Dominique Meeùs
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En examinant les différentes parties du capital, nous verrons que chacune d’entre elles joue un rôle différent. Prenons, par exemple, les moyens de production : objets de travail et moyens de travail. L’objet de travail offre une valeur déterminée. Elle se communique à l’objet fabriqué ; dans notre exemple, la valeur du coton est transférée dans le fil. Mais comment s’effectue ce transfert ? En transformant le coton en fil, l’ouvrier conserve la valeur du coton, qu’il transfère dans le produit, dans le fil.
Le transfert de la valeur des moyens de production n’est pas nécessairement suivi du transfert de la substance matérielle des moyens de production dans le produit fini. La substance du coton passe dans le fil ; le fil, c’est le coton p. 85à qui on avait communiqué une forme déterminée. Mais il en est autrement, si nous prenons les moyens de travail, par exemple les machines à filer. La substance matérielle de ce moyen de travail n’entre pas dans le produit fini, mais sa valeur entre dans la composition de sa valeur. Seulement, elle n’entre pas intégralement dans la valeur du produit, comme la valeur de l’objet de travail (la valeur d’un kilo de coton entre intégralement dans la valeur d’un kilo de fil), mais par parties, proportionnellement à son usure. Cette valeur des moyens de travail est transférée par l’ouvrier dans le procès de travail.
La situation est tout autre en ce qui concerne l’autre partie du capital, la valeur de la force de travail. Pour transformer, à l’aide des moyens de travail, 8 kilos de coton en 8 kilos de fil, l’ouvrier doit dépenser 8 heures de travail. Pendant ce temps, il crée une nouvelle valeur qui n’existait pas auparavant. La valeur du coton et de la machine à filer a existé avant que l’ouvrier ait commencé à transformer le coton en fil. Leur valeur n’a pas été créée par le travail du fileur, mais par celui du planteur de coton, et des ouvriers qui ont construit la machine à filer. Mais le travail de ces ouvriers est du travail passé, un travail déjà transformé en valeur, tandis que celui du fileur est du travail présent, du travail vivant. La force de travail est donc la source d’une nouvelle valeur, contrairement aux moyens de production qui ne sont pas, en général, une source de valeur, car ils ne sont pas une source de travail.
La valeur de la force de travail n’est pas transmise dans le produit, mais est reproduite par la création d’une nouvelle valeur.
Comment un ouvrier peut-il créer une nouvelle valeur et transférer en même temps dans le produit la valeur des moyens de production ? En transformant le coton en fil, l’ouvrier fileur produit une certaine valeur d’usage. En tant que fileur, il transfère, par son travail concret, par le fait de transformer le coton en fil, la valeur du coton dans le fil. Mais son travail étant en même temps une dépense de force de travail en général, du travail humain abstrait, il communique à son objet de travail une nouvelle valeur.
Le transfert de la valeur et la création d’une nouvelle valeur ne sont pas deux opérations effectuées l’une à la suite de l’autre, le travail humain abstrait et le travail concret n’étant que deux aspects, deux propriétés d’un même et p. 86seul travail. L’ouvrier transfère la valeur des moyens de production dans le produit tout en créant en même temps une nouvelle valeur. Ce double résultat de son travail est déterminé par le caractère double de son travail concret et abstrait.
C’est donc en vertu de sa propriété universelle abstraite de dépense de force de travail humaine que le travail du fileur ajoute une nouvelle valeur aux valeurs du coton et des broches, et c’est en vertu de sa propriété utile, particulière, concrète, de procès de filage qu’il transmet au produit et conserve ainsi dans le produit la valeur de ces moyens de production. D’où le caractère double de son résultat en un point donné du temps.
Supposons que le travail du fileur soit devenu deux fois plus productif et qu’en 8 heures il ne produise pas 8, mais 16 kilos de fil. La valeur du coton est restée la même, c’est-à-dire qu’un kilo de coton contient une heure de travail. En transformant maintenant en 8 heures 16 kilos de coton, notre fileur transfère dans le fil 16 heures de travail passé et il ajoute à ce travail passé 8 heures de travail présent.