la classe ouvrière personnifiée par son État. Elle n’est pas appropriée par une autre classe. Elle n’est donc pas de la plus-value.

Les rapports de production socialistes donnent lieu à une autre attitude de l’ouvrier à l’égard de l’État.

Tandis qu’en régime capitaliste le travail salarié est une forme d’esclavage, en U.R.S.S. le travail est accompli pour soi-même, libre. Le travail libre, cela ne veut pas dire que l’ouvrier est libre de travailler ou de ne pas travailler. Le travail a toujours été et sera de tout temps la condition fondamentale de l’existence de l’homme. La liberté de travail consiste en ce qu’il est accompli pour soi-même, pour sa propre classe, et non pour des parasites. C’est pourquoi il existe en U.R.S.S. une autre attitude à l’égard du travail que dans les pays capitalistes. En régime capitaliste,

… La classe ouvrière est une classe exploitée, travaillant non pour son propre compte, mais pour une autre classe, pour celle des exploiteurs.

En U. R. S. S., la classe ouvrière est maîtresse du pays, elle travaille pour son propre compte au lieu de travailler pour les capitalistes. (J. Staline : Deux Bilans, p. 50-51. Bureau d’éditions, Paris, 1930.)

Le plus remarquable dans l’émulation c’est qu’elle révolutionne les idées des gens sur le travail, qu’elle le transforme, alors qu’il était naguère une charge lourde et pénible, en une question d’honneur, de gloire, de vaillance et d’héroïsme. (J. Staline : Deux Bilans, p. 46.)

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Cette attitude socialiste des grandes masses des ouvriers et des travailleurs à l’égard de leur travail, attitude qui se développe de plus en plus chez nous, le processus de liquidation des survivances du capitalisme dans l’économie et dans la conscience des hommes, processus qui se produit devant nos yeux, tout cela est la source de la croissance rapide des forces productives et de l’essor du niveau matériel et culturel des travailleurs, au contraire de ce qui se passe dans le régime capitaliste, où la croissance des forces productives, non seulement n’améliore pas, mais rend encore plus mauvaise la situation de l’ouvrier.

Nous avons envisagé ci-dessus l’influence sur l’ouvrier du développement du machinisme en régime capitaliste. Examinons maintenant quel est le rapport entre la machine et l’ouvrier chez nous, en U.R.S.S.

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