Dominique Meeùs
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Louis Ségal, Principes d’économie politique :
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Par elle-même, la machine est un moyen de travail, à l’aide duquel l’ouvrier produit des valeurs d’usage déterminées. Mais dans la société capitaliste, la machine est une forme de l’existence du capital, un moyen de soutirer du travail non payé, d’exploiter l’ouvrier.
L’ouvrier ne domine pas les conditions de travail, il est dominé par elles.
L’ouvrier devient un appendice de la machine.
La machine, appelée à faciliter le travail, le rend plus pénible. Les mouvements de l’ouvrier sont subordonnés au mouvement uniforme des machines, le travail devient monotone, sans attrait.
En même temps que le travail mécanique fatigue à l’extrême le système nerveux, il supprime le jeu varié des muscles et tue toute libre activité physique et intellectuelle. Même la facilité plus grande du travail devient un moyen de torture puisque la machine ne dispense pas l’ouvrier du travail, mais enlève à celui-ci son intérêt. (K Marx : le Capital, t. 3, p. 82.)
Un des moyens les plus importants de perfectionner les machines, c’est d’accroître la vitesse de leur mouvement, qui p. 100a pour résultat un travail plus intense dépensé pendant le même laps de temps. Le développement du machinisme conduit donc à l’accroissement de l’intensité du travail.
L’intensité du travail a subi un accroissement particulier dans les pays capitalistes à la suite de la rationalisation d’après-guerre. Voici ce qu’écrit le professeur Schlesinger au sujet des entreprises Ford en Amérique :
Les chiffres de la fluctuation de la main-d’œuvre chez Ford attestent qu’en dépit des hauts salaires l’ouvrier ne peut pas tenir longtemps à ce travail. La première étude directe de la chaîne fait une impression profonde et le spectateur, même habitué aux conditions modernes du travail, se demande involontairement comment l’ouvrier peut tenir à cette monotonie du travail. Tous les ans, Ford embauche cent mille nouveaux ouvriers et met leurs nerfs à l’épreuve par ce travail monotone qui détruit leur corps et leur esprit.
Telle, ou à peu près telle, est la situation dans toutes les entreprises capitalistes « rationalisées ».
Moyen de réduire le temps de travail, la machine devient, en régime capitaliste, un moyen de le prolonger. Elle s’use non seulement quand elle fonctionne, mais aussi quand elle reste inactive. D’où la tendance des capitalistes à prolonger la journée de travail pour réduire l’usure improductive de la machine.
La machine simplifie le travail et, pour cette raison, il devient possible d’employer des femmes et des enfants. Elle détruit la famille ouvrière. Les femmes et les enfants, la partie la plus faible, la moins organisée et la plus arriérée de la classe ouvrière, sont soumis à un dur régime d’exploitation. L’entrée des femmes et des enfants dans la production accentue la concurrence sur le marché du travail, fait baisser les salaires des ouvriers adultes. Enfin, la machine évince l’ouvrier de la production et crée ainsi le chômage. (Voyez pour le chômage le chapitre 6.)
La machine asservit l’ouvrier au capitaliste. Mais cela ne découle pas des propriétés de la machine, mais de son application par le Capital.
Ainsi la machine prise en soi raccourcit le temps de travail, facilite le travail, permet à l’homme de triompher des forces naturelles, augmente la richesse du producteur ; mais, par l’emploi capitaliste, elle prolonge la journée de travail, accroît l’intensité du travail, assujettit l’homme aux forces naturelles, appauvrit le producteur. (K. Marx : le Capital, t. 3, p. 108.)
La machine asservit la classe ouvrière, parce qu’elle appartient aux capitalistes, parce qu’elle s’oppose à la classe ouvrière comme une force étrangère qui la domine, force du capital.